Roux

La couleur du défi

« Vous qui passez sans me voir »... Impossible ! Flamboyants ou queue-de-vache, brique ou poil-de-carotte, les roux nous en mettent plein la vue. Diaboliquement ensorceleurs pour les uns, étrangement cocasses pour les autres, ils n'ont jamais laissé indifférents ceux qui arborent de banals cheveux bruns ou blonds.

En compagnie de Barberousse ou Nini-Peau-de-chien, allons prendre un peu de rousseur pour lever le voile sur l'origine de ce très chevelu sortilège.

Jules-Joseph Lefebvre, Marie-Madeleine à la grotte, 1876, Saint-Pétersbourg, musée de l'Ermitage. L'agrandissement est un tableau de Jean-Jacques Henner, La Liseuse, 1883, Paris, musée d’Orsay en dépôt au musée national Jean-Jacques Henner.

Tant d'histoires pour une couleur...

Si l’humanité ne compte que 2 % de roux, ils ont cependant attiré l’attention depuis longtemps, trop souvent à leurs dépends malheureusement… Déjà, chez les Égyptiens, leur sort n’était guère enviable. Selon Plutarque, ils étaient mis à mal. Il faut dire que le dieu Seth, qui était roux, avait découpé en morceaux son frère Osiris ! Curieusement, l’étude de la momie de Ramsès II a laissé penser qu’il l’était lui aussi… De quoi remettre en cause la thèse de la persécution généralisée.

John William Waterhouse, Les Danaïdes, collection privée, 1903.Chez les Grecs anciens, cette couleur était tout à la fois un signe de fragilité, conséquence d’une maladie, mais aussi de brutalité. Arès, dieu de la Guerre, mais aussi le Sphinx ou encore les Danaïdes, qui assassinèrent leurs maris, ne portaient-ils pas une chevelure de cette couleur ? Hippocrate alla jusqu’à affirmer que les roux sont méchants !

Vers l’Orient, la religion juive ne jette pas l’opprobre sur cette catégorie de la population. Dans le Livre de Samuel, Esaü est évoqué comme le prototype de l’homme viril et fort or il est bien roux, tout comme plus tard le roi David. La rousseur est alors un signe distinctif accordé par Dieu…

C’est cependant une exception car la civilisation romaine ne réserve pas non plus une place de choix aux roux.

Au théâtre, les voilà cantonnés aux rôles de rusés, le comble étant atteint avec le dramaturge satirique Martial qui affuble l’un de ses personnages, Zoïle, de tous les défauts dans les Épigrammes, au Ier siècle : « Avec tes cheveux roux, ton visage livide, ton pied-bot, ton œil louche, tu fais des merveilles, si tu es honnête homme »

La chrétienté aura une attitude plus ambivalente, attribuant la rousseur tantôt à Judas, tantôt à Marie-Madeleine, tantôt au Christ lui-même ! Si le Moyen-Âge voit surgir des personnages comme Erik le rouge ou Barberousse, le quotidien des roux reste semé d’embûches, voire bien pire. L’Inquisition n’a-t-elle pas envoyé au bûcher nombre de femmes rousses au motif qu’elles étaient des sorcières ? Un édit du XIIIe siècle va même obliger les prostituées à se teindre les cheveux de cette couleur afin que les chrétiens sachent que c’est à l’enfer qu’une telle compagnie les promettait !

Au fil du temps, cet oukaze va associer les femmes rousses à un érotisme libertin… puis cette couleur devient un attribut de séduction. Au XIXe siècle, de nombreux peintres vont les magnifier jusqu’à en faire des muses. Au XXe siècle, le monde du spectacle est lui aussi gagné par cette ferveur. Nombre d’artistes à la chevelure de feu vont triompher sur scène ou sur le grand écran, achevant de donner ses lettres de noblesse à cette couleur autrefois honnie.

Publié ou mis à jour le : 2020-05-06 10:45:08

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