Madrid

Le caprice d'un roi

Madrid est en ce début du IIIe millénaire une agglomération bruyante de six millions d’habitants qui fait d’elle la troisième capitale d’Europe, derrière Paris et Londres, loin devant Berlin et Rome.

Au cœur de la Nouvelle Castille, glaciale en hiver, torride en été, sur un plateau sec à 600 mètres au-dessus du niveau de la mer, elle est aussi la capitale la plus haute d’Europe et la seule qui ne soit pas installée sur un fleuve. Elle n’est traversée que par un petit affluent du Tage, le Manzanares.

La pradera de San Isidro (Francisco de Goya, 1788, musée du Prado), de gauche à droite, le pont de Ségovie sur le Manzanares, le Palais Royal et  la coupole de Saint-François

Capitale improbable

Madrid, qui n'était encore il y a un demi-millénaire qu'une bourgade sans importance, doit son exceptionnel destin à un monarque absolu, le roi Philippe II de Habsbourg, fils et successeur de Charles Quint.

Philippe II d'Espagne (Sofonisba Anguissola, 1565, musée du Prado, Madrid)Il décide en 1561 d’abandonner ses deux résidences habituelles, Valladolid, en Vieille-Castille, et Tolède, en Nouvelle-Castille, pour cette bourgade de 20 000 habitants, à soixante-dix kilomètres au nord de Tolède.

Pourquoi ce choix ? Peut-être pour échapper à l’emprise du clergé et de la bourgeoisie de Tolède et Valladolid, ses deux précédentes capitales, peut-être aussi pour complaire à sa jeune épouse Isabelle de Valois, nostalgique des châteaux de la Loire entourés de vastes domaines de chasse.

La découverte du patrimoine culturel de Madrid, d’une extraordinaire richesse, peut se faire pour l’essentiel à pied. La ville historique s’inscrit en effet presque entièrement dans un triangle d’un à deux kilomètres de côté, dont les pointes sont la gare d’Atocha et le musée de la reine Sophie, le musée du Prado et le musée Thyssen, le Palais royal, la Puerta del Sol et la Plaza Mayor.

Le centre historique de Madrid (d'après une vue aérienne de Google Earth)

Petite ville deviendra grande si le roi le veut

La chronique rapporte que Madrid serait née vers 880, quand l’Espagne centrale et méridionale était partagée entre plusieurs petits royaumes arabes. L’émir de Tolède Mohammed 1er avait alors fondé une forteresse sur le Manzanares afin de protéger sa capitale. Son nom pourrait venir d’une expression arabe qui signifie « abondance d’eau ».

Deux siècles plus tard, en 1085, le roi de Castille et de Léon Alphonse VI s’empare de Tolède et des cités environnantes, dont Madrid mais il faut encore un demi-siècle avant que les musulmans ne soient définitivement évincés de la région par la victoire d’Alphonse VII à Villarubia de los Ojos.

La ville commence à grandir autour des remparts et Alphonse VIII lui accorde ses premiers privilèges en 1202. Elle se dote de nombreux monastères (elle en aura une cinquantaine au XVIIe siècle et le double d’églises et de chapelles) Le plus célèbre de ceux-ci, toujours visible, est le somptueux couvent des Déchaussées royales, fondé en 1557 par Jeanne d'Autriche, soeur de Philippe II, près de la Puerta del Sol.

Escalier monumental du Couvent des Déchaussées royales, Convento de las Desclazas reales (Madrid), DR

La ville accueille aussi de temps à autres les Cortes, autrement dit les états généraux de Castille. Les souverains, qui apprécient son climat et son environnement boisé, s’y rendent en villégiature pour des parties de chasse.

Au début du XVIe siècle, les Rois Catholiques y rendent la justice dans l'Alcázar et le cardinal Cisneros y établit le siège de sa régence en 1516, à la mort de Ferdinand 1er, en attendant l’avènement de son petit-fils Charles 1er d’Espagne, le futur Charles Quint.

Madrid participe au soulèvement des « comuneros » en 1520 contre ce dernier quand il a voulu extorquer des impôts aux Castillans pour financer son élection à la tête du Saint Empire romain germanique. Sous la conduite de Juan de Padilla, les « comuneros » s'emparent brièvement de la ville avant de se soumettre.

Vue anonyme de l'ancien Alcazar royal et du pont de Ségovie sur le Manzanares, vers 1670 (musée Soumaya, Madrid)Cinq ans plus tard, Madrid a le douteux honneur de recevoir le roi François 1er après sa capture à Pavie. Il est emprisonné durant un an dans la Tour de los Lujanes jusqu’à la signature du traité de Madrid.

Enfin, on l’a vu, le destin de Madrid bascule de façon inopinée avec l’installation de la chancellerie royale en 1561 Le roi lui-même s'installe dans l'Alcázar que son père avait commencé à restaurer. L’année suivante, sans que nul ne s’en doute, elle voit naître un enfant qui deviendra l’un des plus grands poètes de langue espagnole, Felix Lope de Vega.

Mais rien n’est encore écrit. Philippe II, encore hésitant, juge Madrid trop agitée. Il décide en 1563 de construire une nouvelle résidence royale à soixante kilomètres au nord-ouest, dans une belle région vallonnée et boisé, près du village de L’Escurial. Le futur palais, associé à un monastère, est dédié à Saint-Laurent (San Lorenzo de El Escorial).

En attendant, la Cour prend ses aises à Madrid, que l’on commence à désigner comme la Villa y Corte (la « Ville et la Cour »). À partir de 1570, les Cortes s'y réunissent presque sans interruption et en 1578 y naît un premier souverain, le futur Philippe III.

Madrid voit sa population tripler en une génération. Elle se développe autour de la Puerta del Sol, une ancienne porte de la ville devenue place centrale. Va-t-elle enfin prendre l’avantage sur Tolède ? Rien de moins sûr. En 1580, suite à la mort du jeune roi Sébastien, le roi Philippe II s’empare de la couronne du Portugal et s’établit à Lisbonne. Mais il va y rester seulement trois ans avant de regagner la Castille et l’Escurial dont la construction vient de s’achever...

Publié ou mis à jour le : 2018-11-27 10:50:14
Francis Durner (05-10-2016 10:09:07)

Merci grâce à cet article ma prochaine visite d'une grande cité européenne sera Madrid

gleaston@intnet.mu (18-08-2016 19:54:21)

Voila un dossier solide et fort instructif! J'ai pris autant de plaisir a decouvrir la riche histoire de Tolede.Bravo!

Erik (18-08-2016 11:31:59)

Madrid n'est pas la seule capitale d'Europe à n'être pas traversée par un fleuve. C'est aussi le cas de Bruxelles que traverse une rivière nommée Senne (Zenne en néerlandais) ainsi qu'un canal artificiel.

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