Selon la Genèse, premier livre de la Bible hébraïque, c'est au troisième jour de la Création que Dieu conçut l'idée de couvrir la terre d'arbres : « Que la terre produise de la verdure, de l'herbe portant de la semence, des arbres fruitiers donnant du fruit selon leur espèce et ayant en eux leur semence sur la terre. Et cela fut ainsi. » (Genèse, XVI-XIIe siècle av. J.-C).
« Dieu vit que cela était bon »
Dans cet Éden couvert de verdure, deux arbres se distinguent : « Il y avait [...] l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal. » (Genèse, XVI-XIIe siècle av. J.-C). Au premier revient la gloire de symboliser la présence de Dieu et, bien entendu, la vie, voire l'immortalité ; au second, de pouvoir apporter à celui qui mange ses fruits une connaissance fort dangereuse puisque interdite par directive divine.
Attention, piège ! Le fruit cachait un vers, ou plutôt un gros serpent qui, comme on le sait, charma Ève et la fit céder à la tentation. Et voilà comment un beau pommier, a priori inoffensif et bienveillant, se fit instrument de la colère de Dieu pour expulser notre premier couple qui aurait dû se contenter de cultiver et garder toutes ces richesses.
Quelques générations plus tard, le bois se rachète en se faisant instrument de salut pour les pauvres hommes en voie d'être noyés par le déluge. Tous sur l'arche ! Et c'est un petit rameau d'olivier, délicatement tenu dans le bec d'une colombe, qui apporta la nouvelle de la fin de l'épreuve.
Par la suite, l'acacia fut choisi pour la construction de l'arche d'Alliance avant de laisser la place au cèdre du Liban pour revêtir l'intérieur du Temple de Jérusalem. L'arbre se fait alors symbole de protection divine comme en fit l'expérience Moïse, caché dans son berceau de roseaux.
C'est également en tant que refuge qu'il joue un rôle dans l'histoire d'Abraham, installé sous les chênes de Mambré, à Hébron, où il va recevoir la visite du Seigneur pour lui apprendre la fécondité de Sara. Plus modestement, c'est par l'intermédiaire d'un buisson ardent que Dieu ordonne à Moïse de conduire son peuple hors d'Égypte.
L'arbre est donc un allié, un protecteur, voire un exemple à suivre, comme le rappelle ce psaume : « Heureux l'homme qui ne suit pas le conseil des impies, il est comme un arbre planté près des ruisseaux, qui donne son fruit en la saison et jamais son feuillage ne sèche. » (Livre de Jérémie, IVe siècle av. J.-C.).
Dans Le Livre des Juges, les arbres se rassemblent pour demander un roi... Cette revendication donnera des idées à Ésope et La Fontaine qui transformeront nos végétaux en grenouilles !
« Un jour, les arbres décident de choisir un roi.
Ils disent à l’olivier :
" Sois notre roi !
– Sûrement pas ! Tout le monde aime mes olives et mon huile. Vais-je les laisser pour m’agiter au-dessus des autres arbres ? Non ".
Puis ils demandent au figuier :
" Viens donc, toi. Sois notre roi !
– Sûrement pas ! Est-ce que je vais laisser mes belles figues et mes fruits sucrés pour aller me balancer au-dessus des autres arbres ? Non ".
Les arbres disent à la vigne :
" Toi, sois notre reine !
– Sûrement pas ! Mes raisins et mon vin réjouissent les dieux et les hommes. Faudra-t-il que j’y renonce pour aller m’agiter au-dessus des arbres ? Non ".
Alors, les arbres présentent leur requête au buisson d’épines. Il leur répond :
" Si vraiment vous voulez m’oindre pour régner sur vous, venez vous mettre sous mon ombre. Sinon, un feu sortira du buisson d’épines et vous brûlera tous ! " » (Le Livre des Juges, VIIe-Ve siècle av. J.-C.).
Chevelu, charmant et à l'occasion assassin
Dans son Histoire naturelle (Ier siècle ap. J.-C.), Pline le reconnaît volontiers : « Longtemps […] on regardait les arbres et les forêts comme le plus beau présent fait à l'homme » nous dit-il avant d'en passer en revue les variétés et les bienfaits. Rome en effet connaissait bien et aimait les arbres qui « ont été les temples des divinités » ; d'ailleurs, « les images resplendissantes d'or et d'ivoire [n']inspir[ai]ent pas plus d'adoration que les bois sacrés et leur profond silence. » (Pline, Histoire naturelle).
Si, très vite, on ne trouve plus que de rares traces des forêts qui couvraient les fameuses sept collines, on a longtemps gardé le souvenir du culte que les premiers habitants rendaient au chêne. C'est à côté d'un de ses vieux représentants, plantés sur le Capitole, que Romulus édifie le premier temple pour honorer Jupiter. Voilà un magnifique porte-trophées tout branchu !
Un peu plus loin, c'est sur le Palatin qu'était situé un bois sacré dans le sanctuaire d'Apollon tandis que sur les pentes de la colline était censé se dresser un des plus vieux arbres de la ville, baptisé « l'arbre chevelu » : on dit en effet qu'on y suspendait les chevelures des Vestales tondues.
Héritiers des croyances grecques, les Latins raffolaient des histoires de nymphes et de dieux jaloux et se transmettaient la liste des arbres liés à des divinités : l'olivier à Minerve, le myrte à Vénus, le peuplier à Hercule... Pour tous, aucun doute : le laurier qui avait poussé dans la maison de campagne de la famille César était miraculeux, et méritait bien de couvrir la tête des triomphateurs !
Mais le goût des Romains pour les arbres ne venait pas uniquement de leur caractère sacré puisqu'ils en appréciaient tout simplement le charme... et l'ombrage ! Quelle volupté à s'étendre sous sa protection !
À la fin de la République, les écrivains ne savent plus quoi inventer pour chanter le bien-être ressenti dans un de ces locus amoenus (« lieu idyllique ») si charmants où Virgile aime à « graver [s]es amours sur l'écorce des tendres arbres » (Bucoliques, Ier siècle av. J.-C.), convaincu que ce symbole de longévité permettra à sa passion de traverser les siècles.
Horace se montre moins enthousiaste si l'on en croit son ode « À l'arbre qui a failli me tuer » : « Ah, bois de malheur, destiné à tomber un jour / Sur la tête de ton maître sans aucune raison ! » (Odes, Ier siècle av. J.-C.). Un accident est si vite arrivé...
« Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits » (Évangile selon Matthieu)
Dans la religion chrétienne, l'arbre perd une grande partie de sa dimension sacrée tout en devenant un symbole incontournable, omniprésent dans la culture religieuse.
Il se fait remarquer dès la fuite en Égypte où il serait venu en aide à Marie, fatiguée, sur l'injonction du tout jeune Jésus : « Arbre, penche-toi et rafraîchis ma mère de tes fruits » (Évangile du pseudo-Matthieu, VIIe siècle). Fils de charpentier, le Sauveur est accueilli à Jérusalem par une foule agitant rameaux d'olivier ou branches de palmier, souvenirs de la fête juive des Cabanes.
Dans son enseignement, il n'hésite pas à faire appel au figuier dans deux paraboles, dites du « figuier stérile » et du « figuier en bourgeons », avant de se rendre sur le fameux mont des Oliviers.
Mais l'arbre est aussi outil de supplice avec la mort de Judas, qui choisit de se pendre après sa trahison, et surtout avec celle du Christ sur la Croix. Au fil des siècles, des traditions ont tenté d'expliquer l'origine de son bois : pour les uns il viendrait d'un arbre ayant poussé sur le tombeau d'Adam, situé à l'endroit même où devait avoir lieu la Crucifixion.
Pour d'autres, ses quatre composants auraient été créés à partir d'essences riches en valeur symbolique : le cèdre, arbre cosmique ; l'olivier, arbre de connaissance ; le cyprès, arbre de la mort et le palmier, arbre de vie. C'est pour rappeler le thème de la Résurrection qu'on la trouve parfois habillée de branches et de feuilles, à la façon des khatchkars dans la religion arménienne, ce qui permet de la relier à l'arbre de Jessé qui connut un grand succès au Moyen Âge.
Modèle de nos arbres généalogiques, il représente, sous forme schématique, la liste des ancêtres de la Vierge Marie en partant de Jessé, père de David, ce qui offre l'avantage de faire le lien entre le Nouveau Testament et la religion hébraïque.
Par la suite, toute l'iconographie chrétienne nous invite à un jeu de pistes dans la symbolique des arbres : c'est ainsi que la palme représente le triomphe du martyr, le peuplier le salut, le chêne la solidité de la foi ou encore le cyprès le deuil mais aussi la résurrection.
Les fruits ne sont pas en reste : grenade pour la chasteté et la résurrection, pomme pour le péché puis la rédemption, cerise pour le sang versé par le Christ et même pêche dont la composition rappelle la Trinité (chair, noyau et amande), les artistes ont profité de la force symbolique de la végétation dans la Bible pour représenter tout un échantillon de la création sous sa forme végétale.
« L'arbre sec » : c'est sous ce nom qu'est entré dans l'Histoire un arbre mystérieux, seul au milieu d'une zone désertique au nord de la Perse. Dans son voyage, Marco Polo a la chance de le croiser : « Cette campagne s’étend plusieurs milles sans que l’on y trouve un seul arbre. Les gens du pays disent qu’Alexandre le Grand combattit Darius en cette plaine. » (Le Devisement du monde, 1298). Pour les Chrétiens du Moyen Âge, il est la limite entre Occident et Orient et doit reverdir lorsque les Croisés auront vaincu.
Les Musulmans de l'époque ont dû le respecter, puisque l'arbre en général est considéré dans le Coran comme signe de la puissance de Dieu. Le croyant est appelé à retrouver au Paradis jujubiers, bananiers et autres espèces produisant des fruits, tandis que l'Enfer contient le Zaqqoum, un épineux nocif. Tout aussi étrange est le waq-waq dont les branches sont des têtes et qui peut donc engager la conversation. Plus pacifique, l'arbre de vie, hérité des Mésopotamiens, est un motif récurrent des faïences ottomanes et des tapis persans. Plus à l'est, c'est un figuier qui offrit à Bouddha la protection et le calme nécessaires pour méditer et parvenir à l'Éveil, à Bodhgaya (est de l'Inde). Baptisé Arbre de la Bodhi, il fut détruit à trois reprises mais reprit vie grâce à une bouture offerte au IIIe siècle av. J.-C. au roi du Sri Lanka.
Cachez cet arbre que je ne saurais voir !
Expert en potion magique et en découpage du gui à grands coups de serpe, le druide est une figure que le XIXe siècle nous a rendu familière.
La réalité, semble-t-il, n'était pas très différente au temps des Romains, si l'on en croit Pline : « Il ne faut pas oublier [...] l'admiration des Gaulois [pour le gui]. Les druides, - c'est le nom qu'ils donnent à leurs mages - n'ont rien de plus sacré que le gui et l'arbre qui le porte, pourvu que ce soit un rouvre [petit chêne]. […] Un prêtre, vêtu de blanc, monte dans l'arbre, coupe le gui avec une serpe d'or et le reçoit sur un sayon [manteau] blanc. Ils immolent ensuite les victimes [deux taureaux blancs] en priant le dieu de rendre son présent propice à ceux auxquels il l'a accordé. » (Histoire naturelle, Ier siècle ap. J.-C.).
Appelé « celui qui guérit tout », le gui était considéré comme un don des dieux offert aux hommes par l'intermédiaire de l'arbre. C'est dans son ombre que les « conseils sylvestres » venaient aussi bénéficier de la sagesse divine tandis que les « nemeton », les bois sacrés, permettaient à l'inverse aux prières de monter vers le ciel.
Chez les peuples du Nord, l'arbre était aussi un véritable pilier soutenant le monde, rôle tenu dans les premiers siècles de notre ère par le frêne Yggdrassil chez les Scandinaves et le chêne Irminsul (« Énorme colonne ») chez les Saxons. L'arrivée du christianisme marqua la fin de ces deux géants, symboles vivants du paganisme : le premier aurait été abattu d'un seul coup de hache au VIIIe siècle par saint Boniface de Mayence et le second par Charlemagne en 772.
Avec eux, nombre d'arbres furent détruits au nom de la lutte contre les vieilles croyances, notamment après le concile de Tours de 567 qui prévoit l'excommunication pour ceux qui lui rendent un culte. À partir du XIIe siècle, couverts de croix et d'ex-voto, accueillant dans leur sein des statues de la Vierge, d'autres ont été intégrés dans la nouvelle religion.
On continue ainsi aujourd'hui à se rendre en pèlerinage auprès de certains de ces vénérables qui auraient eu le privilège de côtoyer les saints, tel le chêne de « monsieur Vincent » (saint Vincent de Paul). Mais le plus célèbre reste le sapin de Noël, apparu au XVe siècle dans les pays scandinaves où l'épicéa était considéré comme l'arbre de l'enfantement.
Pour César, pas question de s'arrêter à des détails ! Il a besoin de bois pour soutenir le siège de Marseille, en 49 av. J.-C., et il repère justement, dans les environs, une belle forêt...
« Il était une forêt sacrée, vieillie loin des outrages du fer, enfermant, sous la voûte impénétrable de ses rameaux, un air ténébreux et des ombrages que l’éternelle absence du soleil a glacés.
Là ne règnent point les faunes champêtres, les nymphes et les sylvains, divinités bocagères, mais un culte barbare, et le terrible édifice des autels infernaux. L’expiation a marqué tous les arbres d’une couche de sang humain. S’il faut en croire la superstitieuse antiquité, l’oiseau craint de se poser sur ses branches, la bête fauve de se coucher dans ces antres. Jamais le vent, jamais l’éclair arraché au lugubre flanc des nuages n’est descendu sur cette forêt : sans recevoir dans leur feuillage le moindre souffle d’air, les arbres se hérissent et frissonnent d’eux-mêmes. De vingt sources tombe une onde noire. Les mornes effigies des dieux sont des ébauches sans art, des troncs informes et grossièrement taillés. La mousse qui les couvre, et leur vétusté livide, inspirent seules l’épouvante. [...]
César veut qu’on porte le fer dans cette forêt et qu’elle tombe. Car, voisine, de ses travaux, et respectée dans la guerre précédente, elle dominait, de sa futaie hautaine et touffue, les monts dépouillés d’alentour. Mais les mains tremblèrent aux plus braves ; troublés par la formidable majesté du lieu, ils croyaient qu’en frappant ces chênes sacrés, les haches reviendraient sur eux-mêmes.
César voyant ses soldats immobiles et consternés, saisit le premier une cognée, la balance d’un bras hardi, et entame un chêne qui touchait aux nues. Le fer s’enfonce dans l’arbre profané. « Et maintenant, s’écrie César, abattez sans crainte cette forêt, je prends sur moi le crime ». Aussitôt l’armée entière obéit ; non pas qu’elle soit bien rassurée, mais elle pèse la colère des dieux et celle de César. […] Toute la forêt s’ébranle, mais son épaisseur la soutient dans sa chute.
À cette vue, les peuples de la Gaule gémirent ; les assiégés s’en réjouissent. Qui pourrait croire en effet que les dieux sont impunément offensés ? Mais la fortune prend sous sa garde bien des criminels, et la colère des dieux n’est puissante que contre les misérables. » (Lucain, La Pharsale, Ier siècle ap. J.-C.)
Un roi sous un chêne et des ermites dans la forêt
S'il est un roi dont le nom reste lié à un arbre, c'est bien celui de saint Louis ! On sait tous, grâce à Jean de Joinville et aux images d'Épinal des manuels scolaires, que « maintes fois il advint qu'en été il allait s'asseoir au bois de Vincennes après sa messe, et s'accotait à un chêne, et [...] tous ceux qui avaient affaire venaient lui parler sans empêchement d'huissier ni d'autres gens. » (Jean de Joinville, Histoire de saint Louis, 1309).
Grâce à cet auguste visiteur, le chêne a retrouvé dans nos imaginaires son rôle de témoin muet des grandes décisions qu'il tenait déjà dans l'Antiquité. Avec son aspect inaltérable, ne semble-t-il pas voué à préserver secrets et contrats pendant des siècles ? C'est donc sous la ramure de celui de Guernica que les seigneurs de Biscaye venaient naturellement prêter serment.
Arbre de justice mais aussi de sagesse, il peut à l'occasion se faire lieu de culte, comme le célèbre chêne d'Allouville (Seine-Maritime), patriarche de plus de 1000 ans au sein duquel fut aménagée au XVIIe siècle une petite chapelle. C'est vers ce protecteur que nombre d'ermites se sont réfugiés à l'image de l'irlandais Ronan qui s'installa au VIe siècle dans le bois du Nevet, dans le Finistère.
Certains y fondèrent des monastères, comme les disciples de saint Bernard (XIIe siècle) qui préconisait la recherche du « désert » : « Tu trouveras quelque chose de plus dans les bois que dans les livres. Les arbres et les rochers t’enseigneront ce que tu ne peux apprendre d’aucun maître. » (« Lettre à l'abbé de Vauclair », 1138).
Pour l'Homme du Moyen Âge, qui a défriché près de 40 000 hectares par an pour faire place à l'agriculture, la forêt est en effet encore ce « dehors » (du latin foris, « extérieur ») où seuls les saints et les proscrits aiment à se réfugier, à l'exemple du malheureux couple de Tristan et Iseult. Lieu de tous les possibles, elle est peu à peu apprivoisée, même si l'on craint encore de tomber sur quelque brigand moins bien intentionné que ce Robin des Bois dont la légende commence à voyager après le XIIIe siècle.
Aujourd'hui encore la toponymie nous renseigne sur l'importance des arbres à l'époque où le visage de notre pays se met en place, notamment suite au défrichement des XIe au XIIIe siècles : Quercy (le chêne), Larzac (le mélèze), Forbach (le ruisseau des sapins)...
Tristan et Iseult, épouse du roi Marc, sont tombés amoureux en buvant un philtre magique. Ils doivent fuir...
« […] quittant la plaine, ils s’enfoncèrent dans la forêt du Morois. Là, dans les grands bois, Tristan se sent en sûreté comme derrière la muraille d’un fort château. [...]
Au matin, Gorvenal [l'écuyer] déroba à un forestier son arc et deux flèches bien empennées et barbelées et les donna à Tristan, le bon archer, qui surprit un chevreuil et le tua. Gorvenal fit un amas de branches sèches, battit le fusil, fit jaillir l’étincelle et alluma un grand feu pour cuire la venaison ; Tristan coupa des branchages, construisit une hutte et la recouvrit de feuillée ; Iseut la joncha d’herbes épaisses.
Alors, au fond de la forêt sauvage, commença pour les fugitifs l’âpre vie, aimée pourtant.
Au fond de la forêt sauvage, à grand ahan, comme des bêtes traquées, ils errent, et rarement osent revenir le soir au gîte de la veille. Ils ne mangent que la chair des fauves et regrettent le goût du sel et du pain. Leurs visages amaigris se font blêmes, leurs vêtements tombent en haillons, déchirés par les ronces. Ils s’aiment, ils ne souffrent pas.
Un jour, comme ils parcouraient ces grands bois qui n’avaient jamais été abattus, ils arrivèrent par aventure à l’ermitage de Frère Ogrin.
Au soleil, sous un bois léger d’érables, auprès de sa chapelle, le vieil homme, appuyé sur sa béquille, allait à pas menus.
« […] Repens-toi, Tristan, car celui qui vit dans le péché sans repentir est un mort.
— Non, je vis et ne me repens pas. Nous retournons à la forêt, qui nous protège et nous garde. Viens, Iseut, amie ! »
Iseut se releva ; ils se prirent par les mains. Ils entrèrent dans les hautes herbes et les bruyères ; les arbres refermèrent sur eux leurs branchages ; ils disparurent derrière les frondaisons. » (Le Roman de Tristan et Iseult, XIIe siècle).
Bibliographie
Robert Bourdu, Histoires de France racontées par les arbres, éd. Eugène Ulmer, 1999,
Jacques Brosse, Mythologie des arbres, Librairie Plon, 1989,
Alain Corbin, La Douceur de l'ombre. L'arbre, source d'émotions, de l'Antiquité à nos jours, éd. Flammarion, 2014,
Andrée Corvol, L'Arbre en Occident, éd. Fayard, 2009,
Philippe Domont et Edith Montelle, Histoires d'arbres. Des sciences aux contes, éd. Delachaux et Niestlé, 2003.
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BONHOURE (24-11-2019 10:30:43)
Pour moi, je pense plutôt que les fruits des arbres ont été donnés aux hommes parce que, contrairement à l'herbe des champs donnée aux animaux, les arbres représentent le symboles de l'élévation de l'homme au dessus de sa condition d'animal. Les fruits de tous les arbres sont bons sauf ceux d'un arbre qui, "si tu mange de ce fruit, assurément tu vas mourir" (Il n'est jamais question à ce moment de "fermer" la porte du "Paradis") Or, l'homme n'est pas encore mort donc le "péché" dit originel n'a pas encore été commis. Mais peut-être que l'homme est-t-il en train de le commettre?