Droit du sol, droit du sang

La citoyenneté dans l’Histoire

Comment peut-on être Français ? Étatsunien ? Allemand ? Les questions liées à la citoyenneté ont envahi le champ médiatique.

La citoyenneté par la filiation (droit du sang) était la règle dans l'Antiquité. Elle le demeure dans la plus grande partie du monde. L'Occident lui préfère aujourd'hui le droit du sol, installé à la fin du XIXe siècle en France.

Gardons-nous de tout anachronisme. Le « droit du sol » (en latin, jus soli), le « droit du sang » (en latin, jus sanguinis) et la double nationalité sont des notions qui remontent au XIXe siècle pour les deux premières, au XXe siècle pour la dernière (note).

André Larané

Réfugiés allemands en Prusse occidentale, archives fédérales allemandes, 1920.

Droit du sol, droit du sang : la citoyenneté dans l'Histoire

La citoyenneté dans l'Histoire (éditions Herodote.net)Vous pouvez retrouver l'ensemble de notre enquête sur un document pdf. Ainsi pourrez-vous l'imprimer, la lire plus à votre aise et la faire circuler.
Ce livre numérique de 32 pages (ebook) peut se lire sur tous supports (gratuit pour les Amis d'Herodote.net).

Citoyens de père en fils

L’idée d’appartenance à une nation est très récente et d’origine clairement européenne. L’Antiquité ne connaît ni nations ni nationalités mais seulement des cités avec des hommes libres, des esclaves et des étrangers. Seuls les premiers ont la qualité de citoyens, avec les privilèges juridiques et civiques qui s’y attachent, comme la participation à l’élection des magistrats de la cité.

La citoyenneté s’obtient donc très généralement par filiation, les hommes héritant du statut de leurs parents. Encore faut-il que les deux soient libres pour être soi-même libre. On ne plaisante pas là-dessus : le stratège Périclès, homme fort d’Athènes, se vit empêché d’obtenir la citoyenneté pour son fils car celui-ci était né de son épouse étrangère, Aspasie de Milet !

Cette jurisprudence va s’appliquer aussi à Rome. Même devenue un empire, la Ville demeure du point de vue juridique une cité à l'antique, avec des dépendances simplement plus vastes qu'à l'ordinaire. La citoyenneté romaine va s'étendre aux hommes libres d’Italie mais aussi aux légionnaires qui ont servi pendant au moins vingt ans et aux hommes libres assez riches pour l’acheter (ce sera le cas du géniteur de saint Paul de Tarse, à la fois juif et citoyen romain).

Portrait officiel de Caracalla, 212, détail d’un buste, musée du Louvre, Paris.Il en ira ainsi jusqu’au fameux édit de 212 par lequel l’empereur Caracalla étend la citoyenneté romaine à l’ensemble des hommes libres de l’empire.

On ignore le motif qui a conduit l'empereur à publier cet édit. Peut-être voulut-il de la sorte augmenter les recettes fiscales comme l'a prétendu l'historien Dion Cassius. Les citoyens étaient en effet assujettis à un impôt sur les successions. Mais rien ne vient corroborrer cette hypothèse.

Il n’est pas sûr en tout cas que cet édit, aussi connu sous le nom de Constitution antonine (Constitutio Antoniniana en latin), ait été apprécié de ceux qui étaient déjà citoyens comme de ceux qui avaient obtenu le droit de cité par leur travail et leurs mérites.

Toujours est-il que la qualité de citoyen romain qui faisait deux siècles plus tôt la fierté de saint Paul est désormais octroyée sans conditions...

La division ordinaire entre hommes libres, esclaves et étrangers va perdurer dans les siècles suivants, autour de la Méditerranée comme dans le reste de l’Eurasie. Mais elle disparaît en Europe occidentale, à l’aube de l’An Mil, du fait de la lente réforme des mœurs par l’Église ; du fait aussi de la stabilisation des populations par la fin des invasions, des migrations et des guerres extérieures, pourvoyeuses de captifs et d'esclaves.

L’Europe occidentale devient ainsi la première terre du monde sans esclaves. Un édit du roi de France Louis X le Hutin, le 3 juillet 1315, rappelle que « selon le droit de nature, chacun doit naître franc ». Officiellement, depuis cette date, « le sol de France affranchit l'esclave qui le touche ».

Si la distinction entre hommes libres et esclaves disparaît, par contre la distinction entre autochtone et étranger demeure prégnante dans les faits et le droit.

Depuis l’époque carolingienne, on désigne sous le nom d’« aubains » les personnes qui vivent dans une seigneurie sans y être nées. Lorsque l’une d’elles vient à mourir sans avoir d'héritier sur place, le seigneur lui-même s’approprie ses biens. C’est le « droit d’aubaine », d’où nous vient le mot  « aubaine » dans son sens actuel de bonne fortune. Ce droit va au fil des siècles être récupéré par le roi en personne avant de tomber en désuétude peu avant la Révolution française.

Illustration de l’extrait de l’édit du 3 juillet 1315 édicté par le roi de France Louis X le Hutin : « Selon le droit de Nature chacun doit naître franc ».

À tout roi son royaume et ses sujets

Aux Temps modernes, les souverains européens se soucient peu du lieu de naissance de leurs sujets pourvu qu’ils leur fassent allégeance, paient l’impôt et servent si besoin dans la milice, toutes choses qui exigent l’attachement au territoire. Ils préfèrent sans équivoque un étranger qui vit chez eux en bon et loyal contribuable à un sujet qui vit au-delà des frontières et sert un rival.

Ainsi, lorsqu'un enfant né à l'étranger de parents français décide de s’établir en France, il doit demander au roi une lettre de « déclaration de naturalité » pour confirmer sa qualité de Français, ce dont n’a pas besoin l'enfant né en France d'un parent étranger !

Cette primauté du territoire transparaît dans les arrêts juridiques relatifs aux successions.

Un arrêt du parlement de Paris, en date du 23 février 1515, reconnaît la qualité de « sujet du roi de France » à des enfants nés en France de parents étrangers, avec les droits conséquents en matière de succession. D’aucuns y voient aujourd’hui la première expression officielle du fameux « droit du sol » qui donne la citoyenneté à une personne née sur le territoire national.

C’est d’autant plus excessif que le 7 septembre 1579, un autre arrêt du parlement de Paris cité par Patrick Weil (note) accorde la « qualité de français » à une jeune fille née en Angleterre de deux parents français, avec le droit d’hériter qui s’ensuit, mais à condition de résider de façon permanente en France. Faudrait-il y voir en sens contraire la première expression officielle du « droit du sang » (en latin, jus sanguinis) qui lie la citoyenneté à la filiation ?

À vrai dire, le droit illustré par ces deux arrêts n’a rien à voir ni avec le droit du sol, ni avec le droit du sang. Il témoigne seulement de ce que dans les États en gestation au XVIe siècle, les droits et les devoirs de chacun découlent de son lieu de résidence et du souverain qui le gouverne.

Si l’on veut à tout prix le qualifier, appelons-le « droit du souverain » ou « droit territorial » pour le distinguer du « droit de cité » antique.

L’attachement au territoire est la clé de l’identité dans cette Europe occidentale épargnée par les invasions depuis l’An Mil. Il se manifeste d’un point de vue administratif par la création de l’état-civil. Ainsi l’ordonnance de Villers-Cotterêts du 10 août 1539 institue-t-elle en France l’obligation pour les curés d’enregistrer toutes les naissances de leur paroisse.

Dans la plupart des États, à l’exception des petites républiques helvétiques, la cohésion sociale est assurée par la fidélité à la dynastie régnante. Ce modèle perdure pour l’essentiel en Angleterre. Il va être bouleversé partout ailleurs sur le Continent par la Révolution française, elle-même fille de la Révolution américaine. Les sujets du roi vont se muter en citoyens.

Signature du Traité de Paris, Benjamin West, 1783. Le commissaire britannique ayant refusé de poser, le tableau ne fut jamais terminé. Traité signé entre les représentants des treize colonies américaines et les représentants britanniques. La Grande-Bretagne reconnaît l’indépendance des États-Unis.

Les Américains inventent le concept de Nation politique

Dans les Treize colonies anglaises d’Amérique du Nord, séparées du gouvernement central par un océan, le peuple a appris à s’auto-administrer par la force des choses. Quand il obtient son indépendance en 1783, c’est tout naturellement qu’il s’érige en Souverain de la nouvelle fédération, selon les préceptes de Jean-Jacques Rousseau. Les membres de ce peuple souverain deviennent des acteurs, autrement dit des citoyens, grâce au droit de vote et à la capacité de se faire élire.

Dès lors, le mot nation (du latin nascor, « naître ») ne désigne plus seulement les natifs d’une contrée (par exemple la nation picarde). Écrit avec une majuscule, il se confond avec le peuple souverain et son territoire. On va ainsi très vite parler de la Nation américaine.

Six ans après l’avènement des États-Unis d’Amérique, la Révolution débute en France avec l'élection des députés des états généraux. Ceux-ci se comportent en loyaux sujets du roi mais se reconnaissent immédiatement comme les représentants de la Nation et s’érigent le 17 juin 1789 en Assemblée nationale.

Les Français placent la Nation au-dessus des particularismes locaux

Le problème de la France est sa diversité. Bretons, Flamands, Provençaux, Alsaciens… gardent des traces de leurs anciens droits et privilèges. Leur ciment commun résidait jusque-là dans l’allégeance à la dynastie (comme aujourd’hui encore en Espagne, en Belgique ou au Royaume-Uni). Quelle légitimité peut avoir l’assemblée si elle entre en conflit avec le roi ou vient à le déchoir ?

Les députés vont donc s’efforcer de définir un lien de substitution, une citoyenneté qui transcende les différences provinciales et repose sur l’allégeance à la Nation et à ses valeurs « universelles ». C’est ainsi que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 s’adresse, dans son intitulé même, à l’humanité comme aux seuls citoyens français (elle y réussit très bien : ses 17 articles conservent encore, deux siècles après, une pertinence universelle).

L’acceptation de la Constitution de 1791. Illustration extraite de l’ouvrage d’Augustin Challamel, Histoire-musée de la République française, depuis l’assemblée des notables, Paris, Delloye, 1842.Logiquement, les députés s’appliquent d'abord à gommer les divisions héritées du passé avec la création des départements et la réforme de l’administration.

Là-dessus ils se trouvent confrontés à un problème pratique lié à l'attribution du droit de vote. Sur proposition du député Guy Jean-Baptiste Target, l'Assemblée adopte la loi des 30 avril et 2 mai 1790, dite « décret Target », concernant les conditions requises pour être réputé Français et pour être admis à l'exercice des droits citoyens actifs. 

Le texte énonce : « Tous ceux qui, nés hors du royaume de parents étrangers, sont établis en France, seront réputés Français et admis, en prêtant le serment civique, à l'exercice des droits de citoyen actif, après cinq ans de domicile continu dans le royaume, s'ils ont en outre, ou acquis des immeubles, ou épousé une Française, ou formé un établissement de commerce, ou reçu dans quelque ville des lettres de bourgeoisie, nonobstant tous règlements contraires, auxquels il est dérogé, sans néanmoins qu'on puisse induire du présent décret qu'aucune élection faire doive être recommencée, et sans entendre rien préjuger sur la question des Juifs, qui a été et demeure ajournée. »

Enfin, dans la rédaction de la première Constitution, celle du 3 septembre 1791 qui établira la Législative, les députés définissent la « qualité de Français »  : « sont citoyens français ceux qui sont nés en France d’un père français ; ceux qui, nés en France d’un père étranger, ont fixé leur résidence dans le royaume ; ceux qui, nés en pays étranger d’un père français, sont revenus s’établir en France et ont prêté le serment civique. »

Cette définition est proche des pratiques de l’Ancien Régime tout en reflétant l'émergence d'un droit nouveau, le jus soli (en latin, pour paraître plus sérieux et plus ancien)

En vertu de cette définition, des étrangers établis de longue date sur le territoire national sont réputés Français sans le savoir eux-mêmes et enrôlés en conséquence dans l'armée ! C'est tout bénéfice pour le gouvernement révolutionnaire en guerre avec l'Europe.

Dans leur générosité bien orientée, les députés prévoient aussi une procédure exceptionnelle de naturalisation : l’assemblée législative « pourra pour des considérations importantes, donner à un étranger un acte de Naturalisation, sans autre condition que de fixer son domicile en France et d’y prêter le serment civique ». Sur proposition du poète et député André Chénier, l’assemblée offre ainsi la naturalisation à quelques étrangers éminents « qui par leurs sentiments, leurs écrits et leur courage s’en sont montrés dignes » (décret du 26 août 1792). Finalement, seuls le Prussien Anacharsis Cloots et l’Américain Thomas Paine en bénéficieront ; le premier y gagnera d’être guillotiné.

« Ici on s’honore du titre de citoyen ». Exemple d’écriteau, datant de 1799, affiché dans les lieux publics pendant la Révolution française, BnF, Paris.Sept ou huit ans plus tard, le moment est venu de clore la Révolution. Bonaparte s’en charge par le coup d’État de Brumaire. Il décide de boucler les grandes réformes engagées par les révolutionnaires, en particulier le Code civil.

Le premier projet de texte contient les bases du droit moderne de la nationalité (note). Il est conforme au traditionnel jus soli selon le vœu du Premier Consul : tous les habitants du pays sont Français… et doivent donc obéissance au gouvernement.

Bonaparte expose ses vues sur la citoyenneté

Dans le Mémorial de Sainte-Hélène, Emmanuel de Las Cases rappelle avec des formules magnifiques les positions du Premier Consul :

[...]
En effet, les procès-verbaux du Conseil d’État nous ont transmis les improvisations du Premier Consul sur la plupart des articles du Code civil. On est frappé, à chaque ligne, de la justesse de ses observations, de la profondeur de ses vues, et surtout de la libéralité de ses sentiments.
C’est ainsi qu’en dépit de diverses oppositions, on lui doit cet article du Code : Tout individu né en France est Français. « En effet, disait-il, je demande quel inconvénient il y aurait à le reconnaître pour Français ? Il ne peut y avoir que de l’avantage à étendre les lois civiles françaises ; ainsi, au lieu d’établir que l’individu né en France d’un père étranger, n’obtiendra les droits civils que lorsqu’il aura déclaré vouloir en jouir, on pourrait décider qu’il n’en est privé que lorsqu’il y renonce formellement.
« Si les individus nés en France d’un père étranger n’étaient pas considérés comme étant de plein droit Français, alors on ne pourrait soumettre à la conscription et aux autres charges publiques les fils de ces étrangers qui se sont mariés en France par suite des événements de la guerre.
« Je pense qu’on ne doit envisager la question que sous le rapport de l’intérêt de la France. Si les individus nés en France n’ont pas de bien, ils ont du moins l’esprit français, les habitudes françaises ; ils ont l’attachement que chacun a naturellement pour le pays qui l’a vu naître ; enfin, ils supportent les charges publiques. »
Le Premier Consul n’est pas moins remarquable dans la conservation du droit de Français aux enfants nés de Français établis en pays étranger, qu’il fit étendre de beaucoup, en dépit de fortes oppositions. « La nation française, disait-il, nation grande et industrieuse, est répandue partout ; elle se répandra encore davantage par la suite ; mais les Français ne vont chez l’étranger que pour y faire leur fortune. Les actes par lesquels ils paraissaient se rattacher momentanément à un autre gouvernement, ne sont faits que pour obtenir une protection nécessaire à leurs projets. S’il est dans leur intention de rentrer en France quand leur fortune sera achevée, faudra-t-il les repousser ? Se fussent-ils même affiliés à des ordres de chevalerie, il serait injuste de les confondre avec les émigrés qui ont été prendre les armes contre leur patrie.
« Et s’il arrivait un jour qu’une contrée envahie par l’ennemi lui fût cédée par un traité, pourrait-on avec justice dire à ceux de ses habitants qui viendraient s’établir sur le territoire de la république, qu’ils ont perdu leur qualité de Français, pour n’avoir pas abandonné leur ancien pays au moment même où il a été cédé, parce qu’ils auraient prêté momentanément serment à un nouveau souverain, pour se donner le temps de dénaturer leur fortune et de la transporter en France ? »
Dans une autre séance sur les décès des militaires, quelques difficultés s’élevant sur ceux mourant en terre étrangère, le Premier Consul reprit vivement : « Le militaire n’est jamais chez l’étranger, lorsqu’il est sous le drapeau ; où est le drapeau, là est la France ! » (Las Cases, Mémorial de Sainte-Hélène, vol. 3, 12 mai 1816.

Le Code Civil exclut l'acquisition de la citoyenneté par le lieu de naissance

Le Tribunat éreinte le premier texte sur la citoyenneté quand il l’examine entre Frimaire et Nivôse de l’an X (novembre 1801-janvier 1802). Il critique en particulier l’attribution de la qualité de Français à quiconque est simplement né en France. Le tribun Siméon s’en fait l’écho quand il affirme : « le fils d’un Anglais peut devenir Français ; mais le sera-t-il par cela seul que sa mère, traversant la France, l’aura mis à jour sur cette terre étrangère ? La patrie dépendra moins de l’affection qui y attache… que des hasards de la naissance…  En Angleterre, tout enfant qui y naît est généralement sujet du roi… Cela se ressent de la féodalité, cela n’est point à imiter ».

La critique s’entend aujourd’hui à propos des Comoriennes ou des Brésiliennes qui vont accoucher à Mamoudzou (Mayotte) ou Saint-Laurent-du-Maroni (Guyane) afin que leur enfant bénéficie de la citoyenneté française et des avantages sociaux qui s’y rattachent.

Le premier projet de Code civil ayant donc été refusé par le Tribunat, l’avocat François Tronchet en reprend la rédaction. Au contraire de Bonaparte, il se montre désireux de remettre en selle le droit romain qui rendait possible sous l’Antiquité la transmission de la citoyenneté à sa descendance indépendamment du lieu de naissance.

- La citoyenneté est transmise par le père

Couverture originale du Code civil, 1804, Gallica, Bnf.Dans la version définitive du Code civil, le 21 mars 1804, la nationalité devient donc un droit de la personne et n’est plus liée au sol : elle se transmet par le père, comme le nom de famille ; elle est attribuée à la naissance et ne se perd plus si l’on transfère son domicile à l’étranger.

Qui plus est, le 6 avril 1809, un décret de Napoléon Ier instaure le principe de l’allégeance perpétuelle par lequel un Français ne peut renoncer d’aucune façon à sa nationalité avec les obligations qui s’y attachent. De cette façon, l’empereur veut dissuader les Français exilés à l’étranger de servir dans les armées ennemies.

Ces nouvelles dispositions reflètent ce qu’il est convenu d’appeler droit de la filiation ou droit du sang (jus sanguinis).

- Les résidents étrangers sont soumis à une autorisation de séjour

À l’encontre des étrangers résidant dans le pays, le Code civil rétablit le droit d'aubaine. Les étrangers peuvent y échapper à condition de solliciter et obtenir une « admission à domicile », ce que l’on appellerait aujourd’hui « autorisation de séjour ». Ils peuvent aussi suivre une procédure de naturalisation. Leurs enfants nés en France peuvent eux-mêmes réclamer la nationalité à leur majorité. Mais la plupart se satisfont de l'« admission à domicile » car ils échappent ainsi au tirage au sort pour le service militaire, lequel peut alors durer de 6 à 8 ans !

Le Code civil de 1804, rebaptisé Code Napoléon, va être adopté par les pays occupés par les armées napoléoniennes. C’est ainsi qu’en matière de citoyenneté, le jus sanguinis s'impose au XIXe siècle dans toute l'Europe, excepté l'Angleterre, le Portugal et le Danemark, restés fidèles au jus soli d’Ancien Régime.

Les différences entre le droit du sol et le droit du sang sont au demeurant anodines. Dans un cas comme dans l’autre, toutes les personnes ont par naissance ou par filiation la citoyenneté de l’État dans lequel elles vivent.

Font exception les rares personnes qui, au XIXe siècle, migrent d’un pays européen à l’autre. Le droit du sol et le droit du sang diffèrent dans les procédures de naturalisation de ces résidents étrangers et de leurs enfants nés sur le sol national. Dans le premier cas, l’enfant est naturalisé d’office ; dans le second cas, il conserve sa nationalité d’origine mais, s’il le souhaite, peut comme ses parents entamer une procédure lourde de naturalisation.

Le droit du sang ou droit de la filiation connaît en Allemagne une singulière extension avec la loi du 22 juillet 1913 « sur l’appartenance à l’État et à l’empire allemand » qui impose la citoyenneté par filiation tant aux habitants du pays qu’aux Allemands de l’étranger.
• C'est en vertu de cette loi que l'Allemagne fédérale s’est longtemps abstenue de naturaliser les enfants et petits-enfants des Turcs installés à demeure à la suite de l’accord germano-turc de 1961, les enfants de ces immigrants étant considérés comme relevant de la nationalité de leurs géniteurs.
• C’est aussi en vertu de cette loi que le chancelier Helmut Kohl a pu rapatrier d’URSS les Allemands de la Volga et leur donner immédiatement la nationalité allemande bien que la plupart de ces descendants de colons installés en Russie au XVIIIe siècle aient oublié la langue de Goethe.

Droit du sol contre droit du sang : naissance d’un mythe

Portrait de Johann Gottlieb Fichte (19 mai 1762 – 27 janvier 1814).En 1871, pour justifier l’annexion de l’Alsace-Lorraine, les Allemands arguent du caractère germanique et germanophone de sa population (à l’exception des Mosellans). Ils se réfèrent aux Discours à la nation allemande dans lesquels le philosophe Johann Gottlieb Fichte, en 1807-1808, présentait la citoyenneté comme une réalité indépendante de la volonté de l’individu et strictement liée à l’histoire, la langue et la culture.
En 1882, dans une conférence solennelle à la Sorbonne, Ernest Renan démonte point par point les arguments de Fichte sur le thème : Qu’est-ce qu’une Nation ? et conclut par une formule fameuse : « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n'en font qu'une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L'une est dans le passé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis (…). L'existence d'une nation est un plébiscite de tous les jours ».
Dans les décennies suivantes et jusqu’à l’aube du XXIe siècle, sur la base de ce conflit, les commentateurs français vont souligner et même exagérer l’opposition entre le droit du sang allemand copié du Code Napoléon, et le droit du sol rétabli en France par la loi de 1889 pour faire face aux contraintes nées de l’immigration.

Briquetiers originaires de Vénétie, dans le sud de la France (1920)

Des étrangers à défaut de berceaux

L’immigration, dès le milieu du XIXe siècle, va conduire la France à faciliter les procédures de naturalisation.

Dès avant la Révolution, en avance d’un siècle sur leurs voisins, les Français ont commencé à limiter leur descendance. Les conséquences s’en ressentent sous le Second Empire, quand le pays entre dans la révolution industrielle. Faute de main-d’œuvre en nombre suffisant, les industriels des régions frontalières vont recruter des bras dans les pays voisins, en Belgique, en Allemagne, en Suisse, en Italie… C’est le début d’une immigration de proximité qui va perdurer pendant un siècle, jusque dans les années 1960.

Une partie de ces travailleurs étrangers – la moitié environ – fait souche sur place. Mais ils se gardent de demander la nationalité française, afin d’éviter le service militaire. Leurs garçons participent comme les jeunes Français au tirage au sort et, s’ils tombent sur le mauvais numéro, font valoir leur qualité d’étranger pour échapper à la conscription. Ambiance... Les élus locaux obtiennent malgré tout par la loi du 7 février 1851 que soient d’office déclarés français les immigrés de la deuxième génération (enfants nés en France d’étrangers eux-mêmes nés en France). C’est ce qu’on appelle le « double » jus soli. Mais ces nouveaux citoyens gardent malgré tout la faculté de renoncer à leur naturalisation !

Au début de la IIIe République, l’immigration de proximité s’intensifie dans les départements frontaliers. En 1886, on compte 1,1 million d’étrangers (3% de la population totale), dont plus de 420 000 sont nés en France. La classe politique et l’opinion acceptent de plus en plus mal qu’ils échappent aux servitudes de la conscription, dans la perspective de la « guerre de revanche » contre l’Allemagne.

Par la loi du 26 juin 1889, les parlementaires durcissent celle de 1851 et déclarent français dès sa naissance, sans possibilité de renonciation, « tout individu né en France d’un étranger qui y est lui-même né ». Ils déclarent également français tout individu né en France de parents qui n’y sont pas nés, mais avec possibilité de renonciation à sa majorité. En outre, afin d’inciter les étrangers à demander leur naturalisation, les droits liés à l’« admission à domicile » sont limités à cinq ans.

La France va ainsi absorber sans trop de heurts les vagues d’immigration européenne. Nul ne se soucie de ce que les étrangers nouvellement naturalisés conservent leur nationalité d’origine. Ils en perdent naturellement le souvenir en une ou deux générations.

À la génération suivante, doublement affaiblie par la saignée de la Grande Guerre et une très faible fécondité, le gouvernement français relance la politique d’assimilation par la loi du 10 août 1927 en réduisant de dix à trois ans le délai nécessaire pour demander la naturalisation. Il se réserve la possibilité de déchoir un individu de la nationalité par voie judiciaire.

Il s’agit, selon le rapporteur de la loi au Sénat, de « franciser le plus possible d’étrangers attachés à notre pays, soit par la naissance (sur le territoire national), soit par les liens du sang (mariage) ; éviter cependant d’imposer notre nationalité à ceux chez lesquels la contrainte ne saurait créer l’attachement ; faciliter le plus possible la naturalisation ; garantir toutefois l’État contre les imprudences ou les abus résultant de décisions hâtives » (note).

Ces principes relèvent de l’évidente nécessité d’intégrer à la communauté nationale les étrangers, dès lors qu’ils se sont installés sur son sol avec l’intention d’y faire souche. Ils vont se prolonger jusqu’à la fin du XXe siècle avec des adaptations à la marge et quelques sautes d’humeur, notamment sous le gouvernement de Vichy, pendant l’Occupation.

Ces mêmes principes vont être progressivement adoptés par tous les pays ouest-européens après le tournant de 1974, qui voit la fécondité chuter et l’Europe devenir pour la première fois depuis mille ans une terre d’immigration. En Allemagne, ils sont mis en œuvre par une loi du 1er janvier 2000 qui abolit celle de 1913. Elle autorise la double nationalité, en particulier pour les immigrés turcs, désormais encouragés à prendre la nationalité allemande.

Aujourd’hui, en Europe de l’Ouest, il ne s’agit plus tant de débattre de la citoyenneté que de maîtriser l'immigration en s’assurant des motivations des personnes qui s’installent sur le territoire et en limitant le flux. Une fois acceptés et installés avec l’intention de faire souche, les immigrants sont de toute façon appelés à acquérir la citoyenneté de leur pays d’adoption.

Whites only ! (« réservé aux blancs »)

Ainsi qu’on vient de le voir, la citoyenneté est une invention des Européens, en lien avec l’apparition des États-Nations territoriaux. Mais outre-mer, confrontés à des populations dépourvues de structures étatiques et a fortiori d’état-civil, les Européens ont introduit par la conquête et la colonisation des formes très différentes de citoyenneté.

La Malinche et Cortès. Détail mural du collège San Ildefonso (00273), Huichol19, Mexique, 2005. La Malinche (ou Malintzin), appelée Dona Marina par les conquistadors espagnols, esclave amérindienne d’un cacique maya, devint en 1519, la maîtresse de Hernan Cortes avec qui elle eut un fils. Son rôle d’interprète et de conseillère fut déterminant dans la conquête espagnole du Mexique.Lors de la conquête de l’Amérique, au XVIe siècle, les conquistadors espagnols n’ont pas craint d’épouser des princesses aztèques ou incas dans les règles. Ils ont aussi très durement exploité les paysans indiens mais ceux-ci n’en étaient pas moins considérés comme des sujets du roi d’Espagne, au même titre que les paysans et les serfs de la péninsule ibérique.

Il n’y a jamais eu de barrière juridique entre les Indiens et les Européens et, quand les colonies espagnoles sont devenues indépendantes, le droit de vote s’est appliqué à tous les hommes libres, avec des critères de revenu (suffrage censitaire) mais sans distinction de race ou d’origine.

Rien de tel en Amérique du Nord !

Dans les Treize colonies anglaises, la colonisation n’a pas été le fait de guerriers mais de paysans. Ceux-ci ont occupé le territoire en chassant les Indiens devant eux. Conduits à s’auto-administrer, ils ont formé des communautés de citoyens responsables. Au terme de la guerre d’Indépendance, quand sont nés les États-Unis, il n’est donc venu à l’idée de personne de donner la citoyenneté aux Indiens, premiers habitants du pays.

C’est ainsi que le Naturalization Act du 26 mars 1790 offre généreusement la citoyenneté aux free white persons (« personnes libres blanches »), autrement dit aux immigrants européens de bonnes mœurs, sous réserve qu’ils aient deux ans de résidence dans le pays. Il exclut sans le dire les autres immigrants et surtout les esclaves et affranchis africains et les Indiens eux-mêmes.

Portrait de Henry Laurens Dawes (30 octobre 1816 - 5 février 1903).Ces derniers vont demeurer des non-sujets jusqu’à la fin du XIXe siècle, même après que les noirs auront été libérés et dotés de droits civiques.

C’est seulement en 1887 que le Congrès vote le Dawes General Allotment Act qui concède la nationalité aux derniers survivants des guerres indiennes, sous réserve qu’ils abandonnent leurs affiliations tribales.

On peut voir dans la loi de naturalisation étasunienne de 1790 la première apparition de la couleur de peau comme catégorie juridique. Cette loi est prolongée par celles de 1921 et 1924 qui instaurent des quotas d’immigration destinés à privilégier les immigrants ouest-européens. Elles ne seront abolies qu’en 1965, quand les États-Unis seront confrontés à la pression migratoire des Latino-Américains et notamment des wetbacks (« dos mouillés »), migrants clandestins traversant à la nage le Rio Grande, fleuve frontalier entre le Texas et le Mexique.

C’est donc par un énorme contresens que l’on assimile à un droit du sol la législation étasunienne qui refuse la citoyenneté aux autochtones mais l’attribue généreusement à des immigrants et à leurs enfants dès lors qu’ils ont la couleur de peau souhaitée. Il faudrait plutôt y voir un « droit de la couleur » ou « de la race ».

Calvin Coolidge, 30e président des Etats-Unis (2 août 1923 – 4 mars 1929) avec des membres de la tribu des Osages lors de la signature de l’Indian Citizenship Act, National Photo Company, Library of Congress, 1924.

Citoyens à la carte

Ce « droit de la race », né à la fin du XVIIIe siècle aux États-Unis, se banalise à la fin du XIXe siècle, quand l’Europe domine le monde par la puissance de ses idées, de son industrie et de ses armes. Nul ou presque ne conteste alors la supériorité de l’homme blanc et sa vocation à « civiliser les races inférieures » selon une formule de Jules Ferry, héraut de la gauche française, républicaine et laïque.

Dans les colonies anglaises de peuplement ou d’exploitation, la distinction entre indigènes et citoyens de la puissance occupante coule de source. Elle s’applique aux Indes comme au Canada, en Australie et en Afrique australe. Mais elle s’applique aussi dans les colonies françaises après 1870.

C’est un revirement majeur par rapport à la période antérieure : les habitants des quatre communes françaises du Sénégal avaient été faits français par la loi du 24 avril 1833 et les indigènes des cinq comptoirs indiens (Pondichéry, Karikal…) s’étaient vus accorder les droits civiques par un décret du 5 avril 1848 (note).

En Algérie, il n’est plus question comme sous le Second Empire de constituer un « royaume arabe » autonome. En dépit de sa démographie asthénique, la République française ambitionne d’européaniser le territoire. Elle offre d’office la citoyenneté aux juifs, qu’elle a l’espoir d’assimiler très vite, et encourage l’installation et la naturalisation de colons espagnols, italiens et maltais ainsi que de réfugiés d’Alsace-Lorraine, tous ayant l’avantage d’être Européens et aisément assimilables.

Par contre, le gouvernement maintient les musulmans dans le statut d’indigène institué par le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 et leur accorde du bout des lèvres le droit à la citoyenneté sous réserve de renoncer au droit coranique (polygamie, répudiation…). Dans les faits, ainsi que le rappelle Patrick Weil, l’administration multiplie les obstacles à la naturalisation y compris pour les quelques milliers de Kabyles qui ont choisi de se convertir au christianisme !

Ce n’est qu’avec les décolonisations que seront dénouées les injustices nées de l’indigénat, tant en Algérie que dans les autres colonies européennes.

Inclassable droit ottoman

Aux portes de l’Europe, l’empire ottoman tente de se constituer en État moderne tout en cultivant une approche originale de la citoyenneté, consécutive de sa diversité religieuse et culturelle. Les minorités orthodoxe, arménienne, catholique, juive… sont constituées en communautés appelées millet en arabe (millyet en turc). Ces communautés ont leur propre droit civil, leurs tribunaux et leurs collecteurs de taxes. Elles ont un chef qui les représente auprès du sultan.

Assmilable à un droit de la filiation absolu, le système des millet permet au sultan, adossé à la force militaire, de se poser en arbitre et garant de la paix civile. Mais il enferme les individus dans leur communauté. La Turquie ottomane est un empire multiculturel qui ne connaît pas de citoyens.

Didar-i Hürriyet Kurtariliyor, la Liberté sauvée, 1908. Carte postale ottomane célébrant la remise en vigueur de la constitution du 23 décembre 1876. Elle représente le sultan Abdul-Hamid et les différents millets de l’empire (Turcs avec les drapeaux rouges, Arabes avec les drapeaux verts, Arméniens, Grecs) ainsi que la Turquie se relevant de ses chaînes. L’ange symbolisant l’émancipation porte une écharpe avec les mentions : «Liberté, Égalité, Fraternité» en turc et en grec.

Citoyens par exclusion

Il y a un siècle, les États indépendants étaient à peine plus d’une cinquantaine et la très grande majorité relevaient de la civilisation européenne. Avec la vague de décolonisation ont émergé plus d’une centaine de nouveaux États avec des préoccupations très différentes en matière de nationalité et de citoyenneté.

Dès le début du XXe siècle, les nationalistes turcs ont ébauché une citoyenneté par exclusion, fondée sur l’appartenance linguistique, raciale et religieuse. Elle s’est traduite par le premier génocide de l’Histoire moderne, en 1915, contre les Arméniens, puis par le premier nettoyage ethnique, en 1923, avec l’expulsion des Grecs et l’accueil des Turcs de Grèce.

D’État multiculturel et communautaire en 1914, la Turquie est devenue un siècle plus tard l’un des États les plus homogènes du bassin méditerranéen, avec 98% de musulmans déclarés et seulement « l’inconvénient » d’une minorité kurde qui soucie le président Erdogan.

Poussée jusqu’à l’absurde, la citoyenneté par exclusion a conduit aux horreurs nazies. En Afrique du sud, avec la victoire électorale du Parti national, le 26 mai 1948, elle a produit le régime de l’apartheid, avec l’objectif à terme d’un territoire propre à chaque composante ethnique du pays.

Ce régime s’est effondré avec l’accession à la présidence de Nelson Mandela, le 10 mai 1994. Mais les clivages raciaux demeurent prégnants et le nouveau régime se montre aussi brutal que le précédent à l’égard des immigrés venus de toute l’Afrique travailler dans les mines et les fermes. C’est par dizaines de milliers et par trains entiers qu’ils sont expulsés à chaque crise économique. Qualifiés de « barbares » par la population, ils sont aussi victimes de violences xénophobes (plusieurs dizaines de morts en 2008) (note).

Le sort des immigrés économiques est également difficile en Arabie séoudite et dans les émirats du Golfe où ils représentent jusqu’à 80% de la population. Originaires du sous-continent indien ou des Philippines, ils n’ont aucun espoir d’intégration, tout juste celui de revenir dans leur pays en bonne santé. Il en va de même pour les travailleurs non qualifiés du sous-continent qui travaillent à Singapour, où ils constituent 30% des cinq millions d’habitants.

Les réfugiés de guerre ne sont pas mieux lotis dans les pays mitoyens des zones de conflits qui sont dans l’obligation de les accueillir. Le cas le plus célèbre et le plus ancien concerne les réfugiés palestiniens de 1948. Ils ont été près de 800 000 à fuir Israël. Avec leurs descendants jusqu’à la troisième génération, ils sont aujourd’hui cinq millions à végéter dans les camps frontaliers.

Réfugiés palestiniens lors de l’exode de 1948.

Si les immigrés sont rarement bien accueillis dans les nouveaux États-Nations, ceux-ci n’en demeurent pas moins attentifs au sort de leurs ressortissants exilés.

Les diasporas font régulièrement l’objet de traités internationaux entre leur pays d’origine et les principaux pays d’accueil, en vue de protéger leur droit au retour (pays du Golfe), faciliter l’exercice de leur religion et la pratique de leur langue (France) etc.

Plusieurs États revendiquent un jus sanguinis étendu sur le modèle allemand de 1913. Il est à l’origine de crises périodiques car il met en exergue les anomalies induites par la double nationalité. On l’a vu par exemple en 1982 quand l’Algérie a appelé les jeunes Franco-Algériens à faire leur service militaire dans son armée en vertu de leur double nationalité. Plus récemment avec un accord entre le Maroc et la France pour que cette dernière valide la répudiation d’une épouse par son mari franco-marocain, en conformité avec le droit marocain.

Le Japon est un cas original. En 1952, il a déchu de leurs droits civiques les Coréens installés de longue date sur l’archipel, malgré leur haut degré d’assimilation. Il a plus tard envisagé le retour dans la mère-patrie des descendants des colons japonais installés au Brésil. Il y a vite renoncé, leur assimilation à la culture japonaise dont ils avaient tout oublié s’avérant trop difficile. Bien que souffrant d’une très faible natalité et malgré d’importants besoins de main-d’œuvre, le pays se refuse à accueillir des immigrés en nombre, encore plus à les naturaliser, par crainte de fissurer l’ordre social.

Ainsi, de quelque côté que l’on se tourne, dans la plus grande partie de la planète, la filiation demeure le principal mode de transmission de la citoyenneté.

Les débats byzantins sur le « droit du sol » et le « droit du sang » demeurent l’apanage de l’Europe occidentale, de l’Amérique du Nord et de l’Australie. Ces pays représentent 900 millions à un milliard d’habitants ; c’est un peu moins de 15% de la population mondiale. Ils ont fait le choix, à la fin du XXe siècle, d’accueillir et naturaliser en nombre des travailleurs de tous horizons pour les besoins de leurs économies.

Confrontés aux difficultés croissantes de leur intégration, ils cherchent à y remédier en accélérant leur naturalisation et celle de leurs enfants. Parmi les principaux outils utilisés à cet effet figurent le droit de vote des étrangers aux élections locales (note) et le « droit du sol » dont bénéficient automatiquement les enfants étrangers nés sur le sol national.

Bibliographie

Nous recommandons l’ouvrage de l’historien Patrick Weil : Qu’est-ce qu’un Français ? Histoire de la nationalité française depuis la Révolution (Grasset, 2002). Il aborde la citoyenneté sous l’angle français, de manière argumentée et claire, mais évoque aussi le cas allemand.

À lire également État, Nation et immigration de l'historien Gérard Noiriel (Belin, 2001). Ce recueil d'articles publiés entre 1996 et 2001 offre par-dessus tout un point de vue inédit sur l'émergence du concept de Nation.

Publié ou mis à jour le : 2023-06-19 15:17:37
Balto le Marocain (30-08-2016 19:34:38)

Analyse passionnante. Merci
N'y a t-il pas une coquille:
" Mais elle disparaît en Europe occidentale, à partir du Xe millénaire, à l’aube de l’An Mil". Ne serait-ce pas Xe siècle?

momon (29-08-2016 16:29:48)

Merci monsieur Joseph Savès pour votre excellent article, qui peut donner à tout un chacun le loisir de mieux comprendre les fondements des moeurs et coutumes qui régissent notre Nation, la FRANCE.
Vous avez prit soin de ne pas aborder Le caractère religieux d'un nombre conséquent des immigrés qui vivent sur notre sol ou qui souhaitent s'installer dans notre pays, la France.
Il me paraît pourtant essentiel d'en tenir compte, sachant que la particularité des règles qui régissent la religion musulmane, l'Islam sont peut compatibles avec celles du christianisme. Il est donc urgent que l'on ne prennent plus nos concitoyens respectueux des lois de la République et de la laïsité pour « des bon-chrétien », car de bonne poire il ne sauraient le rester indéfiniment.
Il n'est que de se souvenir de la période des croisades (y comprit celle des Albigeois) ou des guerres civiles résultant de la Réforme et du Protestantisme, puis plus tard, suite à l'abolition par Louis XIV de l'Édit de Nantes, qu'avait judicieusement instauré son grand-père Henri IV conduisant bon nombre de protestant à s’exiler vers les Etats-Unis, l'Alemagn, l’Angleterre ou ailleurs pour n'avoir pas à en revivre de semblables..
Peut-on croire qu’un épisode aussi dramatique puisse resurgir en France ? 
Sinon de trouver, pour essayer de l'éviter, un groupe de musulmans assez important puissant et volontaire pour y apporter des réformes qui devront inévitablement être entreprises pour donner à un Islam moderne de sauter dans le XXIème siècle et vivre en harmonie avec les lois démocratiques entres Hommes et Femmes, de notre pays, sans pour autant interférer dans leur pratique religieuse, qui doit rester du domaine strictement privé sans faire supporter à autrui les signes ostentatoires qui en rappelent le sens en public ou d'en utiliser les sens comme une arme politique de conquête.
Ce respect devant être appliqué par tous sans dérogation possible.
S'il faut une loi, pourquoi pas ? À condition qu'elle soit respectée par tous sans possibilité dérogatoire. Ce qui est trop souvent le cas en France.

Boutté (28-08-2016 16:08:33)

Survolant le sujet ,l'article s'oblige à l'à peu près. Ainsi voir les USA se construire avec la philosophie de Rousseau qui vantait le"bon sauvage"me parait scabreux.La nationalité se mérite (s'en montrer digne)et ne peut donc être double puisqu'elle conduit à servir. Tout changement de nation implique l'attachement au pays choisi et non le seul bénéfice envisagé. Le droit du sol est pensé comme un devoir : Ne croirait-on pas que sol et soldat ont la même éthymologie ?

LEFEVRE (28-08-2016 13:21:05)

Bonjour,
Je suis surprise de lire au début de cet article fort intéressant que l'Europe occidentale devient à partir de l'An Mil "la première terre sans esclaves": les serfs étaient "non-libres",et le système a duré bien au-delà de l'An Mil, et l'esclavage des Noirs n'a été aboli qu'au XIX°s. Il est vrai qu'ils étaient employés dans les Colonies pour la plupart, mais le "Commerce Triangulaire" était florissant du XVI° au XIX°S.et a enrichi des ports européens. Peut-être ai-je mal lu l'article, ou mal compris ? En ce cas excusez-moi.

jeanne (28-08-2016 12:15:02)


Bonjour..
Merci pour cet article

il ne s'agirait pas de dénatalité ?
"Bien que souffrant d’une forte natalité"

Cordialement

PLUM9 (28-08-2016 12:00:12)

Et aujourd'hui ?
En france fleurisent les associations qui militent pour un "service civique" reposant sur un volontariat ou une sélection (tous critères de divisions).
Nous proposons "SCOUP" (Service Citoyen Obligatoire Univeesel Personnalisé ):site; scoupfrance.org-mail : scoupfrance1@orange.fr
Pour faire court,la citoyenneté est un droit (...) le civisme est un comportement....
L'obligation est de l'ordre moral et fait partie dela citoyenneté.
A vos reflexions. Salut et fraternité.
Plum9

PLUM9 (28-08-2016 12:00:04)

Et aujourd'hui ?
En france fleurisent les associations qui militent pour un "service civique" reposant sur un volontariat ou une sélection (tous critères de divisions).
Nous proposons "SCOUP" (Service Citoyen Obligatoire Univeesel Personnalisé ):site; scoupfrance.org-mail : scoupfrance1@orange.fr
Pour faire court,la citoyenneté est un droit (...) le civisme est un comportement....
L'obligation est de l'ordre moral et fait partie dela citoyenneté.
A vos reflexions. Salut et fraternité.
Plum9

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net