Troisième et dernier empereur d'Allemagne, Guillaume II de Hohenzollern règne de 1888 à 1918.
Succédant à son père, le libéral Frédéric III, il ambitionne de faire de l'Allemagne la première puissance mondiale et abandonne la Realpolitik de Bismark au profit d'une Weltpolitik expansionniste et colonialiste.
Il développe une marine de guerre destinée à concurrencer l'Angleterre elle-même et mène une politique autoritaire et militariste.
Son abdication, le 9 novembre 1918, précède de deux jours la fin de la Première Guerre mondiale.
Va-t-en-guerre
Né le 27 janvier 1859 à Berlin, le futur Guillaume II a pour mère Victoria, dite « Vicky », fille aînée de la reine Victoria. Intelligent et cultivé, il souffre d'un complexe d'infériorité du fait de son bras gauche paralysé depuis sa naissance. Il s'efforcera en permanence de cacher ce handicap qui l'empêche de pratiquer les armes et de bien monter à cheval.
Son père, malade d'un cancer de la gorge, ne règna que quelques mois sur l'empire allemand sous le nom de Frédéric III.
Devenu à son tour empereur le 15 juin 1888, Guillaume II manifeste un tempérament arrogant, péremptoire et imprévisible. Il ne craindra pas de déborder son gouvernement, quitte à reculer ensuite, par exemple dans l'affaire de Tanger (1905) ou dans un entretien au Daily Telegraph.
Très vite, dès mars 1890, il renvoie le vieux chancelier Bismarck et se détourne de sa diplomatie de bascule entre l'Autriche-Hongrie et la Russie.
Il engage l'Allemagne dans un « Nouveau cours » (Neue Kurs) avec le nouveau chancelier, le général Leo von Caprivi (69 ans). Son objectif est d'asseoir le prestige de l'Allemagne par une expansion tous azimuts, à la fois commerciale, coloniale et maritime.
De fait, soutenue par une forte croissance démographique qui fait d'elle le pays le plus peuplé d'Europe (65 millions d'habitants en 1911 contre 40 en 1871), l'Allemagne obtient des résultats spectaculaires en matière industrielle (chimie, charbon, métallurgie...). Ses industriels taillent des croupières à leurs concurrents britanniques, jusque-là dominants, et font valoir la réputation de qualité du Made in Germany. À la faveur de cette expansion économique, les ouvriers acquièrent des avantages sociaux sans équivalent dans les grandes nations rivales.
Mais l'empereur ne s'en tient pas là. Il rompt le subtil équilibre instauré par Bismarck, qui visait à isoler la France en nouant des liens tant avec la Russie qu'avec l'Autriche-Hongrie. C'est ainsi qu'il ne renouvelle pas le traité de réassurance conclu pour trois ans, le 18 juin 1867, avec la Russie. Par ce traité, Bismarck avait promis de soutenir les revendications du tsar sur les Détroits (Bosphore et Dardanelles). En ne le renouvelant pas, Guillaume II encourage le tsar à se rapprocher de la France en dépit de son mépris des républicains.
Dans le même temps, l'empereur s'oriente vers une alliance privilégiée avec l'Autriche-Hongrie sous prétexte de cousinage germanique, de quoi irriter à la fois la France, la Russie et même l'Italie. Celle-ci nourrit des revendications territoriales à l'encontre de l'Autriche-Hongrie, en dépit de ce que les deux puissances et l'Allemagne sont associées depuis le 20 mai 1882 dans une alliance défensive, la Triple-Alliance ou Triplice.
Avec l'Angleterre, patrie de sa grand-mère Victoria, Guillaume II rêve d'un accommodement raisonnable (comme plus tard Hitler) et, pour l'en convaincre, veut montrer sa force ! C'est ainsi qu'avec l'amiral Alfred von Tirpitz, Secrétaire d'État puis ministre de la Marine de 1897 à 1916, il met en oeuvre une politique hardie de construction navale pour rivaliser avec l'Angleterre dans son domaine d'élection, les océans. Dès 1900, une loi navale ambitionne de doter le pays en 1917 de trente navires de guerre et cinquante croiseurs. Londres y voit une menace pour sa suprématie et, du coup, mettant fin à son « splendide isolement », choisit de se rapprocher de Paris : ce sera l'Entente cordiale !
Les initiatives brouillonnes de l'empereur finissent par dresser contre lui l'opinion et les dirigeants britanniques. Le 3 janvier 1896, il adresse un télégramme de félicitations à Paul Kruger, président du Transvaal, en guerre contre les Britanniques.
Parmi les découvertes offertes par le livre, il y a le « discours des Huns » prononcé par Guillaume II Le 27 juillet 1900, à Bremerhaven, l'empereur harangue les troupes qui partent pour la Chine afin de venger le meurtre du chef de la légation, le baron von Ketteler, le 17 juin précédent, dans le cadre de la guerre des Boxers. Dans la version orale, et non officielle, Guillaume II invite ses soldats à imiter les Huns. Des mots malheureux dont la propagande alliée se saisira pendant la Grande Guerre : « Quand vous serez devant l'ennemi, rappelez-vous : pas de quartier ! Pas de prisonnier ! Celui qui tombera entre vos mains, ce sera sa fin. Tout comme il y a mille ans les Huns sous la direction de leur roi Attila se sont fait une réputation de gloire dont on parle encore dans les histoires et les contes, puissiez-vous faire résonner le nom d'Allemands de telle sorte qu'en Chine, plus aucun Chinois n'ose regarder un Allemand de travers pour les mille ans à venir ! » (traduction : Sophie Lorrain).
En 1905, fâché de n'avoir pas été invité à Paris comme le roi Édouard VII, le Kaiser décide de replacer l'Allemagne au centre du jeu et s'invite à Tanger où il claironne son soutien au sultan, que la France envisage de placer sous son son protectorat.
Après avoir obtenu un compromis à la conférence d'Algérisas, l'empereur tente de consolider son avantage en organisant une rencontre secrète avec son cousin le tsar de Russie Nicolas II. Il le rencontre les 23 et 24 juillet 1905 sur son yacht L'Étoile polaire, au large de l'île finlandaise de Björkoe.
Nicolas II, désemparé par sa récente défaite face au Japon et par la Révolution de Janvier, se laisse convaincre de signer un pacte secret contre l'Angleterre, avec laquelle il est en concurrence en Asie (le « Grand Jeu »). Il est toutefois convenu que la France, alliée de la Russie, devra signer le traité, ce qu'elle se gardera de faire. Au contraire, la France s'appliquera à réconcilier le Royaume-Uni et la Russie dans leur différend asiatique, en vue de créer une Triple-Entente et d'isoler plus complètement l'Allemagne !
Plus fort encore, le 28 octobre 1908, dans les colonnes du Daily Telegraph, il tient des propos sidérants qui lui valent de se fâcher avec les Anglais comme avec les Français, les Russes et même les Japonais. Dans son désir maladroit de plaire aux Britanniques, il affirme en effet que le réarmement naval de l'Allemagne est dirigé contre... le Japon, que Paris et Moscou ont tenté de convaincre Berlin d'intervenir aux côtés des Boers en Afrique du sud, enfin que les Allemands se soucient comme d'une guigne des Anglais : « You English are mad, mad, mad as March hares. What has come over you that you are so completely given over to suspicions quite unworthy of a great nation ? » (« Vous les Anglais, vous êtes fous, fous, fous comme les lièvres de mars. Qu'est-ce qui vous a pris de vous rendre si complètement indignes d'une grande nation ? »).
Devant le scandale, le chancelier Bernhard von Bülow rappelle qu'en raison d'un faux-pas administratif, il n'a pas pu valider le texte avant parution. L'empereur lui-même, secoué, tombe dans une longue dépression au terme de laquelle il renvoie son chancelier, coupable de ne l'avoir pas soutenu, et renonce pour de bon à se rapprocher des Anglais.
En 1913, alors que le système d'alliances s'est solidement mis en place, les dirigeants et l'état-major allemands s'inquiètent démesurément de la montée en puissance de la Russie. Ils se convainquent que cet empire encore très largement arriéré sera en mesure de les attaquer et les battre avant une demi-douzaine d'années. Il importe donc de l'écraser à titre préventif ! C'est ainsi que Guillaume II confie à un journal que la guerre lui apparaît non plus seulement probable mais « nécessaire »...
Par ses maladresses et ses foucades, et plus directement, par son attitude intransigeante dans la crise de juillet 1914, Guillaume II a une grande part - une part seulement - de responsabilité dans le déclenchement de la Grande Guerre. Après deux ans d'un conflit indéterminé, l'empereur va devoir abandonner la réalité du pouvoir aux militaires, à Hindenburg et Ludendorff en particulier.
Au terme de la guerre, il est obligé d'abdiquer sous la pression des Alliés mais aussi de son gouvernement et de son état-major. Par l'article 227du traité de Versailles, il est - de façon quelque peu abusive - déclaré responsable de la guerre. Réfugié à Doorn, aux Pays-Bas, il ne sera jamais reçu par les souverains de ce pays mais la reine Wilhelmine, par loyauté, refusera de l'extrader quand les Alliés réunis à Paris lui en feront la demande.
Après la mort de l'impératrice Augusta-Victoria, qui lui a donné sept enfants, l'ex-empereur se remarie le 9 novembre 1922 avec une aristocrate allemande, Hermine. Il va décéder de mort naturelle le 4 juin 1941 et sera inhumé à Doorn, dans un cercueil revêtu de l'emblème nazi - en dépit de ses dernières volontés -.
Pour la première fois dans le droit international, le traité de paix signé à Versailles le 28 juin 1919 met en accusation l'un des belligérants, l'ex-empereur Guillaume II :
Article 227
Les Puissances alliées et associées mettent en accusation publique Guillaume II de Hohenzollern, ex-empereur d’Allemagne, pour offense suprême contre la morale internationale et l’autorité sacrée des traités.
Un Tribunal spécial sera constitué pour juger l’accusé en lui assurant les garanties essentielles du droit de défense. Il sera composé de cinq juges, nommés par chacune des cinq Puissances suivantes, savoir : les États-Unis d’Amérique, la Grande-Bretagne, la France, l’Italie et le Japon. (...)
Article 228
Le Gouvernement allemand reconnaît aux Puissances alliées et associées la liberté de traduire devant leurs tribunaux militaires les personnes accusées d’avoir commis des actes contraires aux lois et coutumes de la guerre.
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