Cinéaste et photographe talentueuse, Leni Riefenstahl entra dans la carrière bien avant l’accession de Hitler au pouvoir mais c’est seulement par ses films de propagande à la gloire du nazisme qu’elle accéda à la célébrité.
Elle assure toutefois n'avoir jamais été nazie ni associée aux horreurs du régime et l’historien Liam O’Leary a pu écrire d’elle : « Artistiquement, c’était un génie, politiquement, une imbécile. »
Une danseuse contrariée
Née à Berlin le 22 août 1902 dans le ménage d’un prospère entrepreneur en plomberie, elle devient danseuse et se révèle très douée, jusqu'à devenir soliste au Deutsches Theater de Berlin. Mais elle doit interrompre à 22 ans sa carrière de danseuse suite à une blessure au genou.
Ainsi qu'elle aimera à le raconter, cette blessure va lui faire découvrir le cinéma et plus particulièrement celui du réalisateur Arnold Fanck : « J’attendais un train. Je devais aller chez le docteur car je m’étais blessé le genou et ne pouvais pas danser. J’étais impatiente parce que le train était en retard. Alors que je m’apprêtais à monter à bord, j’avisai une affiche, La Montagne du destin, avec un alpiniste escaladant un gouffre. Fascinée, je ratai mon train. […] Oubliant le médecin, je suis allée au cinéma. »
En 1926, elle fait la rencontre du réalisateur, très en vogue sous la république de Weimar, qui lui confie un rôle dans La Montagne sacrée.
Arnold Fanck, spécialiste des scènes de montagne, montre au cinéma des hommes virils confrontés à une nature dangereuse autant que belle. Ses images sidérantes étaient réalisées au prix d'efforts surhumains et parfois mortels. Autant d’aspects idéologiques et techniques que Leni Riefenstahl reprendra par la suite...
La jeune Leni Riefenstahl participe au tournage dans de très rudes conditions physiques, au milieu d'hommes casse-cou. Mais elle ne se cantonne pas dans le métier d’actrice et s’initie aussi au cadrage et à la réalisation.
En février 1932, Leni assiste à un rassemblement du parti nazi au Sportpalast de Berlin. Fascinée par Hitler qui suscite tant d’enthousiasme dans la foule et soucieuse de son propre avenir, elle lui écrit une lettre pour le rencontrer.
La rencontre a lieu quelques mois plus tard, en mai 1932, alors que l’actrice doit partir au Groenland pour le tournage de SOS Eisberg. Ils se considèrent tous deux comme des génies contrariés et s’entendent immédiatement.
Le 30 août 1933, Hitler, qui est entretemps devenu chancelier, fait à Leni Riefenstahl l’honneur d’assister à la première du film en compagnie de son ministre de la Propagande Joseph Goebbels. Leni Riefenstahl entre dans la salle en faisant un salut nazi, ce qui a l’heur de déplaire aux producteurs américains.
Une cinéaste comblée
Il faut dire que la carrière de Leni Riefenstahl a pris un nouveau tournant lorsque Hitler est arrivé au pouvoir, le 30 janvier 1933.
Disposant de moyens quasi-illimités et d'une équipe très nombreuse, elle réalise Le triomphe de la volonté sur le congrès de Nuremberg de 1934 puis Les Dieux du Stade (Olympia) sur les Jeux Olympiques de 1936, qui sont d’énormes succès.
Elle renouvelle ainsi le 7e art en reprenant les techniques développées par Arnold Fanck : images des plongeons avec des caméras qui peuvent aller sous l’eau, prises de vue en contre-plongée, ralentis, travellings etc.
Mais en 1937, ayant achevé le montage des Dieux du Stade, Leni Riefenstahl va plus ou moins cesser de travailler pour le régime, en raison d’une part de l’hostilité de Goebbels à son égard, d’autre part de sa réprobation des critiques nazies de l’« art dégénéré ».
Après l’effondrement du IIIe Reich, Leni Riefenstahl échappe à la dénazification, bien que jugée « sympathisante » du régime. Elle parvient à produire un film en 1954 mais c’est un échec commercial.
Mise à l’écart du monde du cinéma, manquant d’argent et de contrats, elle s'illustrera encore comme photographe, avec notamment un magnifique reportage dans lequel elle magnifie la beauté sculpturale des Noubas, un peuple africain du Soudan. Elle réalise aussi des films sur la vie sous-marine avant de mourir de sa douce mort à 101 ans, le 8 septembre 2003 en Bavière. Son mentor Arnold Fanck est mort quant à lui le 28 septembre 1974, à 85 ans, ayant peu à peu dû renoncer au cinéma après l'accession de Hitler au pouvoir.
Attentive à sa réputation, Leni Riefenstahl n'a eu de cesse de répéter qu'elle n’était pas nazie mais simplement artiste. « Je n’ai jamais été national-socialiste. J’admirais Hitler, voilà tout », affirme-t-elle volontiers sans craindre l'ambiguïté. Et à un journaliste, en 1980, elle lance : « La laideur, la misère, le pathologique me répugnent. Direz-vous que la beauté est fasciste ? »
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Adelaide (11-07-2018 13:29:36)
Pourquoi cet article ne parle t il pas de la carrière en Afrique ? Où cette naïve ex- sympathisante nazie tomba en admiration devant la beauté noire ? Y a t il une suite ?