Au sommet de notre riche répertoire théâtral, il est une pièce qui se distingue par son sujet, rarement évoqué à longueur d'alexandrins : l'appendice nasal. Mais « quel nez que ce nez-là » ! Et quel succès pour Edmond Rostand, le père de Cyrano de Bergerac ! Pourtant cet auteur à contre-courant reste trop souvent réduit à une seule œuvre, écrite et jouée avant sa trentième année.
Cent ans après sa mort, découvrons comment cet homme fragile a réussi à surmonter son mal de vivre pour illuminer de son originalité la Belle Époque.
Lever de rideau
« Il était ce qu’il est, en somme, aujourd’hui : plutôt silencieux et concentré », expliqua plus tard madame Rostand de son fils aîné sur lequel elle n'a cessé de veiller avec attention.
Pour ses parents, voir grandir le petit Eddy né en 1868 dans une maison du sud de la Canebière est un bonheur de chaque jour. Son père Eugène, administrateur à la Caisse d'Épargne des Bouches-du-Rhône et poète à ses heures, a de l'ambition pour ce garçon qui ne doit pas détonner au milieu des puissantes familles marseillaises de son entourage. Le parcours semble tout tracé : baccalauréat en Sorbonne puis diplomatie.
Mais le jeune homme n'a de goût que pour les vers et passe son temps libre au théâtre en attendant cette gloire qui ne va pas manquer de l'appeler. Pour patienter, il peut compter sur Louise-Rose Gérard, jeune fille de la meilleure société qui préfère se faire appeler Rosemonde et qui, comme lui, aime à taquiner l'alexandrin.
Ce « couple de rêveurs mièvres », comme il aime à définir le duo qu'il forme avec sa fiancée, est prêt à conquérir Paris et le monde du théâtre.
Sa première pièce, un vaudeville poussif, Le Gant rouge (1888), est un four salué par un cruel « N'insistons pas ! » dans Le Figaro.
Pourtant, ils insistent : ce sera Les Musardises (1890) pour lui et Les Pipeaux (1889) pour elle, avec un prix de l'Académie française à la clé.
En 1890, c'est le mariage suivi de la naissance de Maurice l'année suivante, puis de Jean quatre ans après.
Reste à Edmond à acquérir la notoriété tant souhaitée...
Sacha Guitry se souvient ici de la surprise qu'il a ressentie lors de sa première rencontre avec Edmond Rostand.
« Je le voyais pour la première fois et ma surprise fut très grande. Pourtant, je savais bien qu'il était chauve, qu'il portait un monocle, une cravate qui faisait deux fois le tour de son cou et de petites moustaches dont les pointes étaient relevées - et même j'aurais pu dessiner son profil de mémoire tant ses portraits et ses caricatures avaient été reproduits depuis deux ans, depuis la première de Cyrano.
D'où venait donc ma surprise ? [...] bien plus que son étonnante cravate, l'homme du jour, le poète que l'on comparait à Hugo, celui que déjà guettait l'Académie, Edmond Rostand était un jeune homme.
Son charme physique était irrésistible. Il n'était pas beau : il était joli. Petit, très mince et très fragile, il attirait. Tout ce que ses œuvres contenaient de force et de santé, il paraissait s'en être dépouillé pour elles.
Ne pas l'aimer en le voyant, c'était presque impossible bien qu'il ne fût pas exempt d'un certain ridicule, qui n'était dû qu'à son excessive élégance. Trop de recherches dans son costume et pas assez de trouvailles. En vérité il n'était ni à la page ni à l'heure. Il se mettait en redingote le matin, en jaquette le soir et il portait des cols dont la forme datait de plus de dix années » (Sacha Guitry, À Bâtons rompus, 1981).
Lorsqu'on est pupille d'Alexandre Dumas et Leconte de Lisle, on se doit d'aimer la poésie. Dès l’âge de 24 ans, Rosemonde publie donc un premier recueil salué par la critique mais sa rencontre avec Edmond Rostand va briser sa carrière.
Toute à l'écoute du bien-être de son grand homme, elle relit et recopie ses manuscrits, le pousse à oublier sa timidité en prenant contact avec la redoutable Sarah Bernhardt et ne cesse de veiller sur sa santé et son moral. L'écrivain est en effet un « enfant fragile qu'il fallait amuser et consoler » a-t-elle écrit dans l'ouvrage qu'elle lui consacre en 1935. Et elle ajoute : « Il met tellement peu de hâte à sortir ses œuvres de ses cartons que je me demande si quelquefois, on les connaîtrait ». Elle va même accepter l'exil au pays basque où, se plaint-elle, il n'y a rien qui faisait le charme de sa vie d'autrefois : « pas un plaisir, pas une distraction, pas un théâtre... ».
Les deux époux ne tardent pas à écorner leur serment réciproque de fidélité et lorsque les conquêtes amoureuses de son mari se font trop nombreuses et visibles, en 1913, Rosemonde choisit la séparation. Restent quelques vers célèbres à son époque, comme ceux-ci, tirés de « L'Éternelle chanson » (extrait) :
« Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête,
Nous nous croirons encore de jeunes amoureux,
Et je te sourirai tout en branlant la tête,
Et nous ferons un couple adorable de vieux.
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs […] ».
Sous l'aile de la Divine
Ce n'est pas si facile d’inscrire son nom à la suite de Racine et Hugo : la pièce suivante de Rostand, Les Deux Pierrots, est refusée par le doyen de la Comédie-Française sous prétexte… qu'il a « trop de Pierrots ! ». Les portes de l'auguste institution s'ouvrent finalement en 1894 pour la comédie Les Romanesques qui rencontre un vrai succès auprès des critiques. À 26 ans, Paris s'offre enfin à lui !
À l'heure où le pays se déchire autour de l'affaire Dreyfus, Rostand n'a qu'un seul souci : qui va jouer sa Princesse lointaine (1895), cette Mélissinde médiévale dont est tombé amoureux le troubadour Joffroy Rudel ? Pour cette « mauvaise aux yeux puissants », un nom s'impose : Sarah Bernhardt.
Vedette absolue de l'époque, la « Divine » prend les choses en main, engage Lucien Guitry, supervise les somptueux décors installés dans son propre théâtre de la Renaissance et fait appel à son artiste fétiche, le jeune Alfred Mucha, pour réaliser l'affiche du spectacle. Cette collaboration, qui aurait dû faire des étincelles, ne peut rien face à l'ennui du public qui se contente d'admirer les rubis censés couvrir la scène.
Échec critique et financier, la pièce est cependant une étape capitale dans la carrière de Rostand qui trouve auprès de sa « Très Grande » une alliée de poids qui va lui ouvrir bien des portes.
On commence à se presser dans le salon de Rosemonde mais Jules Renard remarque bien que « l'âme charmante et trouble » de son ami est en peine. La tristesse est en effet de plus en plus présente chez l'écrivain, la tentation de l'abandon de plus en plus forte.
C'est de nouveau Sarah, sa « reine de l'attitude et princesse des gestes » qui vient à son secours en l'obligeant à signer une nouvelle pièce à sa gloire, La Samaritaine (1897). C'est un succès mais Rostand a déjà la tête ailleurs : « J'aime bien mieux Cyrano de Bergerac que je suis en train d'écrire » avoue-t-il à Renard.
À la fin du XIXe siècle, Paris est LA ville du théâtre. Grâce au décret de 1864 qui a libéralisé le système, l'offre de spectacles n'a jamais été aussi grande malgré la censure qui veille jusqu'en 1906. Et les recettes suivent : 24 millions de francs en 1903 ! Le changement de stratégie n'y est peut-être pas pour rien : au lieu de renouveler sans cesse le répertoire, on s'attache désormais à proposer le plus longtemps possible les pièces à succès qui vont toucher un public d'origine géographique et sociale plus étendue. Les classes ouvrières par exemple apprécient ce loisir qui ne nécessite pas de parfaitement maîtriser la lecture, et s'associent au public bourgeois et petit-bourgeois pour applaudir de nouveaux genres comme le vaudeville, l'opérette, les pièces à effets tirées des romans de Jules Verne, sans oublier le tout jeune cinématographe. Les conséquences ne se font pas attendre : les genres nobles (tragédie, drame) perdent du terrain cependant que les représentations deviennent de plus en plus chères pour répondre aux nouveaux goûts, obligeant certains administrateurs de salles à fermer leurs portes. Certes, les piliers de l'art dramatique sont toujours là, même si la Comédie-Française doit se remettre du terrible incendie de 1900. Mais gare à la concurrence des 274 cafés-concerts ! L'élite aime à se retrouver dans ces lieux popularisés par Toulouse-Lautrec, moins chers que les grandes salles et où on peut à loisir bavarder, se déplacer et même manger. Le public veut prendre du bon temps, rire et pleurer, en un mot être surpris... Cahier des charges que Rostand va parfaitement remplir avec un Cyrano totalement incongru.
Le nez de la gloire
Ce Cyrano n'est pas un étranger pour Rostand qui l'a découvert au lycée, lors de ses études sous la surveillance de Pif-Luisant, le pion. Il connaît tout de cet auteur du XVIIe siècle, philosophe parisien adroit de la plume et de l'épée, blessé au siège d'Arras, surtout connu pour son Histoire comique des États et empires de la lune et du soleil (1657-1662), qui inspirera le Voyage sur la Lune (1902) de Georges Méliès. Beau sujet d'inspiration !
Le jeune Rostand en fait un Gascon au nez interminable et à la langue bien pendue, poète à ses heures et amoureux fou de sa cousine, mort d'avoir reçu un bout de bois sur le crâne. De l'humour, de l'action, des sentiments... Rajoutez un balcon et un quiproquo, quelques vers admirables : succès garanti !
Pourtant le dramaturge n'y croit pas : « Pardon, oh ! pardonnez-moi, mon ami, de vous avoir entraîné dans cette désastreuse aventure » implore-t-il avant la première, en allant voir Coquelin.
Le comédien vedette, qui n'a cessé de l'encourager, n'a de son côté aucun doute : son pays qui pleure encore la défaite de Sedan va adorer le héros enfantin mais brave. Comment ne pas céder au charme de ce grand frère bienveillant à « l'oblongue capsule » et au grand cœur qui cache derrière son sourire ses blessures et humiliations ?
Le grand jour est donc arrivé. La première de Cyrano a lieu le 28 décembre 1897, au théâtre de la Porte-Saint-Martin, sur les boulevards parisiens, près des deux portes monumentales à la gloire de Louis XIV !
Le public de la Belle Époque ne s'offusque pas de la foule de personnages plus ou moins paillards qui se pressent sur scène, des changements de décors impossibles, des scènes de batailles assourdissantes et des 2 600 vers.
C'est un triomphe. Quarante rappels plus tard, on qualifie Cyrano de chef-d’œuvre et Rostand de génie, rapidement remercié par une belle Légion d'honneur. On ne parle plus de nez mais de pic, de cap, que dis-je, de péninsule ! La France a retrouvé son panache !
La pièce sera jouée sans discontinuer plus de deux cents fois d'affilée avec la même distribution.
Mais qu'est-ce qui lui a pris ? Pourquoi Edmond Rostand s'est-il ingénié à créer un Cyrano qui va à l'encontre de tout ce qui se fait à l'époque, et reste inclassable dans les manuels littéraires ? Une pièce glorifiant l'Histoire alors que réalisme et naturalisme ne jurent que par des œuvres au plus près du terrain, observant à la loupe les mutations du XIXe siècle. La réalité sociale ? Sans intérêt pour Rostand... Pas d’attrait non plus pour le symbolisme à la Baudelaire et le décadentisme qui se moquent des héros. Quant au vaudeville, ce théâtre de « claquages de porte », très peu pour lui. C'est décidé, plutôt que de se fondre dans le moule de la mode, Rostand préfère rester indifférent à l'air du temps et se tourner vers le passé pour remettre en lumière le vieux romantisme et ses valeurs qui semblaient pourtant bien désuètes. Avec son personnage au physique de clown mais aux sentiments de grand seigneur, il remet à l'honneur le mélange de burlesque et d'héroïque cher à Hugo, tandis que son travail minutieux sur les alexandrins rappelle la grande période du classicisme. Combien Cyrano, pourtant plus jeune d'un an, est loin du révolutionnaire Ubu d'Alfred Jarry (1896) ! Depuis sa première représentation et malgré ses exigences de mise en scène, Cyrano est devenu un des piliers du répertoire français, joué dans le monde entier. Les comédiens rêvent de s’enlaidir pour suivre l’exemple de Coquelin, Jean Piat, Jean-Paul Belmondo ou Jacques Weber. Mais c’est Gérard Depardieu qui, grâce au film de Jean-Paul Rappenau (1990), est devenu pour beaucoup le seul Cyrano, rôle qui lui vaudra entre autres une nomination aux Oscars et un prix d’interprétation à Cannes.
L'aigle triomphant
Pour Rostand, il est temps d’endosser le costume d'auteur à succès. Il reçoit, prend la pose et accepte avec la même bienveillance les félicitations des journalistes, de ses collègues lettrés et du quidam.
Cyrano est partout, à Londres, à Berlin comme sur les boîtes de camembert. La pièce continue à se jouer à guichets fermés, et le pauvre Coquelin ne peut plus se séparer de ce nez qu'il va devoir remettre près de 1000 fois.
Rostand se retourne donc vers Sarah Bernhardt à laquelle il propose de devenir l'Aiglon, fils de Napoléon Ier qui redevient alors à la mode. Puisque, pour suivre la tradition, on ne veut pas d'un jeune premier en tête d'affiche, la comédienne ne se gêne pas pour couper ses cheveux et enfiler l'uniforme dessiné par Paul Poiret.
La première de L'Aiglon a lieu le 15 mars 1900 au théâtre Sarah-Bernhardt, soit à peine plus de deux ans après Cyrano. Et le triomphe est une fois de plus au rendez-vous.
Un fois de plus, le public se montre sensible à cette histoire de grandeur et de larmes et se précipite aux 1119 représentations organisées du vivant de l'auteur.
Mais Rostand, de santé déjà fragile, doit s'éloigner de Paris pour lutter contre une congestion pulmonaire. Direction Cambo, au pays basque, qui va devenir un refuge indispensable lorsque les critiques cherchent à l'atteindre. « Moi, c'est moralement que j'ai mes élégances » aurait-il pu leur dire, à la Cyrano.
Rien à craindre ! Ses deux chefs-d'oeuvre font de lui l'enfant chéri de la bonne société, ce qui lui vaut d'être élu à l'Académie française à 33 ans seulement. Mais aura-t-il encore assez d'inspiration pour un nouveau chef-d'oeuvre ?...
Dans son discours de réception à l'Académie française, le 4 juin 1903, Edmond Rostand explique ce que, selon lui, doit être le but du poète et de l'homme de théâtre :
« Il faut réhabiliter la passion. Et même l’émotion, qui n’est pas ridicule. Il est temps de rappeler à ces Français timides qui ont toujours peur de ne pas avoir l’air d’être nés assez malins, qu’il peut y avoir toute la finesse moderne dans un œil résolu ; qu’un certain genre d’ironie ne fait plus désormais partie que des élégances de bons élèves ; et que la blague, impertinence dont croient se rajeunir les plus bourgeoises sagesses, n’est que le monocle par quoi Joseph Prudhomme [personnage caricatural, type du bourgeois ignare] essaye de remplacer ses lunettes ! Rien de plus lourd que les désinvoltures. Pirouetter, c’est se visser au sol. Le véritable esprit est celui qui donne des ailes à l’enthousiasme. L’éclat de rire est une gamme montante. Ce qui est léger, c’est l’âme. Et voilà pourquoi il faut un théâtre où, exaltant avec du lyrisme, moralisant avec de la beauté, consolant avec de la grâce, les poètes, sans le faire exprès, donnent des leçons d’âme ! »
De la basse-cour aux tranchées
Au soleil du sud-ouest, l'écrivain finit par se remettre au travail pour imaginer une histoire folle de coq amoureux d'une faisane. Il lui faudra en tout 8 ans pour faire parler en vers les 70 membres de la basse-cour de Chantecler.
Entre exaltation et dépression, il boucle « la pièce aux mille gosiers » (Anna de Noailles) en 1909, malheureusement trop tard pour Coquelin qui meurt après les premières répétitions. Abattu par cette disparition, Rostand se résigne à ce que les 8 kilos de plume se retrouvent sur le dos de Lucien Guitry.
S'ils acceptent de bonne grâce de voir la faisane descendre du plafond au bout d'un câble, les spectateurs sifflent le chœur des crapauds et finissent par quitter la salle après six petits rappels.
Ce n'est pas un triomphe, donc pour l'auteur c'est un échec. Il fuit de nouveau à Cambo d'où il suit de loin l'actualité littéraire, devenant pour beaucoup cet « ami invisible » que salue Marcel Proust.
Il garde un œil sur les carrières de ses fils, Maurice le littéraire, né en 1891, et Jean le scientifique, né en 1894, futur biologiste de renom. Ce dernier tirera parti de la fortune de son père, due au succès de Cyrano, pour mener à bien ses recherches sur les grenouilles qui le rendront célèbre dans le milieu scientifique.
Edmond Rostand, dans le même temps, se rapproche de la poétesse Anna de Noailles. Quand éclate la Première Guerre mondiale, en août 1914, elle l'encourage à se porter volontaire, bien que déjà âgé de 45 ans. L'auteur de Cyrano et L'Aiglon ne saurait se dérober à son devoir.
Réformé à son grand désespoir, l'écrivain multiplie néanmoins les journées de soutien aux soldats et sert comme infirmier-auxiliaire au pays basque : « Quel affreux malheur que je n'ai pas pu aller bien finir à la guerre ! » écrit-il alors, replongeant dans un profond découragement dont il ne sort que pour soutenir les troupes par sa plume et se rendre, avec Maurice Barrès, sur le front.
Avec Mary Marquet, une jeune comédienne, il décide de retourner dans sa villa basque d'Arnaga attendre la fin de la guerre et, pourquoi pas, y vivre définitivement. Mais l'appel de la victoire est le plus fort et le 11 novembre 1918, tous deux se noient dans la foule parisienne qui crie sa joie.
Le poète fragile, qui travaillait à une nouvelle pièce intitulée La Dernière nuit de Don Juan, va payer au prix fort ce retour dans la capitale où il meurt de la grippe espagnole, le 2 décembre 1918, à seulement 50 ans. Selon certaines sources, ses ultimes mots auraient été dignes de son cher Cyrano : « C'est un peu tôt. Vous auriez dû me prévenir... »
Le métier de dramaturge n'est pas sans risque pour la santé : c'est en effet en assistant aux répétitions de L'Aiglon dans les coulisses du théâtre Sarah Bernhardt qu'Edmond Rostand fut vilainement attaqué par une pleurésie. Il faut fuir ! C'est ainsi qu'il découvrit Cambo-les-Bains, petite station thermale basque réputée pour son air sain et ses sources salutaires. Envoûté par les paysages et l'accueil de la population qui n'hésite pas à venir chanter sous ses fenêtres, notre écrivain décide en 1902 de s'installer définitivement en achetant quelques hectares de terrain près du torrent d'Arraga. À peine 3 ans plus tard, il pouvait déjà admirer la grande maison construite sous la direction de l'architecte Joseph-Albert Tournaire. Cela n'a pas été sans mal : il a fallu débroussailler, niveler, creuser le bassin, déplacer des arbres et respecter au moindre détail les désirs du maître qui y consacre jours et nuits, allant jusqu'à créer une maquette de la demeure de ses rêves alors même qu'il travaille à sa pièce Chantecler. En 1906, toute la petite famille s'installe dans une maison encore en chantier qui va vite devenir un cadre enchanteur. On y compte dans les étages pas moins de 14 chambres, des salles de bains agencées avec soin, une salle d'hydrothérapie et même un laboratoire photographique.
Au rez-de-chaussée, ce sont les grandes salles de réception qui offrent aux visiteurs tout le confort moderne, notamment l'électricité produite sur place, dans un décor haut en couleurs commandé aux artistes illustres de l'époque. Les fenêtres s'ouvrent sur de vastes jardins à la française d'un côté et à l'anglaise de l'autre, où autour des pergolas et des bustes d'écrivains se croisent diverses sortes d'animaux, tous blancs pour répondre aux vœux du propriétaire. À sa mort, son cher « poème de pierre et de verdure » est mis en vente et ne sera ouvert au public qu'après 1962, année où la commune le rachète pour en faire un musée Edmond-Rostand.
Bibliographie
Jean-Baptiste Manuel, Edmond Rostand, écrivain imaginaire, éd. Atlantica, 2003,
Caroline de Margerie, Edmond Rostand ou le baiser de la gloire, éd. Grasset, 1997,
Sur Scène en 1900. Portraits d'acteurs, exposition au musée d'Evreux, éd. Somogy, 2003.
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HARTEMANN (13-01-2019 18:33:59)
Ma femme et moi aurions aimé que Daniel Sorano soit cité parmi les grands interprètes du rôle de Cyrano. Certes nous sommes des vieux, vieux mais il a marqué notre jeunesse. Merci pour tout ce que vous écrivez.