En 1124, quand l’empereur allemand pénètre en Champagne et menace Paris, le roi Louis VI va chercher sur le tombeau de saint Denis l’oriflamme rouge du sang du martyr. Cette oriflamme va devenir le signe de ralliement de ses vassaux et les conduire à la bataille.
C’est ainsi que la nation française a pris corps à Saint-Denis, au milieu de la plaine de France, à dix kilomètres à vol d’oiseau au nord de l’île de la Cité (Paris).
Une ville au cœur de l’Histoire passée et présente
Le terroir agricole et marécageux de l’époque médiévale, piqueté de villages et de hameaux, avec en son centre la prestigieuse abbaye de Saint-Denis, a depuis longtemps laissé place à une banlieue industrielle et dense.
Les automobilistes qui empruntent l’autoroute Paris-Lille ou se rendent à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle distinguent à peine, au milieu de ce capharnaüm, la pauvre silhouette dissymétrique de la basilique.
Sans doute prêtent-ils davantage d’attention au Stade de France à l’allure interstellaire. Tant pis pour eux.
Ils passeront sans le voir à côté de l’un des plus beaux conservatoires de notre Histoire, un conservatoire tout ce qu’il y a de plus vivant avec ses habitants de multiples origines, porteurs d’espoirs et de craintes mêlés.
Le cœur patrimonial de Saint-Denis s’apprécie en sortant du métro (ligne 13 : Saint-Denis-Basilique). On accède de suite à la zone commerçante, avec son marché à ciel ouvert, tenu surtout par des vendeurs maghrébins. On s’y bouscule en quête de très bonnes affaires.
Au centre de cet espace, la grande halle couverte abrite le marché alimentaire le plus universel qui puisse être : épices, olives et condiments, morue portugaise, charcuterie, poissons fumés, fruits et légumes des cinq continents etc.
En deux minutes à pied (prévoir beaucoup plus les matins de marché), on accède à la basilique (dico).
Avant-hier abbatiale, c’est aujourd’hui la cathédrale du diocèse de Seine-Saint-Denis (la préfecture du département se tient, elle, à Bobigny !).
Après la visite de la basilique et de la nécropole royale, on peut suivre à gauche du parvis la rue de la Légion d’Honneur. Elle est bordée par la Maison d’éducation de la Légion d’Honneur, un internat de jeunes filles établi par Napoléon Ier dans les somptueux bâtiments de l’ancienne abbaye. Elle ne se visite pas.
Un peu plus loin, on peut par contre flâner dans le parc paysager de la Légion d’Honneur avant de rejoindre les abords du Stade de France et du canal de Saint-Denis, tout cela sur à peine plus d’un kilomètre.
Sur le retour, par la rue Gabriel-Péri, on accède au musée d’Art et d’Histoire de la ville, qui occupe l’ancien couvent de Carmélites.
Saint-Denis, création d’un évêque, d’un roi et d’un abbé
La basilique est un univers en soi. Établie sur l’emplacement présumé du tombeau du premier évêque de Paris, elle couvre quinze siècles d’Histoire.
Décapité au IIIe siècle sur la colline de Montmartre (« mons martyrium »), saint Denis aurait marché vers le nord, portant sa tête entre ses mains, jusqu’à tomber et mourir enfin en ce lieu. Très vite, les pèlerins sont venus prier sur son tombeau. Sainte Geneviève, patronne de Paris, y fit édifier une première église vers 475.
Vers 625, l’un des descendants les plus dégourdis de Clovis, le roi Dagobert, moins tête-en-l’air que ne le dit la chanson, y fonda un monastère bénédictin. Il lui fit des dons importants et décida de se faire lui-même inhumer le moment venu à côté du saint.
De cette faveur royale, les habiles moines ne vont plus se départir jusqu’à la Révolution ! Charlemagne lui-même honorera de sa présence la dédicace d’une nouvelle basilique le 24 février 775.
Plusieurs princes et princesses vont suivre l’exemple de Dagobert et se faire inhumer dans l’abbatiale. Bien plus tard, au XIIIe siècle, le roi capétien Louis IX, notre Saint Louis, décidera de généraliser la démarche : tous les souverains français seront désormais inhumés autour du chœur de l’église, promue nécropole royale. Et pour n’oublier personne, Saint Louis y fait conduire sans attendre les dépouilles de ses prédécesseurs.
Qui plus est, il confie à l’abbaye le soin de tenir à jour la chronique du règne. Ainsi les moines vont-ils devenir les historiens officiels de la monarchie capétienne. On leur doit les Grandes Chroniques de France, dont il nous reste 900 manuscrits superbement enluminés.
Pour Saint-Denis, cette consécration est l’aboutissement d’une patiente montée en puissance due à la qualité et au charisme de ses abbés.
Le plus célèbre d’entre eux est Suger. Né vers 1081, ce fils de paysan eut la chance d’être éduqué à Saint-Denis en compagnie du fils aîné du roi Philippe Ier, le futur Louis VI le Gros. Ce dernier, quand il monta sur le trône, l’appela à ses côtés comme conseiller, dans le rôle d’un Premier ministre moderne.
Personnalité d’exception, intelligent, visionnaire, énergique, Suger consolida l’État naissant avant d’être élu abbé de Saint-Denis vers 1121. C’est lui qui convainquit le roi d’arborer à la guerre l’oriflamme rouge de saint Denis… Ainsi le rouge est-il devenu la couleur des temps de crise, des guerres et aujourd’hui des révolutions !
Regrettant que le sacre des nouveaux souverains se tienne dans la cathédrale de Reims, où Clovis avait reçu le baptême, il s’assura toutefois que les « regalia », objets sacrés utilisés pour la cérémonie, soient conservés à Saint-Denis.
Mais le meilleur était encore à venir. Suger entreprit de rebâtir l’abbatiale carolingienne qui menaçait ruine. Il la voulut plus haute, plus belle et plus lumineuse que toute autre pour célébrer la gloire de Dieu. Pour cela, il fit appel à trois innovations majeures : l’arc brisé, la voûte sur croisées d’ogives et l’arc-boutant. Il n’en est pas l’inventeur mais est allé les chercher en Normandie comme en Bourgogne où elles avaient fait de timides apparitions.
Suger réunit tous ces éléments dans une brillante synthèse et en fait la promotion lors de la consécration du chœur de la nouvelle abbatiale, le 11 juin 1144.
Toutes les sommités du royaume ainsi que l’évêque de Cantorbéry assistent à la cérémonie autour du roi Louis VII, fils de Louis VI, et de son épouse Aliénor d’Aquitaine. Ébahis par cette merveille architecturale, les évêques vont rentrer chez eux avec l’envie de faire encore mieux pour leur cathédrale.
Ainsi va se diffuser en quelques décennies ce nouvel « art français » que les artistes de la Renaissance qualifieront avec mépris d’art « gothique » (à peine digne des Goths).
Suger étant mort en 1151, ses successeurs achèveront la reconstruction de l’abbatiale avec le concours des grands architectes Pierre et Eudes de Montreuil. Ils la doteront de deux tours et mettront un point d’honneur à ce que l’une d’elles, la tour nord (86 mètres), dépasse en hauteur les tours de Notre-Dame de Paris (69 mètres) !
En 1846, après qu’elle aura été ébranlée par une tornade, l’architecte François Debret la démonta en vue de la restituer proprement. Mais son successeur Eugène Viollet-le-Duc renonça à la restitution.
L’architecte Jacques Moulin et la municipalité se disposent aujourd’hui à relancer le projet et remonter la tour nord avec un financement par les visiteurs du chantier !
Jusqu’à la fin du Moyen Âge, Saint-Denis va tranquillement prospérer autour de son abbaye. Celle-ci accueille cent à deux cents moines au maximum. Il s’agit de fils de bonne famille, pieux et instruits, qui tiennent pour un grand honneur d’être admis au sein de la communauté.
La petite ville qui s’est développée à l’ombre de l’abbaye va compter jusqu’à la Révolution un maximum de dix mille habitants (le recensement de 1328 lui attribue 2358 « feux », un feu désignant un foyer ou une famille, sans plus de précision).
Mais les pèlerinages ainsi que les cérémonies, en particulier les funérailles des Grands du royaume, lui attirent de nombreux visiteurs. L’affluence atteint des records avec la célèbre foire internationale du Lendit.
Cette foire pourrait remonter à un acte de fondation du bon roi Dagobert (encore lui !) en 629. Elle apparaît en tout cas après l’An Mil sous le nom de Lendit, dérivé du latin Indictis (« au jour dit ») et se tient pendant une dizaine de jours avant la Saint-Jean (24 juin). Son succès lui vient des exemptions de taxes (tonlieu) accordées par les souverains et de sa situation sur la route qui relie Paris aux Flandres.
Cette prospérité est toutefois mise à rude épreuve par les malheurs du XIVe siècle : d’abord la Grande Peste qui frappe la population à partir de 1348, puis la guerre de Cent Ans avec le passage des différentes armées et les troubles civils comme la révolte des Maillotins (1383).
Jeanne d’Arc se rend à la basilique et y dépose son armure en signe d’allégeance au saint après avoir été blessée lors d’un assaut infructueux contre Paris le 8 septembre 1429. Elle retrouve à Saint-Denis le roi Charles VII qui décide, le 13 septembre 1429, contre son avis, d’abandonner la ville aux Bourguignons et aux Anglais. C’est seulement le 8 avril 1436 que le connétable Richemont reprendra la ville.
Un peu plus tard renaîtra la foire du Lendit, interrompue pendant les troubles. Mais l’humeur n’y est plus et la foire ne tardera pas à disparaître pour de bon. Son souvenir se conserve dans une rue du Landy, au sud du Stade de France, dans l’industrieuse plaine de Saint-Denis.
Un siècle plus tard, les guerres de religion ravivent les blessures. Le 2 octobre 1567, les huguenots du prince de Condé pénètrent par surprise dans la ville et saccagent les églises, y compris la basilique et son trésor.
Ils sont délogés de la ville le 10 novembre 1567, à l’issue d’une bataille livrée hors des remparts par les catholiques du connétable Anne de Montmorency. Celui-ci (74 ans) est mortellement blessé d’une balle de mousquet. Ses hommes restent néanmoins maîtres du terrain.
Un quart de siècle plus tard, le 25 juillet 1593, c’est dans la vénérable basilique que le roi Henri IV choisit d’abjurer le protestantisme afin de se rallier la majorité catholique du pays. Ainsi met-il fin aux guerres de religion.
Le pays reprend espoir et Saint-Denis pourrait croire les beaux jours revenus. Le 13 mai 1610, dans la basilique, est célébré en grande pompe le couronnement de Marie de Médicis.
Après neuf ans de mariage et force supplications, la reine a obtenu du « Vert-Galant » d’être enfin couronnée, d’une part pour écarter tout risque de répudiation, d’autre part pour s’assurer la régence en cas de veuvage, pendant la minorité de leur fils !
Depuis le couronnement d’Anne de Bretagne, un siècle plus tôt, la coutume s’était instaurée de dissocier le couronnement de la reine de celui de son époux et de le célébrer à… Saint-Denis. Mais cette fois fut la dernière. Le lendemain même, le roi était assassiné par Ravaillac dans une rue de Paris.
Du mysticisme religieux à la ferveur révolutionnaire
Le XVIIe siècle s’annonce sous de sombres auspices. Tandis que se consolide l’État national sous la férule de Richelieu et Mazarin, l’abbaye bénédictine perd de son aura. En plein déclin, elle sera rattachée en 1691 à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés (Paris) dont elle deviendra un simple prieuré.
Dans le même temps, le 28 septembre 1625, le cardinal Pierre de Bérulle a fondé à l’orée du bourg un couvent de l’ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel.
Né de la Contre-Réforme catholique à l’initiative de sainte Thérèse d’Avila et saint Jean de la Croix, cet ordre voué à la pauvreté et à la prière accueille des religieuses appelées « carmélites déchaussées » en raison de la rusticité de leurs chaussures. Sept carmélites inaugurent le nouveau couvent de Saint-Denis.
Saint-Denis désormais ne s’anime plus qu’à l’occasion des grandes funérailles, avec de longs et lents convois mortuaires qui relient Versailles à la vénérable basilique (une trentaine de kilomètres parcourus en dix heures). Celles de Louis XIV, le 23 septembre 1715, vont marquer l’apogée et la fin de ce rituel austère.
Le Siècle des Lumières se traduit par un renouveau religieux, assez bref au demeurant. La communauté bénédictine de Saint-Denis se réforme et reconstruit par la même occasion son monastère. Les bâtiments médiévaux sont remplacés par un superbe ensemble classique, sur les plans de Robert de Cotte, architecte de Louis XIV, et de Jacques Gabriel, architecte de Louis XV.
Quant aux carmélites, elles bénéficient d’un coup de pouce du destin quand Louise de France, la dernière enfant du roi Louis XV et de Marie Leszczynska, dite « Madame Huitième » ou « Madame Dernière », décide le 11 avril 1770, à 33 ans, de prendre le voile et d’entrer au Carmel de Saint-Denis.
Pieuse mais aussi d’un fort caractère, la princesse supporte mal la frivolité de la Cour et plus encore les frivolités de son vieux père. Elle souhaite en prenant le voile prier pour son salut. Elle va accepter avec humilité et dévotion les obligations de l’ordre, Elle sera élue prieure à trois reprises et son exemple attirera plusieurs novices au couvent.
Grâce à sa dot, le Carmel va engager d’importants travaux, tout en respectant une architecture austère. À l’extérieur de la « clôture » (partie interdite aux étrangers), Richard Mique érige en 1784 une chapelle néo-classique avec une façade à colonnades. Dans le même temps, l’architecte conçoit près de Versailles le Hameau de la reine Marie-Antoinette.
Les moines et les carmélites ne vont pas jouir très longtemps de ces espaces monumentaux. Quand arrive la Révolution, les biens du clergé sont nationalisés et les ordres religieux abolis.
Le 31 juillet 1793, la Convention, sur la proposition du député Barrère, rapporteur du Comité de Salut Public, décrète que « les tombeaux et mausolées des ci-devant rois, élevés dans l’église de Saint-Denis, dans les temples et autres lieux, dans toute l’étendue de la République, seront détruits le 10 août prochain [pour le premier anniversaire de l’arrestation de Louis XVI] ». Une cinquantaine de tombeaux disparaissent de ce fait… Heureusement, à l’initiative du conservateur Alexandre Lenoir, les plus beaux avaient pu être mis en lieu sûr à Paris.
Dans un deuxième temps, pour les besoins de la guerre, on va récupérer le plomb des cercueils comme des vitraux. Durant ces opérations, on se débarrasse des ossements dans un terrain vague. La population laborieuse de Saint-Denis, artisans, marchands, manouvriers, s’engage très tôt dans la révolution et répond avec chaleur à la levée en masse du 10 mars 1793.
Sur une proposition de la municipalité, la Convention républicaine rebaptise le 17 septembre 1793 la commune de Saint-Denis du nom de « Franciade », lointaine réminiscence d’un poème de Ronsard !... La ville reprendra son nom traditionnel une dizaine d’années plus tard.
L’abbatiale est brièvement convertie en Temple de la Raison puis transformée en grenier et en hôpital militaire ! Le monastère lui-même échappe de peu à la démolition.
Il faudra attendre l’Empire et la Restauration pour que l’ensemble soit relevé de ses ruines. Par un décret du 15 décembre 1805, à son retour d’Austerlitz, Napoléon Ier émet le souhait que les filles des titulaires de la Légion d’Honneur puissent recevoir une bonne éducation aux frais de l’État. Trois lieux sont désignés à cet effet, dont l’abbaye de Saint-Denis qui accueille ses premières élèves en 1810.
Napoléon envisage par ailleurs de restaurer la nécropole et de l’élargir à sa dynastie ! Les événements ne lui en laisseront pas le loisir et son neveu Napoléon III n’y réussira pas mieux.
À la Restauration, en 1815, le roi Louis XVIII ramène à Saint-Denis les restes présumés de son malheureux frère et de quelques autres victimes de la Révolution. Les sarcophages retrouvent leur place autour du chœur. La basilique prend l’aspect qui est le sien aujourd’hui, sauf la tour nord, démontée en 1846.
Saint-Denis et la révolution industrielle
L’heure n’est plus au mysticisme. Saint-Denis, par son emplacement privilégié et la présence de cours d’eau bientôt canalisés, va s’engager dans la révolution industrielle du XIXe siècle jusqu’à devenir la plus grande zone industrielle de France, voire d’Europe.
Sous le Second Empire et plus encore sous la IIIe République, après 1870, la population bondit sous l’effet de l’immigration jusqu’à dépasser les 50 000 habitants. La ville s’étale au sud, dans la plaine de Saint-Denis, jusqu’aux fortifications de Paris, avec ses ateliers et ses taudis. Elle reçoit de nombreux travailleurs de Belgique, d’Italie et plus encore de Bretagne. Aujourd’hui encore, le folklore breton demeure très présent dans la ville, porté par de très actives associations.
Plusieurs centaines de Bretons occupent des emplois pénibles et non qualifiés dans les gazomètres géants du Landy, dans la Plaine. Ces drôles de cloches de 65 mètres de haut et 75 mètres de large stockent le gaz destiné au chauffage et à l’éclairage de la capitale. Elles vont disparaître dans les années 1970. À leur place s’élève aujourd’hui le Stade de France.
En 1865, un entrepreneur parisien se laisse séduire par les atouts de Saint-Denis, sa main-d’œuvre et ses infrastructures. Il gère la maison Pleyel, une manufacture de pianos fondée en 1805 à Paris par un musicien autrichien renommé, Ignace Pleyel, et dont les instruments sont appréciés dans le monde entier.
La manufacture s’installe donc dans la Plaine de Saint-Denis, sur le boulevard d’Ornano. Elle va faire la réputation du lieu, dominé aujourd’hui par une tour de 129 mètres. D’abord tour de bureaux, la tour Pleyel est appelée à devenir un hôtel haut de gamme.
Faut-il s’en étonner ? Aux élections municipales des 1er et 8 mai 1892, Saint-Denis est l’une des premières communes de France à se donner une équipe socialiste. L’une de ses premières initiatives est de convertir l’ancienne chapelle du Carmel en un « temple de justice et de paix », bref, un tribunal.
Après la Première Guerre mondiale, les socialistes dyonisiens sont parmi les premiers à rejoindre la IIIe Internationale communiste de Lénine. Ils rallient en nombre le nouveau parti communiste issu du congrès de Tours de Noël 1920, ce qui vaut à l’ancienne cité bénédictine le qualificatif de « Ville rouge ».
Mais le plus surprenant reste à venir. L’un des plus actifs militants de la ville, un ouvrier métallurgiste décoré de la Croix de Guerre, devenu secrétaire général des Jeunesses communistes, est envoyé en prison suite à ses articles contre la guerre du Rif.
C’est en prison qu’il apprend en 1924 son élection comme député de Saint-Denis. Il en deviendra le maire en 1931. Très populaire, Jacques Doriot, puisque c’est de lui qu’il s’agit, plaide pour une alliance entre communistes et socialistes, ce qui lui vaut d’entrer en conflit avec l’Internationale communiste.
Il est exclu du Parti communiste en 1934… juste avant que le parti et son chef Maurice Thorez ne se rallient au principe d’un Front populaire ! De dépit, Jacques Doriot fonde son propre parti en 1936, le Parti Populaire Français. Il va dériver vers l’extrême-droite et, après l’invasion du pays par la Wehrmacht, va se rallier à la Collaboration jusqu’à en devenir l’un des représentants les plus odieux.
Son cas n’est pas isolé puisqu’Aubervilliers, voisine de Saint-Denis, s’est aussi donnée à la faveur de la Grande Guerre un député-maire de gauche, le socialiste Pierre Laval, qui est devenu le principal artisan de la Collaboration.
Après cette parenthèse est venu le temps de la Reconstruction et des « Trente Glorieuses ». Saint-Denis s’est dotée des premières HLM (habitations à loyer modéré) avec la cité Langevin. Plus tard, à la faveur des événements de Mai 68, la « Ville rouge » a reçu une Université.
Dans le même temps, la municipalité a engagé la réhabilitation du centre urbain et de son patrimoine.
L’ancien Carmel de Louise de France a accueilli le musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis, un magnifique patchwork dans lequel cohabitent de façon stimulante les sentences austères qui rythmaient la vie des moniales avec les souvenirs de la Commune de Paris (1871). Par le fruit des hasards, le musée possède en effet la plus complète collections de témoignages de cette période révolutionnaire. Ainsi se retrouvent associées pour l’éternité deux femmes de caractère, deux Louise aux parcours opposés et similaires : Louise de France et Louise Michel !
Last but not least, le musée a reçu aussi la collection du plus illustre citoyen de la ville, le poète Paul Éluard, né à Saint-Denis le 14 décembre 1895. C’est avec émotion que les visiteurs découvrent le manuscrit raturé de son poème Liberté…
Notons que le pape Jean-Paul II a fait l’honneur à la « Ville rouge » d’une visite le 31 mai 1980. Il a pu officier devant la basilique, sous une bannière qui reprenait une citation du cardinal Cardjin, fondateur de la Jeunesse Ouvrière Catholique : « Un jeune travailleur vaut plus que tout l’or du monde ». De l'abbé paysan Suger au poète communiste Paul Éluard, un beau raccourci.
Saint-Denis s’efforce aujourd’hui de conjurer les tensions nées d’une immigration tous azimuts en accueillant dans la Plaine d’importants centres d’affaires (GDF, Orange, Archives nationales…).
Le Stade de France, baptisé en fanfare en 1998, avec la victoire de l’équipe de France au Mondial de foot, est devenu le symbole de cette transformation.
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Bouté (16-07-2018 18:51:59)
Les Demoiselles des Maisons d'éducation de la Légion d'Honneur ne sont pas titulaires de celle-ci mais ont un grand'parent ou un parent qui l'est ou le fut.Dans certaines conditions l'Ordre National du Mérite peut être un titre suffisant pour postuler.
Etienne ROBIN (16-07-2018 10:04:42)
Étymologie de Montmartre :
comme le dit votre article sur Saint-Denis, on affirme communément que "Montmartre" signifie "Mont des martyrs", et d'ailleurs l'évêque Denis y aurait été décapité.
Mais cette étymologie est probablement inexacte, au vu de plusieurs lieux français qui portent le même nom (Montmartre) en référence à "Mont de Mercure". Et de fait, au sommet du Montmartre parisien s'élevait un temple dédié à Mercure, bien avant que saint Denis aille s'y faire raccourcir.