650 av. J.-C. à nos jours

Brève histoire de la monnaie

La monnaie serait née autour de la mer Égée vers 650 av. J.-C. avec les premières frappes de pièces en métal précieux à l'initiative de quelques rois et tyrans. Mais c'est seulement dans un deuxième temps que ces pièces seraient devenues un instrument indispensable aux échanges marchands.

Jusqu'au XXe siècle, les pièces de monnaie étaient en métal précieux (or ou argent) et soigneusement calibrées. Leur valeur était réputée intangible. Avec l'avènement de la monnaie papier et les changes flottants, la référence métallique a disparu et les différentes monnaies doivent leur valeur à la confiance qu'elles suscitent et rien d'autre... 

André Larané

La monnaie, symbole ostentatoire

Les premières pièces de monnaie ont eu, semble-t-il, pour principal but de satisfaire l'ego des cités et de leurs dirigeants...

Il en allait ainsi des pièces en électrum (un alliage d'or et d'argent) frappées à Sardes par le roi Alyattès, qui régna sur la Lydie entre 610 et 560 av. J.-C. Ses pièces portaient son emblème, une ou plusieurs têtes de lion. Elles pouvaient s'échanger localement comme de quelconques bijoux.

Mais on ne tarda pas à trouver aux pièces frappées d'autres avantages comme de faciliter les échanges de marchandises : dès lors que leur valeur, autrement dit leur poids en métal précieux, fut garantie par un roi ou une association de marchands, ces pièces purent en effet être échangées contre des marchandises beaucoup plus pondéreuses (bétail, céréales...).

C'est ainsi que la monnaie devint le référentiel d'échange que nous connaissons.

Aristote, savant universel, traite de la monnaie au livre I de La Politique comme au livre V de L'Éthique à Nicomaque : « La monnaie a été introduite pour exprimer la commensurabilité des objets d’échange ou jouer le rôle de mesure... ». Depuis lors, à son imitation, tous les économistes reconnaissent à la monnaie trois fonctions indissociables et caractéristiques :
• la monnaie est une unité de compte pour mesurer le prix des biens,
• La monnaie est un moyen de paiement pour commercer,
• La monnaie est une réserve de valeur pour les épargnants.

La monnaie, outil d'échange

À partir de là, l'échange monétaire se substitue peu à peu au troc traditionnel (marchandise contre marchandise).

Le développement du commerce entre les cités grecques lui donne un coup de fouet. « Il fallait bien qu'Athènes elle-même exporte notamment ses céramiques décorées pour payer le blé qu'elle importait en grande quantité pour se nourrir. Au IVe siècle, ces importations représentaient régulièrement la moitié du grain consommé dans la cité ».

Ces premières pièces grecques sont frappées à l'effigie des cités (par exemple la chouette pour Athènes) afin de rassurer les utilisateurs sur leur valeur.

La monnaie au service de la puissance romaine

En 269 av. J.-C., les Romains installent leur atelier de frappe des sesterces dans le temple de la déesse Junon, protectrice du foyer et pour cette raison surnommée Moneta (du latin monere, « conseiller »). De là découle l'appellation donnée aux pièces, dont nous avons fait monnaie (money en anglais, moneda en castillan...).

Auguste réorganise le système monétaire romain sur le principe du trimétallisme, avec la circulation en parallèle de pièces en or, argent et bronze. L'aureus pèse environ 8 grammes d'or, sa parité avec le denier d'argent est fixée à 1/25. Le denier lui-même équivaut à 4 sesterces de bronze. Mais la raréfaction progressive de l'argent entraîne une rupture des parités et une perte de confiance dans la valeur respective des pièces.

Au début du IIIe siècle après J.-C., l'empereur Constantin impose le monométallisme avec une pièce en or, le solidus (massif, en latin), d'où nous viennent les mots sou mais aussi solde et soldat. Les premiers solidus sont frappés à Trèves, en Rhénanie, en l'an 310. Leur circulation va perdurer en Europe pendant un demi-millénaire !...

Après les troubles du haut Moyen Âge, Charlemagne, faute d'approvisionnement suffisant en or, doit se résigner à mettre en circulation une nouvelle monnaie de référence, le denier d'argent (de 1,36 à 1,80 grammes d'argent). Du monométallisme fondé sur l'or, voilà donc que l'on passe à un monométallisme fondé sur l'argent ! Celui-ci va si bien entrer dans les moeurs qu'on utilise aujourd'hui encore le nom de l'argent comme synonyme de monnaie ou numéraire.

À l'époque féodale, la dispersion du pouvoir régalien entre une multitude de seigneuries indépendantes entraîne la création d'autant d'ateliers de frappe avec des monnaies locales de faible valeur. 

Les pièces d'or réapparaissent au XIIIe siècle, dans la grande période d'expansion économique du Moyen Âge, avec la renaissance du commerce international. La première est le florin de Florence en 1252. Vient ensuite le prestigieux ducat de Venise. Saint Louis, pour faire bonne mesure, limite l'activité des ateliers seigneuriaux et crée le gros tournois d'argent et l'écu, d'une valeur de 10 sous tournois.

Le thaler, première monnaie internationale

En 1559, l'empereur d'Allemagne Ferdinand Ier de Habsbourg crée un Reichsthaler en argent qui s'honore d'un franc succès. Son nom est une abréviation de Joachimsthaler.

Il vient de Joachimsthal (« vallée de Joachim ou Jacques »), ville entourée de riches gisements argentifères, dans les monts Métallifères, en Bohême. La frappe de monnaies en argent a débuté à cet endroit quarante ans plus tôt, en 1519, à l'initiative des comtes de Schlick. 

En 1750, l'impératrice Marie-Thérèse de Habsbourg fait à son tour frapper un thaler d'argent à son effigie avec l'inscription : M. THERESIA D. G. R. IMP. HU. BO. REG. ARCHID. AVST. DUX BURG. CO. TYR. (abréviation de Maria Theresia, Dei Gratia Romanorum Imperatrix, Hungariae Bohemiaeque Regina, Archidux Austriae, Dux Burgundiae, Comes Tyrolis, Marie-Thérèse, impératrice romaine, reine de Hongrie et de Bohême, archiduchesse d'Autriche, duchesse de Bourgogne, comtesse du Tyrol).

Très vite, le Maria Theresien Thaler (MTT) va devenir une monnaie internationale très prisée dans les colonies espagnoles et anglaises d'Amérique. Après la mort de Marie-Thérèse en 1780, cette monnaie de très bon aloi sera frappée avec la date de 1780 et le portrait bien en chair de la souveraine dans son âge mûr. Elle continuera de l'être jusqu'au milieu du XXe siècle du fait d'une popularité persistante en Afrique orientale et dans la péninsule arabe !

Du thaler au dollar

Quand ils créent leur propre monnaie, le 4 avril 1792, les États-Unis lui donnent le nom de dollar qui n'est autre que la déformation phonétique du mot thaler, la monnaie de Marie-Thérèse ayant été la première qu'aient utilisée les planteurs d'Amérique du nord. L'actuel dollar américain en est d'une certaine manière l'actuel et véritable continuateur du thaler de Marie-Thérèse !

Vers la dématérialisation de la monnaie

Jusqu'au XIXe siècle, la monnaie était matérialisée par des pièces métalliques dont la valeur (pour les plus importantes) était en théorie alignée sur leur teneur en or ou en argent. Leur valeur nominale, certifiée par le sceau du souverain qui y figurait, pouvait toutefois être supérieur à leur teneur effective en or ou en argent.

Le monde ancien, notamment la Chine des Song et des Mongols, connut les billets de banque dont la valeur nominale était certifiée par le sceau du souverain.

Au XIXe siècle, plusieurs États européens, à l'initiative de la France, constituèrent une Union latine avec des monnaies de même poids de façon à faciliter les transactions.

Plus sérieusement furent peu à peu introduits les billets de banque dont la valeur est garantie par l'or conservé dans les caves de l'organisme émetteur. Ainsi le détenteur d'un billet d'une livre sterling a-t-il en théorie la possibilité d'échanger son billet contre une valeur équivalente en or au guichet de la Banque d'Angleterre.

Dans le système fondé sur l'étalon-or, tel qu'il a existé au XIXe siècle, la monnaie en circulation s'ajuste sur le stock d'or détenu par la banque centrale. Par exemple, prenons le cas d'une entreprise française qui vend des marchandises en Angleterre et reçoit en contrepartie des livres sterling. À défaut de pouvoir changer directement celles-ci contre des francs, elle les présente à la Banque d'Angleterre et obtient en retour l'équivalent en or. La Banque d'Angleterre détruit ensuite les billets.

Nous n'en sommes plus là aujourd'hui. Le système monétaire international fonctionne sur le principe des changes flottants avec des monnaies exclusivement fiduciaires (de fiducia, « confiance »), autrement fondées sur la confiance : ces monnaies voient leur cours s'ajuster les uns aux autres quasiment en temps réel en fonction de l'offre et de la demande sur les marchés financiers, lesquels se ramènen à des salles de marché électroniques avec des myriades d'opérateurs devant des écrans.

Publié ou mis à jour le : 2024-04-04 09:51:42

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