L'Âge d'or de la presse

1 - De la monarchie de Juillet à la Commune : des innovations décisives

« Nous sommes tous les enfants de la presse. » C'est Émile Zola qui dresse ce constat dans Le Figaro en 1881. Selon lui, les meilleurs écrivains de son temps ont été façonnés par le journalisme ou se sont fait connaître en publiant leurs œuvres dans les journaux.

C'est vrai : l'Âge d'or de la presse (1830-1930) commence avec la collaboration régulière des romanciers du XIXème siècle aux gazettes. Il s'inscrit dans le cadre d'un modèle économique innovant inventé par Émile de Girardin et qui durera, dans ses grandes lignes, jusqu'à la fin du XXème siècle.

Les journaux, litographie de Delpech d’après Louis-Léopold Boilly, BnF, Paris.

« La littérature industrielle »

La Presse, 1er juillet 1836, Gallica, BnF, Paris.Lorsqu'il lance La Presse, le 1er juillet 1836, sous le règne du « roi-bourgeois » Louis-Philippe 1er, de Girardin s'appuie sur une analyse simple : compte tenu des conditions politiques et des coûts techniques incompressibles, le développement des journaux ne peut résulter que d'une hausse du prix d'achat.

Or celui-ci est déjà élevé. En effet, en 1828, par exemple, l'abonnement au Journal des Débats coûte 80 francs par an, soit l'équivalent de plus de 400 heures de travail d'un ouvrier. Un prix prohibitif pour la très grande partie de la population.

Émile de Girardin (22 juin 1806 - 27 avril 1881), créateur du journal La Presse, photographie de Pierson d’après gravure, XIXe siècle, BnF, Paris.Seule solution pour favoriser l'essor de la presse : l'augmentation des recettes de publicité en faisant miroiter un plus gros tirage. Elle a pour avantage de réduire le coût de l'abonnement, principale entrave à la progression des ventes. Tel est le calcul de Girardin.

Afin d'attirer de nouveaux lecteurs, il a une idée qui s'avèrera de génie : le recours au roman-feuilleton. 

Ce pari audacieux, il le tente en publiant alors La Vieille fille de Balzac, puis un récit sicilien d'Alexandre Dumas, Pascal Bruno, ainsi qu'une nouvelle de Scribe. Et ça marche !

La Presse, 1er juillet 1836, détail, rubrique « Le feuilleton », Gallica, Bnf, Paris.Le prix de l'abonnement est divisé par deux. Girardin récolte 20 000 abonnés en dix-huit mois ! Les annonces publicitaires affluent parallèlement à l'accroissement du lectorat, ce qui permet au journal d'engranger des bénéfices.

Le Siècle, l'autre grand journal de l'époque, utilise le même procédé. Son tirage passe de 11 000 en 1837 à 37 500 en 1841. Le mécanisme de ce que Sainte-Beuve appellera la « littérature industrielle » est enclenché.

Le Petit Journal, Constantin Stoitzner (1863 – 1933),  Vienne.Alors que la part de la rubrique politique est réduite dans les publications qui s'engagent dans cette voie, le roman-feuilleton offre un centre d'intérêt nouveau et attire une cible supplémentaire de lecteurs. D'autant plus que la population ressent une forte appétence pour la presse.

Dès 1832, le docteur Sylvain Eymard écrit : « Magistrat, artisan, curé, bonne femme, écolier, tout le monde est affamé de nouvelles. On assiège les cercles, les cabinets littéraires et autres lieux où se lisent les feuilles publiques (…) Les journaux arrivent-ils ? On se précipite sur la table qu'ils surchargent ; on les mêle, on les fouille, on se les arrache. »

Ce témoignage contient sans doute une part d'exagération, mais il ne faut pas oublier que, deux ans plus tôt, la liberté de la presse remise en cause par Charles X a constitué une des causes de la révolution des Trois glorieuses fatale au roi.

Les écrivains, eux, voient dans le journal un vecteur supplémentaire pour faire connaître leurs œuvres et accroître leur notoriété. Tout le monde est gagnant !

Zola qui fut chroniqueur littéraire, dramatique, parlementaire et diffusera en feuilleton des œuvres des Rougon Macquart, écrira en faisant allusion au Petit Journal, la grande réussite de la presse populaire de la deuxième partie du XIXème siècle : « Je sais quel niveau cette feuille occupe dans la littérature mais je sais aussi qu'elle donne à ses rédacteurs une popularité bien rapide. »

Eugène Süe (26 janvier 1804 – 3 août 1857), François-Gabriel Lépaulle, 1835, musée Carnavalet, Paris.Le retentissement phénoménal des Mystères de Paris d'Eugène Sue, publié en feuilleton dans le Journal des Débats de juin 1842 à octobre 1843, restera comme un des événements marquants des histoires littéraire et sociale.

Roman de mœurs et d'aventures mettant en scène ces « classes laborieuses, classes dangereuses », cette œuvre habilement découpée en épisodes haletants introduit le peuple dans la littérature. Et le peuple s'y reconnaît.

La bourgeoisie se passionne également pour un monde qu'elle ignore (...).

Publié ou mis à jour le : 2020-05-28 15:46:57
Margane (02-10-2016 17:18:26)

Très intéressant, merci pour toutes ces précisions ,mais la presse reste un problème ! Comment expliquer son engagement abusif permanent ? La gauche nous entube avec le politiquement correct, avec sa moraline à vomir? Quand on est ni de droite ni de gauche ni extrémiste , mais avec une culture a priori correcte, un esprit critique positif, un bon sens recherché , un juste milieu! Elle est trop souvent de mauvaise foi et bien de ses membres peu recommandables! Il devrait exister une éthique que tous devraient respecter à établir par ses membres pour ne pas être taxe de censure!
GM

Margane (02-10-2016 17:18:26)

Très intéressant, merci pour toutes ces précisions ,mais la presse reste un problème ! Comment expliquer son engagement abusif permanent ? La gauche nous entube avec le politiquement correct, avec sa moraline à vomir? Quand on est ni de droite ni de gauche ni extrémiste , mais avec une culture a priori correcte, un esprit critique positif, un bon sens recherché , un juste milieu! Elle est trop souvent de mauvaise foi et bien de ses membres peu recommandables! Il devrait exister une éthique que tous devraient respecter à établir par ses membres pour ne pas être taxe de censure!
GM

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