Féminisme

Les métiers ont-ils un sexe ?

Alors que de plus en plus de femmes intègrent les différents secteurs du salariat au XXIème siècle, la langue française semble comporter une lacune au vu du faible nombre de noms de métier féminins. Auteur ou autrice ? Docteur ou doctoresse ? Après de longs mois de réflexion, l’Académie française a donné, ce jeudi 28 février 2019, son feu vert à la féminisation des noms de métiers.

C'est l'ultime épisode de la relation compliquée entre la langue, l'usage et l'autorité...

Une revendication nouvelle ?

Dans son rapport, l’Académie affirme qu’il n’existe « aucun obstacle de principe » à la féminisation des noms de métiers et de professions. C’est une petite révolution lorsqu’on se rappelle qu’elle s’était insurgée dans les années 90 contre les emplois des termes « la ministre » ou bien « la députée ».

Frédéric Vitoux, membre de l’Académie française et président de la Commission d’enrichissement de la langue française explique qu’ « il n’y a pas d’opposition dogmatique mais des problèmes pratiques. »

En effet, comment féminiser le métier de celle qui pratique la médecine ? Rajouter un « e » à la fin du nom masculin risquerait de confondre l’exerçante et la discipline. Le médecin ne peut donc pas devenir la médecine. Faut-il dire « la médecin » ou encore « la femme médecin » ?

La féminisation ou, selon les points de vue, la démasculinisation de la langue française a fait des progrès depuis plusieurs années et les titres de « chancelière » ou de « présidente du conseil », de « pharmacienne » ou « compositrice » sont entrés sans grande difficulté dans l’usage. Et ils ne posent aucun problème de compréhension.

Mais parce que ceux de « Première ministre » ou de « doctoresse » n’ont pas fait leur preuve, les langues se délient et les passions se déchaînent contre le français, accusé non pas d’être le reflet d’une inégalité entre les hommes et les femmes, mais d’en être à l’origine.

Auparavant, les femmes étaient satisfaites des dénominations uniquement masculines de leur métier pour marquer l'égalité des compétences et de mérite entre hommes et femmes. Aujourd'hui, la tendance s’est inversée et les femmes, qui ont déjà prouvé qu'elles étaient les égales des hommes, veulent marquer leur identité dans le langage.

Femme « écrivaine », Giovanni Boccaccio, De Claris mulieribus, traduit en français Livre des femmes nobles et renommées, 1403, BnF, Paris.

Publié ou mis à jour le : 2021-02-04 18:06:35
Marie-France (27-03-2019 21:25:51)

Vous écrivez : Les terminaisons en "euse" ne s'ajoutent que sur des noms auxquels correspond un verbe et vous continuez en vous demandant s'il faut écrire à propos d'une femme "la professeur" ou "la professeure".
Mais pourquoi ne pas dire "professeuse" qui correspondrait au verbe "professer" ?
C'est une suggestion mais je n'attends pas de réponse de votre part.
Bien cordialement.

vasionensis (27-03-2019 10:13:15)

Bonjour,
Il y a un demi-siècle, nous avions déjà eu droit à une poussée féminisante, qui se traduisait par exemple par l'usage fortement recommandé de 'doctoresse'. Indice de notre affadissement linguistique, on tend aujourd'hui à coller des 'e' finaux aux termes masculins et c'est ce qu'on inocule hélas à nos chères têtes de la teinte que vous préférez.
La voix de ceux qui feraient remarquer qu'une appellation peut davantage désigner une fonction que son titulaire et qu'il n'y a pas alors lieu de se soucier du sexe de ce dernier, ne se fait guère entendre. Pourtant, pourquoi une femme exerçant la fonction de ministre devrait-elle s'offusquer d'être interpellée 'madame le ministre'?
Je suis une basse, j'ai été sentinelle quelquefois. Eussé-je été à l'occasion ordonnance, estafette ou vigie, que je n'aurais pas jugé que l'Autorité voire la masse anonyme de mes contemporains cherchait à me déviriliser.
Mais peut-être que certaines femmes ministres n'ont rien de plus urgent à faire que de chipoter sur leur titre. Allez savoir ...
Illustration supplémentaire de la distinction titre/titulaire : vous relevez l'ancien 'peintresse' pour la femme d'un peintre. Nous avons eu encore naguère des maréchales, épouses de maréchaux. Une femme distinguée de ce dernier titre en demanderait elle la féminisation, au risque d'évoquer la triste et fière héroïne de Hoffmannstahl?

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