Claude (10 av. J.-C. - 54)

Un bègue empereur malgré lui

Le 24 janvier de l'an 41 de notre ère, des prétoriens normalement chargés de protéger l'empereur assassinent celui-ci dans un sombre couloir. Il est vrai que leur victime n'a rien d'un perdreau de l'année. En cinq ans de règne, Caligula (28 ans) s'est signalé par des excentricités innombrables. 

Maîtres de l'empire, les prétoriens s'en trouvent bien embarrassés. Ils courent en tous sens dans le palais impérial cependant que, réunis en urgence, les sénateurs se disposent à abolir le principat augustéen (l'empire) et rétablir la République.

Voilà que, soulevant une tenture, un soldat découvre l'oncle de l'empereur défunt, Claude (50 ans). Tremblant de subir le même sort que le restant de sa famille, celui-ci s'apprête à se jeter aux pieds du prétorien mais quelle n'est pas sa surprise quand les prétoriens le conduisent respectueusement à leur camp. Là, les soldats acclament Claude et le hissent à la tête de l'empire, sans doute convaincus par les généreux cadeaux dont il s'est empressé de les doter...

Jusque-là, il avait été d'usage qu'à la mort de l'empereur, le successeur pressenti se présente devant le Sénat, que celui-ci lui propose l'empire et qu'il le refuse avec une feinte humilité une fois ou deux avant de se résigner à son destin ! Une fois investi par le Sénat, il appartenait d'aller quérir le soutien de l'armée, autrement dit de la garde prétorienne. Cette fois donc, l'ordre des choses est inversé. C'est la garde prétorienne qui désigne l'empereur et le Sénat qui valide ce choix faute de pouvoir faire autrement. 

Honnête gestionnaire

Claude (Tiberius Claudius Nero ; Lyon, 1er août -10 ; Rome, 13 octobre 54), musée nationale de Naples Frère cadet de Germanicus, le père de Caligula, Claude est, par son père Drusus, le petit-fils de Livie, femme d'Auguste. Par sa mère Antonia, il est aussi le petit-fils d'Octavie, soeur d'Auguste, et de Marc Antoine. Il est donc à la fois de la lignée d'Auguste et de celle de son rival, Marc Antoine !

Né à Lyon, capitale des Gaules, il resta toujours attaché à sa ville natale. C'est ainsi qu'en 48, par un fameux édit dont on conserve deux fragments au musée gallo-romain de Lyon, les Tables claudiennes, il permit aux notables gaulois d'entrer au Sénat de Rome !...

Claude est intelligent et cultivé, passionné par les études historiques sur les Étrusques et les Carthaginois. Mais il est physiquement disgrâcié et souffre d'un grave bégaiement qui l'a tenu longtemps à l'écart des responsabilités et peut-être lui a évité d'être éliminé lors des purges de Caligula.

Une fois au pouvoir, il se montre toutefois bon gestionnaire, soucieux avant tout de renouer avec les traditions romaines.

À la différence de ses prédécesseurs Caligula et Tibère, il se montre bienveillant avec le Sénat. Il restaure les anciens cultes et notamment les mystères d'Éleusis pour remplacer ceux d'Isis, célèbre les jeux séculaires, combat les superstitions étrangères et chasse de Rome les astrologues orientaux, les druides et les juifs.

Il renforce aussi la cohésion de l'empire en étendant le droit de cité aux notables provinciaux et notamment, on l'a vu, aux Gaulois. Il repousse enfin les frontières en complétant la conquête de la Bretagne (en fait la Grande-Bretagne actuelle). Il annexe aussi la Mauritanie, la Lycie et la Pamphilie (en Asie Mineure), la Judée et la Thrace.

Dans la pratique du pouvoir, Claude fait appel à des affranchis qui se montrent exclusivement dévoués à sa personne. Polybe, Narcisse, Callistus ou encore Pallas se répartissent la gestion des secrétariats. Ainsi se met en place une bureaucratie centralisée de caractère monarchique.

Accro au mariage

Claude fut toutefois moins heureux en ménage. De sa première femme, il a une fille qu'il fait exposer, la soupçonnant d'être le fruit d'un adultère ! Bien entendu, il répudie cette première épouse et également la seconde. Mais c'est pour épouser Messaline. Il a alors 48 ans et sa nouvelle épouse... 14. Le couple aura deux enfants, Octavie et Britannicus.

MessalinePetite-fille d'Antonia la Jeune, Messaline est mignonne, certes, mais aussi avide de pouvoir, d'argentet d'amour. Elle témoigne de mœurs extrêmement libres comme beaucoup de matrones de la haute société romaine de cette époque et multiplie les amants, souvent esclaves ou affranchis, qui n'ont pas intérêt à repousser ses avances.

Sa réputation est vite faite. Pour les chroniqueurs de l'époque, elle est la « putain impériale », une nymphomane qui n'hésiterait pas à se prostituer dans les lupanars du Trastevere (de l'autre côté du Tibre). Et gare aux rivales ! Lorsque Poppée, mère de l'empereur, ose lui enlever un beau danseur, elle se débrouille pour les pousser tous deuxau suicide. Son extravagance est telle qu'elle va même jusqu'à accepter de se marier avec un amant, profitant de l'absence de l'empereur. Cette fois, elle est allée trop loin ! Les affranchis, craignant pour leur vie, convainquent l'empereur de la mettre à mort. Claude ordonne qu'elle soit poignardée, mettant ainsi fin à un parcours pour le moins peu exemplaire.

À nouveau veuf, Claude, qui approche de la soixantaine, se met en tête de se remarier une quatrième fois. Son affranchi Pallas lui présente sa maîtresse Agrippine la Jeune. De vingt-six ans plus jeune que l'empereur, elle est la soeur du défunt Caligula. Mariée une première fois, elle a un fils, Néron.

Le vieil empereur va très vite tomber sous la coupe des amants terribles. Dans le désir de livrer l'empire à son fils unique, Agrippine obtient pour son fils la main d'Octavie, fille de Claude. L'union est célébrée en 53 mais ne sera jamais consommée. Puis elle convainc Claude de l'adopter et fait éloigner Britannicus, le propre fils de l'empereur. La même année, elle se fait attribuer par le Sénat le titre prestigieux d'Augusta que seule avait possédé jusque-là Livie, l'épouse d'Auguste.

Mais l'empereur finit par s'inquiéter de ses agissements. Il désigne Britannicus comme son héritier. L'apprenant, Agrippine le fait empoisonner dans la nuit du 12 au 13 octobre 54. Elle convainc ensuite la garde prétorienne de porter son fils Néron à la tête de l'empire et, pour cela, offre aux soldats une coquette somme d'argent, selon ce qui va devenir une (mauvaise) habitude.

Isaulde Haymante
Publié ou mis à jour le : 2021-08-04 17:09:33

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