2500 ans d'Histoire

De la Perse à l'Iran

L'Iran, autrefois connu sous le nom de Perse, a donné naissance il y a 2500 ans au premier empire à vocation universelle. Depuis lors, les plateaux iraniens ont abrité des civilisations du plus extrême raffinement, qui n'ont rien à envier à l'Occident comme à l'Orient.

À la différence de leurs voisins, les Iraniens ne souffrent d'aucune frustration à l'égard de l'Occident. Ils n'ont de «revanche» à prendre sur personne, sinon sur les trublions cupides qui ont tenté depuis la Seconde Guerre mondiale de s'approprier leurs réserves pétrolières...

Une forteresse naturelle

L'Iran se caractérise par l'altitude. C'est une forteresse naturelle qui domine à plus de 600 mètres de haut les plaines de la Mésopotamie, de l'Indus et de la mer Caspienne.

Les plateaux iraniens, très arides, sont bordés au nord par la magnifique chaîne enneigée de l'Elbrouz et à l'ouest par les montagnes du Zagros. Les habitants se concentrent sur les versants de ces montagnes, en bordure du désert.

Vaste comme trois fois la France (1,6 million de km2), l'Iran compte un peu plus d'habitants qu'elle (80 millions en 2015).

Diversité linguistique...

Aujourd'hui comme au temps de Cyrus, le pays témoigne d'une très grande diversité de populations et de langues. Les Persans, héritiers des anciens Perses, constituent la moitié de la population. Ils parlent persan (note). Le pays compte aussi une importante minorité turcophone (les Azéris et les habitants du littoral de la mer Caspienne) ainsi qu'une minorité arabe, au sud-ouest, autour d'Abadan.

... et religieuse

En matière religieuse comme en matière linguistique, l'Iran a jusqu'à ces dernières décennies témoigné d'une grande diversité. Mais depuis les persécutions consécutives à la Révolution islamique, il ne subsiste plus que quelques dizaines de milliers de non-musulmans.

Dans l'Antiquité domine le mazdéisme (de Mazda, Dieu, dans la langue perse), aussi appelé zoroastrisme parce que fondé par le prophète Zarathoustra (ou Zoroastre) au VIIe siècle avant JC. Il prospère sous les Achéménides (les héritiers de Cyrus) et va survivre jusqu'à l'approche de l'An Mil avant de s'effacer presque complètement face à la poussée de l'islam.

Le judaïsme est présent en Iran dès l'époque des Achéménides, Cyrus le Grand lui-même ayant accueilli des Hébreux après leur exil de Babylone ! Le christianisme arrive en Iran dès les premiers siècles de notre ère. Aujourd'hui, victime de persécutions, il n'est plus guère représenté en Iran. L'islam arrive quant à lui avec la conquête arabe, en 651, mais ne s'impose pas d'emblée.

Au XVIIe siècle, l'Iran safavide (ou séfévide) accueille de nombreux Arméniens chrétiens chassés de l'empire ottoman. Leurs descendants sont encore quelques dizaines de milliers. Plus récemment, au XIXe siècle, est sortie de l'islam iranien une nouvelle religion révélée, le bahaïsme. La Révolution islamique l'a presque complètement chassée d'Iran (elle compterait encore 300.000 fidèles dans le pays).

L'islam, religion dominante, est très tôt sujet à des frictions. C'est que les Iraniens, forts d'un sentiment de supériorité sur les Arabes, encaissent assez mal la langue et la religion des envahisseurs. Ils finissent par rejeter la première et n'acceptent la seconde que sous sa forme factieuse, le chiisme duodécimain.

Le chiisme devient religion d'État sous la dynastie nationale des Safavides, au XVIe siècle. Aujourd'hui, il est officiellement pratiqué par 85% des Iraniens, mais aussi par la majorité des Irakiens et plus de 40 millions de Pakistanais ! C'est également la principale confession religieuse du Liban...

Continuité historique

Depuis que Cyrus le Grand a rassemblé tous les peuples des plateaux iraniens sous son autorité et les a entraînés à la conquête de l'Orient, de la mer Égée à l'Indus, l'Iran n'a plus cessé de rayonner sur le monde environnant.

- Les Achéménides (539 à 330 avant JC)

L'empire de Cyrus laisse une impression rare d'équilibre, d'humanité et de tolérance. Cyrus et ses successeurs se montrent respectueux des libertés locales, des divinités et des traditions de leurs sujets. Ils prennent le titre de «Roi des Rois», signifiant par là qu'ils admettent d'autres souverains dans leur empire.

Grâce aux Achéménides émerge au final une grande civilisation dont témoignent les ruines de Persépolis.

Paradis persan

Le mot paradis vient d'un mot persan qui signifie jardin du seigneur car l'art des jardins a toujours été très prisé dans ce pays à dominante aride...

- De l'hellénisme aux Parthes (330 avant JC à 224)

La conquête de l'empire achéménide par Alexandre le Grand débouche sur le mariage inattendu des cultures grecque et perse. Il se solde par le fractionnement de l'Orient entre différents royaumes mi-grecs mi-orientaux, autrement dit hellénistiques.

Tandis que Rome s'empare des royaumes du littoral méditerranéen, les peuples d'Iran tombent sous le joug des Parthes. Ces rudes guerriers vont diriger l'Iran pendant quatre siècles sans cesser de mener la vie dure aux Romains, sur la frontière de l'Euphrate.

- La Perse fait son retour avec les Sassanides (224 à 651)

En 224, un pur Persan se fait couronner «Roi des rois» (Châhânchâh) sous le nom d'Ardashir 1er et établit sa capitale à Ctésiphon, en Mésopotamie. Il restaure les traditions de la Perse achéménide et refait l'unité du pays autour de la religion mazdéiste.

Ses descendants de la dynastie sassanide vont pendant quatre siècles combattre avec acharnement leurs rivaux de l'empire romain d'Orient, établis à Constantinople. À bout de forces, les uns et les autres se montreront incapables de repousser les cavaliers musulmans surgis d'Arabie après la mort de Mahomet.

- La césure musulmane (651 à 1501)

L'Iran tombe aux mains des Arabes musulmans après la bataille de Néhavend (ou Nahâvand), en 642. Il passe sous l'autorité du calife, établi dans un premier temps à Médine, puis à Damas, en Syrie.

Lorsqu'un siècle plus tard, à la faveur d'un changement dynastique, le calife, reconnu comme le chef de tous les musulmans sunnites, déplace sa capitale à Bagdad, ce sont toutes les élites musulmanes qui s'imprègnent de culture persane. C'est l'«intermède iranien» ! Les contes des Mille et Une nuits conservent le souvenir de ce moment privilégié de l'islam.

Dans les provinces iraniennes émergent des principautés autonomes, sous l'autorité de dynasties locales, souvent d'origine turque, comme les Ghaznévides dans l'Afghanistan actuel ou les Samanides au Khorassan. L'Iran musulman connaît son apogée intellectuel aux alentours de l'An Mil, avec le poète Firdousi et le savant Ibn Sînâ (Avicenne).

En 1055, les Turcs Seldjoukides s'emparent de Bagdad et imposent leur joug à l'ensemble de l'Iran. Eux-mêmes, comme leurs prédécesseurs, adoptent rapidement la culture persane et participent à la grandeur de celle-ci. Grâce à eux, le «style persan» va se diffuser dans tout l'Orient islamique, de la Mésopotamie au nord de l'Inde, du Tigre au Gange. Il perdurera jusqu'au XIXe siècle.

Le pire est à venir au XIIIe siècle avec le Mongol Gengis Khan qui saccage le pays comme le reste de l'Asie centrale), rase les villes et détruit les systèmes d'irrigation. L'un de ses descendants, Tamerlan, renoue avec les saccages. Lui-même et ses successeurs savourent néanmoins à Samarcande le raffinement de la civilisation persane.

- Splendeurs safavides (1501 à 1736)

L'Iran renaît avec Chah Ismaïl, un prince turc des bords de la mer Caspienne. Sa dynastie est dite safavide (ou séfévide) d'après un religieux mystique dont elle est issue, Safi al-Din.

Chah Ismaïl impose le chiisme comme religion d'État, au prix de violentes persécutions contre les sunnites. L'Iran marque dès lors sa différence envers les autres États musulmans...

La culture persane s'épanouit sous le règne d'Abbas 1er comme en témoignent les beaux monuments d'Ispahan, les tapis, les céramiques et les délicieuses miniatures de cette époque.

- Effacement et renouveau de l'Iran

En 1722, le pays, sur son déclin, est envahi par les Afghans de Kandahar, un peuple de langue persane mais de religion sunnite. Ispahan est saccagée et perd son statut de capitale.

Le souverain appelle à son secours un chef de bande du Khorassan. Celui-ci repousse les Afghans et finit par s'emparer de la couronne en 1736, prenant le nom de Nadir Chah. Il conquiert l'Afghanistan, bat les Moghols et dévaste Delhi. Mais il est assassiné le 19 juin 1747 par son neveu.

Après quoi, l'Iran sombre dans l'anarchie. En 1796, un chef turc s'empare à son tour du titre royal et fonde la dynastie Qadjar. Les temps sont rudes. Le pays et sa nouvelle capitale, Téhéran, végètent, sans administration digne de ce nom.

Émus par la défaite de la Russie face au Japon en 1905, quelques intellectuels nationalistes décident de se remuer. Ils imposent au souverain, le 6 août 1906, la convocation d'une assemblée nationale constituante. Un premier Parlement (Majlis) entre en fonction à la fin de l'année.

Las, c'est le moment où Anglais et Russes s'intéressent à l'Iran. Par l'accord du 31 août 1907, ils se partagent le pays en zones d'influence et mettent un terme à l'aventure libérale. Leur intérêt pour le pays s'accroît avec la découverte le 26 mai 1908 d'un gisement de pétrole !

- De révolution en révolution

Après la Première Guerre mondiale, un officier énergique restaure un semblant d'ordre avec le concours des Anglais. Il se fait couronner le 31 octobre 1925 sous le nom de Réza chah Pahlévi.

Grand admirateur du Turc Moustafa Kémal, il entreprend, comme lui, à marches forcées la modernisation de son pays. Pendant la Seconde Guerre mondiale, comme il refuse à l'Angleterre et à l'URSS d'acheminer du matériel à travers l'Iran, son pays est envahi le 25 août 1941 et lui-même doit abdiquer au profit de son fils Mohammed (22 ans).

En 1953, le premier ministre Mohammad Mossadegh, tente de nationaliser l'Anglo-Iranian Oil Company. C'est un fait sans précédent... Lorsque la crise pétrolière éclate en 1974 , après la guerre du Kippour, le chah est le premier à réclamer une augmentation des redevances versées aux pays exportateurs, reprenant à son compte le programme de Mossadegh !

En 1978 éclatent les premières manifestations de rues. Le clergé chiite, réfractaire à une modernisation trop hâtive, les attise habilement. Son principal représentant, l'ayatollah Khomeyni, prend la tête de la République islamique après la fuite du chah.

Dès lors, confrontée aux menaces extérieures, en premier lieu celle de l'Irak de Saddam Hussein, en second lieu celle des pays sunnites du Golfe Persique, la République islamique d'Iran va tenter d'assurer son droit à l'existence par tous les moyens, y compris en mobilisant les minorités chiites des autres pays de la région. -

Publié ou mis à jour le : 2021-08-19 11:52:22
HB78 (25-05-2017 21:12:20)

Bonjour
Vous ecrivez que lorsque l'empire musulman s'installe à Bagdad il s'imprègne de culture perse. Mais Bagdad n'est pas en Perse ? Si ?

Epicure (24-05-2017 17:31:39)

Enfin, la citation de la "Culture Persane" comme source de ce qu'une vaine propagande a appelé " Culture Arabe", des merveilles architecturales diffusées vers l' occident aux philosophie et dont l'... Lire la suite

HGD (24-05-2017 16:38:16)

Devant ce superbe article, le béotien que je suis, admire et remercie le "résumé" concis qu'il représente et n'a d'égal que la complexité historique politique et religieuse de cette région tro... Lire la suite

Pascal GONDRY (21-06-2016 15:55:04)

Bonjour André. Dans le panorama historique de l'Iran https://www.herodote.net/2500_ans_d_Histoire-synthese-218.php
et dans le paragraphe "Effacement et renouveau de l'Iran", l'expression "quelques intellectuels décident de se remuer" est incorrecte. "décident de réagir" serait plus convenable. Très cordialement. PG.

Jean Louis TAXIL (25-06-2013 12:26:21)

Quel article! Ignorer le monde perse, c'est ignorer la marche du Monde. Tôt ou tard, l'Iran sera un puisance nucléaire.Mieux vaut être réaliste, et si possible y collaborer en permettant de réali... Lire la suite

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