La révolution industrielle des deux derniers siècles a été rendue possible par le chemin de fer. Près d'un siècle avant que n'apparaisse l'automobile, il a donné une vigoureuse impulsion au transport de matières premières, de marchandises et de personnes. Il a unifié les territoires, désenclavé les zones rurales et aussi modifié la nature des guerres.
En ce XXIe siècle, entre la voiture et l'avion, le train cherche sa place. Il conserve d'excellents atouts et pourrait les faire valoir si d'aventure les gouvernants et les citoyens choisissaient de privilégier sobriété énergétique et aménagement du territoire.
Les mines donnent naissance au chemin de fer
L'idée de faire circuler des charges lourdes sur des rails remonte sinon à la nuit des temps du moins aux premières exploitations minières.
Dès l'époque médiévale, en Europe, les exploitants des mines s'aperçurent en effet que les charrettes de produits lourds rencontraient moins de résistance au frottement lorsqu'elles roulaient sur des rails. Ces rails improvisés furent d'abord en bois et les véhicules eux-mêmes étaient tirés par des chevaux.
Grâce au développement de la métallurgie, on remplaça progressivement les rails en bois par des rails en fer, ce qui améliora de beaucoup les performances de la traction.
Au pays de Galles,, le transport sur voie ferrée apparut comme la solution idoine. En 1807, une compagnie eut même l'idée de l'étendre aux voyageurs en utilisant des wagons initialement destinés au minerai de cuivre et tirés par des chevaux.
Restait le problème de la traction : devait-on se limiter à des wagons ou chariots tirés par des chevaux ?
C'est ici qu'intervient, après le rail, le deuxième apport décisif à l'invention du chemin de fer : la vapeur. Comme le rail, elle est issue de l'industrie minière.
Le mécanicien anglais Thomas Newcomen conçoit vers 1712 une machine en vue d'extraire l'eau des mines profondes de charbon. Un demi-siècle plus tard, cette motorisation reçoit une impulsion décisive de l'ingénieur écossais James Watt qui en améliore le rendement énergétique (condenseur séparé, double effet...).
L'ingénieur Richard Trevithick conçoit la première locomotive à vapeur, avec une chaudière montée sur chariot. Les autorités locales des Midlands lancent alors un concours afin de sélectionner un constructeur capable de faire rouler sur rails un engin de moins de 6 tonnes à la vitesse de 16 km/h. C'est finalement l'ingénieur Georges Stephenson et son fils Robert qui l'emportent avec leur locomotive, The Rocket (la « Fusée »).
À la suite du concours est inaugurée le 27 septembre 1825 la ligne Stockton & Darlington, dans les Midlands. Il s'agit de la transposition à l'air libre d'un chemin de fer minier, avec ses chevaux et ses machines à vapeur fixes qui tirent les wagonnets. Outre le transport du charbon, elle s'accommode du transport de voyageurs.
Après cette expérimentation est lancée la première ligne ferroviaire commerciale entre Liverpool et Manchester, inaugurée le 15 septembre 1830 et équipée des locomotives de Georges Stephenson. Elle fait chuter de moitié le prix des marchandises lourdes vendues à Manchester.
Le chemin de fer, source de profit sans pareille
En France, une première voie ferrée a été ouverte en 1827 pour le transport des marchandises, entre Saint-Étienne et Andrézieux (18 km), deux villes du bassin industriel et minier de la Loire. Puis est ouverte en 1835 la ligne Saint-Étienne-Lyon (57 km) pour le transport de marchandises lourdes et de produits sidérurgiques.
Les Belges inaugurent une première ligne pour le transport des voyageurs entre Bruxelles et Malines, le 5 mai 1835. La même année, le 7 décembre 1835, une première ligne de 6,4 km est ouverte en Allemagne, entre Nuremberg et la ville voisine de Fürth.
Les investisseurs et les épargnants se laissent griser par ce secteur aux allures d'eldorado qui n'est pas sans rappeler l'internet au tournant du troisième millénaire ! Il s'ensuit même une bulle spéculative dans les années 1830-1850 à la Bourse de Londres, autour des actions des compagnies.
Le 24 août 1837, en avance de quelques mois sur le roi Louis Ier de Bavière, la reine Marie-Amélie, épouse de Louis-Philippe 1er, inaugure la première ligne française dédiée au transport de voyageurs. Cette ligne relie Paris à Le Pecq (18 km). Elle est dix ans plus tard prolongée jusqu'à Saint-Germain-en-Laye, de l'autre côté de la Seine...
Le 8 mai 1842, sur la ligne Paris-Versailles se produit le premier drame ferroviaire de l'Histoire : 55 morts. Malgré son caractère spectaculaire et inédit, il ne remet pas en cause la confiance des banquiers et de l'opinion publique dans ce nouveau mode de transport.
Un mois plus tard, le 11 juin 1842, François Guizot, mieux inspiré qu'Adolphe Thiers, promulgue une loi décisive sur les chemins de fer destinée à remédier à l'insuffisance de capitaux : l'État promet des monopoles avec des concessions à long terme aux compagnies privées qui voudront se lancer dans l'aventure. Ainsi le chemin de fer va-t-il concourir au désenclavement des territoires, à l'unification du pays et à la centralisation de l'État. Alors que les diligences ont une vitesse moyenne de 4,5 km/h (!), les trains vont atteindre très vite une vitesse moyenne de 65 km/h et Napoléon III pourra rouler en train spécial vers Biarritz et Marseille à une moyenne de 100 km/h !...
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Jean Paul MAÏS (30-09-2020 16:14:15)
Sans doute allez-vous aborder le rôle des chemins de fer dans la Déportation et l' Extermination des juifs dans un prochain chapitre ? Pour moi c' est déjà fait : j' en suis à ma 8 ième expo sous forme de dioramas à base de modélisme ferroviaire, la dernière au Musée de la Résistance de LIMOGES à l' occasion des Journées du Patrimoine.
Jean Pierre Pascuito (09-03-2018 17:19:42)
Je partage l'inquiétude de mes concitoyens ci-dessus. Il ni y'a pas si longtemps des responsables politiques souhaitaient que les marchandises (en dehors des produits frais) soient transportées par le train plutôt que par des camions qui polluent, qui dégradent les chaussées et qui sont un danger sur nos routes. J’espère qu'il n'est pas question pour Mr Macron de privilégier la route au détriment du rail.
edzodu (06-03-2018 16:49:10)
Les hommes ont la mémoire courte ! Faut-il rappeler à tous ceux qui ont tiré un profit non négligeable et un temps très important sur l’utilisation des transports ferroviaires, grâce au bon vouloir –ou à la négligence – des états, qui ont toujours imposé de garder « la main stratégique » sur ce mode de transport , qu’aujourd’hui, s’en détournant, ils crient au scandale dépensier de l’argent public. Pourtant, les progrès techniques, les réglementations diverses assouplis dans ce mode de transport, conduisirent des investisseurs à ne pas y adhérer et se diriger vers un moyen de locomotion moins rigide en matière de réglementation du travail, comme des coûts au kilomètre et les gains de temps entre le chargement initial des marchandises et leurs déchargements chez le client. S’ajoute à ce nouveau moyen, la quasi-suppression ou presque des arrêts de travail pour fait de grève, que les syndicats « dans la SNCF » n’ont pas tous sus en exploiter, par des négociations d’équilibre entre ce qui peut être obtenu sans dommage trop grand pour l’entreprise et ses employés, on conduit, certains jusqu'à la rupture et « laisser filer le mal » par des dirigeants de la SNCF, puis abandonner sans combat et esseulée – tant l’état n’a pas joué son rôle d’actionnaire majoritaire avec le souci primordial d’un réel aménagement du territoire – et conduit à ce qu’aujourd’hui il soit urgent de mettre de l’ordre dans la maison SNCF. Pour autant, les cheminots, que l’on montre du doigt comme des privilégiés le sont-ils en regard d’autres situations d’entreprises dans lesquelles il fait valoir ses exigences, (nucléaire) toujours dans le souci de l’aménagement du territoire. Non. Il a laissé - par peur de conflits majeurs et de grèves, et surtout de moyen financier mais surtout par manque de courage politique – pourrir la situation. - Faut-il en arriver à supprimer le statut dit « privilégié » des cheminots pour autant ? - Ne faudrait-il pas réduire, comme c’est déjà le cas depuis plus de vingt ans ses effectifs sous statut pour garder en son sain un personnel qu’elle a et su former aux besoins impératifs de sécurité, et n’embaucher que celui assujetti à tout ce qui touche aux services commerciaux pour lui donner le coup de fouet salutaire, qui devrait la placer sur un pied d’égalité avec ses concurrents européens ? - Des 46, 6 milliards de la dette qu’on incombe à la SNCF combien l’état en doit-il à la collectivité nationale pour ne pas avoir en temps utile budgétisé de façon réaliste les dépenses relatives aux constructions des lignes à grande vitesse – laissant au passage, pour calmer quelques personnalités influentes - dépasser les coûts prévus au départ, et négligeant en plus de faire entretenir les autres lignes sur lesquelles pourtant un temps on circulés les trains le plus prestigieux de France et d’Europe comme ceux journaliers emportant matin et soir les travailleurs et autres voyageurs en toute sécurité vers leurs lieux de travail ou de villégiature. Alors, oui, pour un maintien d’un aménagement du territoire correspondant aux besoins de sa population, allons vers une belle et grande réforme où chacun pourra se dire qu’il y est pour quelques chose d’utile pour l’avenir de nos transports ferroviaires en avance depuis plus de vingt ans sur l’aspect « NON polluant » « Sécurisant » de ce mode de locomotion – écologiste avant l’heure – et osons entreprendre, enfin ce qui aurait du l’être depuis plus de trente ans – de mettre sur le rail la multitude de camion qui encombrent nos routes et autoroutes, les défoncent par le fait de leurs charges par essieux, qui a augmenté, et la pollution qu’ils occasionnent. Il n’est que de voir ces chapelets de camions venant pour la plupart des pays voisins de la France, bloqués en rase campagne dès qu’il y a cinq centimètres de neige sur les chaussées, alors que, sauf cas très rares les trains peuvent circuler en toute sécurité. L’automobile tant individuelle que d’usage collectif doit y trouver son compte en la considérant comme une réelle complémentarité au transport ferroviaire en facilitant, tant pour son prix au kilomètre que la mise à disposition pour le client des moyens plus modernes en faisant appel plus amplement à l’informatique pour les réservations. Pourquoi, aussi, ne pas imaginer des convoies de trains-auto-voyageurs ( dans les années 1970-1980 des trains de ce type traversaient notre territoire) où, au terminus les voyageurs récupéreraient leur véhicule ?
JP Pointet (06-03-2018 12:42:40)
Pour le grand public on retient qu'ils sont toujours en grève (ou si souvent), que leur travail est,certes, fatigant mais pas pour tous (ma cousine était dans les guichets et ne faisait pas grand chose, de son propre aveu, elle se "reposait au travail"). Quand on compare avec le travail des infirmières, épuisant et moins payé, on se dit qu'il y a deux poids deux mesures et que tous les privilèges n'ont pas été abolis en 1789. Quant aux retraites, encore une injustice, et de taille ! Nos jeunes aimeraient bien avoir les mêmes ... !
moreau (05-03-2018 19:15:57)
Haro sur la SNCF!!! Mais qu'a-t-on à lui reprocher? On a voulu dissocier l'entretien des voies de la gestion du matériel roulant et des gares! Très bien, mais qui paye pour cet entretient? Et quel entretien? Celui de Ste Genevieve des bois, les éclisses qui se déboulonnent toutes seules? Et le TGV, qui paye la construction des nouvelles lignes? Et le transport des marchandises peu à peu délaissé aux seuls profits du transport routier qui polue et encombre les autoroutes? Ne pourrait-on envisager comme en Suisse une taxe pour les transporteurs étrangers traversant la France? Et les lignes intercité seront-elles uniquement a la charge des régions? Et les fameux avantages des cheminots, ne serait-ce pas l'arbre qui cache la forêt? Je pense qu'un article sur ces divers points, dénué de tout esprit critique serait le bienvenu. Merci.