Poils et barbe

Des Prophètes à Barbe-Noire, que d'histoires !

Il suffit de se promener dans les rues de Paris et notamment - en janvier 2016 - aux alentours du ministère de l'Économie pour le remarquer : le poil est de retour !

Ce nouveau béguin, qui donne de la maturité aux visages juvéniles, n'est qu'une étape de plus dans une histoire longue et particulièrement touffue. Penchons-nous de près sur cet accessoire de séduction masculine.

Isabelle Grégor

Raphaël, Platon et Aristote, détail de L’École d’Athènes, 1509-1512, Rome, musées du Vatican

La barbe à laquelle il ne faut pas s’accrocher…

Le Père Noël, couverture du magazine Harper’s Weekly, 1894Bien sûr, c’est celle du père Noël ! Il l’aurait héritée de saint Nicolas qui, en tant qu’évêque du IIIe siècle, avait une fort belle toison certainement blanche, symbole de sagesse et de bonté. N’avait-il d’ailleurs pas ressuscité des enfants ? Il devint logiquement le protecteur des plus jeunes et acquit une immense popularité dans les pays germaniques qui le fêtent toujours le 6 décembre.

Arrivé dans le Nouveau Monde dans les bagages des migrants hollandais du XIXe siècle, il est renommé Santa-Claus (déformation du néerlandais Sinter-Klaas) et apparaît sous diverses apparences, vieil homme ou lutin.

C’est en 1931 qu’il prend son aspect définitif de grand-père bienveillant grâce au talent de Haddon Sundblom. Celui-ci, jusque-là connu pour ses dessins de pin-up, est à la recherche d’un personnage attachant pour faire la publicité de Coca-Cola. Il va s’inspirer des représentations déjà existantes d’un vieux barbu débonnaire, en lui associant les couleurs symboliques de la marque. Cette création géniale va nourrir de façon incroyable la légende du père Noël, qui va certainement continuer longtemps à envahir pacifiquement nos mois de décembre.

Nos ancêtres velus

Figure plate, vers 2000 av. J.-C., Chypre, Nicosie, musée national. (photo G. Grégor)Rhinocéros, mammouth... tous ont été qualifiés de velus par les spécialistes admiratifs de leur toison impressionnante.

Et l'homme de cette époque ?... 

Paradoxalement, celui-ci n'a pratiquement plus un poil sur le dos. Si son ancêtre Homo erectus, il y a 2,5 millions d'années, était protégé par une fourrure particulièrement dense, ce n'est plus le cas pour Homo sapiens.

Ce « singe nu » (Desmond Morris) aurait perdu la plus grande partie de sa toison en s'exposant à la fournaise de la savane, pour aider la peau à respirer !

Ce dépouillement lui aurait aussi permis de chasser les parasites, nombreux dans les régions tropicales... et d'attirer et séduire les femelles.

Le processus se serait poursuivi lors de son émigration sous des cieux plus septentrionaux, où sa peau aurait eu besoin de mieux capter les rayons ultraviolets...

Ou est-ce l’effet dévastateur du frottement des premiers vêtements sur les poils ? Cette hypothèse évolutionniste semble bien improbable : pourquoi en effet les cinq millions de petits follicules pileux qui continuent à protéger nos zones érogènes et crâniennes auraient-ils dans ce cas échappé à l'hécatombe ?

Dis-moi combien tu as de poils...

Adam et Ève, peinture de l'église Abreha et Atsbeha (8-11e s.), ÉthiopieLe poil a alimenté nombre de thèses plus ou moins racistes lorsque les explorateurs et les scientifiques se sont aperçus que les groupes humains étaient plus ou moins velus.

La découverte de l'Amérique et de ses habitants imberbes, en particulier, les a plongés dans une grande perplexité. Voici l'explication de Georges Buffon, au XVIIIe s. : « Le Sauvage est faible et petit par les organes de la génération ; il n'a ni poils, ni barbe, ni nulle ardeur pour sa femelle […]. » Le faible peuplement de l'Amérique serait donc dû à l'absence de poils, révélateur d'une vigueur sexuelle défaillante...

Un siècle plus tard, Charles Darwin avance l'hypothèse d'un retour à un stade inférieur : « [ …] il ne faut pas supposer que les races les plus velues, telles que celle des Européens, ont conservé leur condition primordiale d’une façon plus complète que les races nues, tels que les Kalmouks ou les Américains. Il est plus probable que la pilosité des premiers soit due à un retour partiel […]. Nous avons vu que les idiots sont souvent très velus et qu’ils ont tendance à faire retour, pour d’autres caractères, à un type animal inférieur » (La Filiation de l’Homme et la sélection liée au sexe, 1877).

Aujourd’hui on met en avant un mélange de génétique et de climat pour expliquer les différences de pilosité à travers le monde. Plus d’harmonie aurait-il bouleversé le cours de l’Histoire ? On peut se le demander quand on sait, comme l’explique Montaigne, que les habitants du Nouveau Monde ont été terrifiés « de voir arriver aussi inopinément des gens barbus, différents d'eux par le langage, la religion, par l'aspect extérieur et le comportement » (Essais, 1580). Si Colomb avait eu un rasoir, la face du monde en aurait peut-être été changée !

Les Quatre races d’hommes, illustration, G. Bruno, Le Tour de la France par deux enfants, 1904

Barbes, bouclettes et balayettes

Une chose est sûre : dès l'arrivée des premières civilisations, le poil commence à en voir de toutes les couleurs. Il rappelle en effet l'animal en nous, qu'il faut apprivoiser à force de tresses et de coups de rasoirs.

Roi mésopotamien (XXIVe s. av. J.-C.) trouvée à Ninive, Londres, British museumÀ Babylone, le roi se doit lors de son couronnement d'être pur, c'est-à-dire parfaitement imberbe : le mot « rasé » est d'ailleurs utilisé pour indiquer sa consécration en tant que souverain. Cet exemple rappelle la phobie du poil dans le monde sacerdotal, toujours d'actualité dans certaines religions, notamment dans l'Asie bouddhiste.

Pour les nobles, la barbe fait office de carte de visite : bichonnée pendant des heures, elle est disposée en de multiples boucles sur une grande partie du visage et peut descendre au milieu de la poitrine dans de savants entrelacs.

Les Assyriens vont suivre cette mode en portant une attention toute particulière à la moustache, qu'ils n'hésitent pas à collectionner comme trophée de guerre.

Mais pas de pitié pour les vaincus : ils doivent balayer le sol avec leur barbe, en signe de total respect. On ne plaisante pas en effet avec la portée symbolique des poils du visage : ne sont-ils pas symboles de virilité et de puissance ?

Les poils entrent en religion

C'est clair : « Tu ne couperas pas les coins de ta barbe » (Lévitique, 19, 27). Les Hébreux en effet la chérissaient au point de lui confier leur honneur. C'est pourquoi le roi David, dont les émissaires avaient eu la barbe coupée à moitié par le roi des Ammonites qui craignait qu'ils ne soient des espions, refusa de les recevoir tant que leurs poils n'auraient pas repoussé. On ne plaisante pas avec le protocole !

Christ, icône russe, 1502, monastère Ferapontov, Russie. (photo G. Grégor)Difficile de savoir précisément quelle était la mode de l’époque faute de représentation iconographique de l’Homme, interdite par les textes. On sait par contre à quoi ressemble Dieu ! L’Homme n’a-t-il pas été formé à son image ? Barbu, donc… tout comme sera représenté le Christ.

Cela n’a pourtant pas toujours été le cas : à l’origine, on le trouve très souvent imberbe sous les traits du Bon Pasteur.

Mais alors, pourquoi cette barbe qui nous est si familière ? Il semble qu’elle soit apparue à Byzance après la crise iconoclaste qui avait vu disparaître pendant plus de 100 ans (723-843) les images divines.

Pope russe (photo Gérard Grégor)Pour représenter de nouveau Jésus, les peintres se seraient simplement inspiré du modèle parfait du croyant : le moine.

Par opposition aux eunuques et aux jeunes hommes glabres, considérés comme attirants, les religieux avaient choisi de laisser disparaître leur visage sous une énorme barbe.

Un peu plus loin à la même époque, en terres d’islam, le prophète Mahomet l’aurait lui aussi adoptée, encourageant dans un hadith (communication orale) ses fidèles à faire de même.

Notons que, même si le culte des reliques est interdit dans le monde musulman, on conserve au palais de Topkapi à Istanbul des poils qui seraient issus de la barbe du Prophète. Aujourd’hui la barbe est pour beaucoup d’Occidentaux perçue comme un des premiers signes de radicalisation et d’appartenance à l’islam radical, au point d’avoir donné naissance au surnom de « barbus » pour désigner les extrémistes musulmans.

Mahomet prêchant, illustration ottomane (XVIIe s.) du livre d’Al-Biruni, Vestiges des siècles passés, Paris, BnF

Honni soit le poil

Masque funéraire de Toutânkhamon, vers 1320 av. J.-C., Le Caire, musée archéologiqueL'Égypte, célèbre pour son raffinement, ne pouvait que faire la guerre aux poils.

Priorité est donnée aux peaux parfaitement nettes, que ce soit celle des prêtres bien sûr, mais aussi de tout un chacun. Pas trace d'un reflet de moustache sur les représentations !

Pourtant les anciens Égyptiens avaient bien compris la charge symbolique de la barbe puisqu'ils en imposaient le port à leurs pharaons comme ci-contre l'immortel Toutânkhamon, mais il ne s'agissait que de postiches !

Même Hatchepsout ne put prévaloir de sa féminité pour y échapper !

Barbiers, fac-similé d’une œuvre de la tombe de Userhat, 1400 av. J.-C., New-York, Metropolitan Museum of Art

De l'autre côté de la Méditerranée, en Grèce, le poil retrouve un peu de son lustre sous la forme de belles barbes bien viriles qui vont agrémenter les joues des dieux et des héros comme Ulysse.

Ne dit-on pas que les guerriers de Sparte coupaient la moitié de la moustache de leurs hommes accusés de lâcheté ?

Les philosophes ne sont pas en reste : « Plus le menton est broussailleux, plus la sagesse est grande » aurait pu dire Socrate, surnommé « le maître poilu ».

Par contre, si l'on accepte la représentation de quelques toisons pubiennes masculines, pas question de détailler le moindre duvet intime chez la femme ! Vous ne trouverez également pas de jambes velues, à l'exception des belles gambettes des satyres : à l'exemple des gymnastes, tous multiplient les séances d'épilation par application de noix brûlantes ou arrachage avec de la résine. Il faut souffrir pour être beau !

Je te tiens par la barbichette !

Tête en bronze du roi Seuthes III, IVe s. av. J.-C., Sofia, musée archéologique national Il suffit d'une bataille pour voir le poil disparaître des joues des Hellènes... 

Alexandre le Grand, lui-même glabre et néanmoins rusé, se rendit compte un jour que l'ennemi n'hésitait pas à s'accrocher aux barbes de ses soldats pour mieux les immobiliser.

Qu'à cela ne tienne : il ordonna à toute la troupe de passer chez le barbier avant le choc de la plaine de Gaugamèles (ou Arbèles) contre Darius. Victoire !

Rome ne suivit pourtant pas l'exemple, allant jusqu'à faire du premier coup de rasoir une cérémonie solennelle marquant l'entrée dans l'âge adulte.

Ce n'est qu'après 49 ans que l'on redécouvrait le feu de la lame, pour paraître plus jeune !

Par la suite, les habitudes ne cessèrent de varier : les intellectuels ou ceux qui voulaient passer comme tels continuèrent à chérir la pilosité même au point que Plutarque dut rappeler que « la barbe ne fait pas le philosophe ».

Portrait de Marc-Aurèle, entre 180 et 183 après J.-C., Paris, musée du LouvrePour les nobles, si chaque grande demeure devait avoir son tonsor à domicile, il ne fallait tout de même pas devenir phanérophobique, comme l'apprit César à ses dépens : « Il portait le soin de lui-même jusqu'à la gêne : on lui reprocha de se faire arracher les poils après qu'on l'avait rasé » (Suétone, Vie des douze Césars, 121 ap. J.-C.).

Il faut attendre l'empereur Hadrien, au IIe siècle, pour voir réapparaître de belles barbes dans un but de dissimulation : l'empereur souhaitait recouvrir en effet d'un voile efficace les cicatrices ou taches qui le défiguraient. Ses descendants suivirent son exemple, comme Julien l'Apostat (331-363) surnommé Capella (la chèvre) lors de son séjour dans l'imberbe Antioche. Pour se venger, celui qui voulait ressembler aux philosophes antiques rédigea une satire intitulée Misopogon (L'Ennemi de la barbe). Comme quoi les affaires de poils peuvent occuper au plus haut sommet de l'État !

Autoportrait d'un empereur poilu

Monnaie à l'effigie de Julien l'Apostat (330 ; 26 juin 363)« Et d'abord commençons par le visage. La nature, j'en conviens, ne me l'avait donné ni trop beau, ni agréable, ni séduisant, et moi, par une humeur sauvage et quinteuse, j'y ai ajouté cette énorme barbe, pour punir, ce semble, la nature de ne m'avoir pas fait plus beau. J'y laisse courir les poux, comme des bêtes dans une forêt : je n'ai pas la liberté de manger avidement ni de boire la bouche bien ouverte : il faut, voyez-vous, que je prenne garde d'avaler, à mon insu, des poils avec mon pain. Quant à recevoir ou à donner des baisers, point de nouvelles : car une telle barbe joint à d'autres inconvénients celui de ne pouvoir, en appliquant une partie nette sur une partie lisse, cueillir d'une lèvre collée à une autre lèvre cette suavité dont parle un des poètes inspirés de Pan et de Calliope, un chantre de Daphnis. Vous dites qu'il en faudrait faire des cordes : j'y consens de bon cœur, si toutefois vous pouvez l'arracher et si sa rudesse ne donne pas trop de mal à vos mains tendres et délicates. Que personne de vous ne se figure que je suis chagriné de vos brocards : j'y prête moi-même le flanc, avec mon menton de bouc, lorsque je pourrais, ce me semble, l'avoir doux et poli comme les jolis garçons et comme toutes les femmes à qui la nature a fait don de l'amabilité. [...] Mais pour moi ce n'est pas assez de cette longue barbe, ma tête aussi n'est pas bien ajustée : il est rare que je me fasse couper les cheveux ou rogner les ongles, et mes doigts sont presque toujours noircis d'encre. Voulez-vous entrer dans les secrets ? J'ai la poitrine poilue et velue, comme les lions, rois des animaux, et je ne l'ai jamais rendue lisse, soit bizarrerie, soit petitesse d'esprit. II en est de même du reste de mon corps ; rien n'en est délicat et doux. Je vous dirais bien s'il s'y trouvait quelque verrue, comme en avait Cimon ; mais c'en est assez ; parlons d'autre chose » (Julien, Misopogon, 363).

Tête d’Okéanos, IIIe s. ap. J.-C., Tunis, musée du Bardo

La barbe barbare

Tout le monde le sait : Vercingétorix et Astérix arborent de splendides moustaches. Qu'importe si les monnaies représentant le célèbre vainqueur de Gergovie nous le montrent imberbe ! Cette moustache est devenue depuis le XIXe siècle un élément à part entière de l'image des Gaulois en tant que peuple à la fois sauvage et fier.

Quel beau contraste avec les joues satinées des Romains soi-disant efféminés de l'époque de la décadence ! La barbe est redevenue ce symbole de virilité qui apparaît même dans son étymologie (de bar, « l'homme » en celte).

Portrait imaginaire de Charlemagne, par Albert Dürer (détail, XVIe siècle, musée de l'Histoire allemande, Berlin)Les Francs et leurs voisins Lombards (« Longues barbes ») lui donnent même une fonction sacrée, interdisant à quiconque de tirer sur celle de son voisin sous peine de sanction immédiate.

Plus tard, Charlemagne accepta de bon gré de se laisser pousser quelques poils au menton pour plaire au pape. Le trône vaut bien une barbe ! Mais dès son retour en France, la couronne sur la tête, il sacrifia cet ornement sans savoir qu'il allait rester dans l'histoire comme « l'empereur à la barbe fleurie ».

Cette expression, rendue célèbre par Victor Hugo, est née de la déformation du mot « fiori », c'est-à-dire « grisonnant », terme certes plus réaliste mais moins poétique. Charlemagne disparu, c'est la moustache qui reprit du poil de la bête partout, à l'exception du milieu ecclésiastique, (presque) définitivement hostile à cette marque d'impureté.

La guerre des poils

Est-ce parce qu'il ressemblait justement à un moine après avoir sacrifié toute pilosité en signe de repentir que Louis VII perdit l'amour de son épouse Aliénor d'Aquitaine ? On sait en tous cas que, s'étant consolée dans des bras plus virils, elle finit par être répudiée.

Jean Clouet, Portrait de François Ier, 1530, Paris, musée du LouvreQu'à cela ne tienne ! Elle se vengea en épousant Henri, futur roi d'Angleterre et grand rival de la France. La guerre de Cent ans était en route...

Malgré les efforts des croisés, qui trouvaient cette mode orientale très seyante, toute pilosité resta bannie jusqu'au règne du très coquet François Ier, très précisément jusqu'à l'Épiphanie de 1521.

Ce jour-là, le roi, blessé par un compagnon de jeu et obligé de se raser la tête, choisit de laisser pousser sur le menton ce qu'il avait perdu sur le crâne. À moins qu'il se soit brûlé la joue avec un tisonnier et ait souhaité cacher cette vilaine cicatrice...

L'épisode arrive à point nommé dans cette Renaissance où triomphe l'apparence qui, comme chacun le sait, coûte fort cher.

Anonyme, Tête d’Henry IV âgé, vers 1605, Pau, musée national du ChâteauC'est donc naturellement que le souverain eut l'idée de renflouer les caisses en levant un impôt sur les barbes du clergé. Disparus, les curés poilus !

La religion du poil se poursuit encore des années avec la passion peu commune du bon Henri IV et de ses contemporains pour cet ornement qui fait leur fierté.

On imagine la tristesse du Gascon lorsqu'il s'aperçut un beau jour que sa chère toison était devenue blanche sous l'effet, expliqua-t-il, « du vent de l'adversité ».

Mais cette adversité continua à le poursuivre après sa mort...

On raconte en effet qu'en 1793, lorsque son tombeau fut profané à la basilique Saint-Denis, un révolutionnaire admiratif coupa quelques mèches de la moustache historique en proférant : « Quand on a une moustache comme celle-là, on doit être invincible ».

On rase gratis

Son fils et successeur Louis XIII, semble-t-il, n'avait cure de ce signe de distinction qu'il va bannir de son royaume, au grand dam de ses sujets :
« Hélas, ma pauvre barbe !
Qu'est-ce qui t'a faite ainsi ?
C'est le grand roi Louis,
Treizième de ce nom,
Qui a tout esbarbé sa maison »
(cité par Jean-Claude Bologne).

Ce massacre, auquel échappent la fameuse barbiche du cardinal de Richelieu et celle de ses mousquetaires, entraîne la création du corps des barbiers dits « barbants », pour se différencier de leurs collègues chirurgiens.

Philippe de Champaigne, Triple portrait de Richelieu, 1640, Londres, National Gallery

Robert Nanteuil, Portrait de Louis XIV, vers 1666, Paris, BnF Ils ne cessèrent de perfectionner la coupe, au point de finir par créer des moustaches fines « comme une ombre » (Le Bernin) à l'image des fameuses « royales » adoptées par Louis XIV, qui n'hésite pas à les cirer tous les matins pendant une trentaine d'années.

Il ne reste alors que quelques vieux barbons comme l'Arnolphe de L'École des femmes de Molière pour croire encore que « du côté de la barbe est la toute-puissance ». Face au triomphe de la perruque pendant le Grand Siècle, la barbe disparaît, certainement pour éviter la surcharge.

Les rois la délaissent : ni Louis XV ni Louis XVI n'ont besoin de cet outil de séduction, le premier multipliant les conquêtes sans son aide et le second ne cherchant pas à conquérir.

Anonyme, Portrait de Barbe Noire, XVIIIe s.Les moustaches se replient dans l'armée, au point que le mot devient synonyme de « soldat ».

À l’autre bout du monde, le pirate Barbe-Noire sème la terreur en illuminant sa barbe crasseuse de mèches de souffre. Mais c'est à la fin du siècle que le tranchant connaît son apothéose, associé à quelques planches en bois et une bascule...

Comme pour répondre au succès du Barbier de Séville de Beaumarchais (1775), le « grand rasoir national » du bon docteur Guillotin va réduire quelques anatomies révolutionnaires qui auraient dû suivre ce conseil : « Il faut savoir sacrifier la barbe pour sauver la tête » (proverbe turc).

L'art du rasage au XVIIIe siècle : tout un sport !

« Il n'est pas toujours commode, ni même possible, de faucher de toute la longueur du tranchant ; alors il faut faire avec la pointe du rasoir le tour des boutons en cherchant la position des doigts la plus commode ; et il faut même, dans ce cas, ne donner que des coups bien légers.
La tension des doigts ne suffit pas toujours quand on a des trous, des rides ou des cicatrices au visage ; il faut alors repousser avec la langue les joues par dedans la bouche, afin de faire faire une saillie suffisante au trou, pour en raser facilement la place.
En d'autres circonstances, il faut pincer la peau avec deux doigts, pour en faire l'élévation, principalement aux rides et cicatrices.
Lorsqu'on se regarde au miroir, et que l'on voit ou que l'on sent sous les doigts quelques poils qui ne sont pas coupés, ce sont […] des espèces de poils follets ou des poils qui se croisent, et qui ont résisté au tranchant en fauchant de haut en bas, et de bas en haut ; alors il faut en chercher le sens, et les raser horizontalement, ou latéralement, ou enfin verticalement ; c'est ainsi que le poil cède à l'adresse de la main, et se rase de près »
(Encyclopédie méthodique, « Arts et métiers mécaniques », tome 6, 1789).

Anonyme, Les Singes barbiers des chats, XVIIe s., Besançon, musée des Beaux-Arts et d’Archéologie

Publié ou mis à jour le : 2021-07-07 17:32:01
Bougnat (16-08-2017 22:47:51)

Pour la pilosité féminine contemporaine la tendance me paraît être à l'inverse de la tendance masculine sinon les officines proposant de multiples modes d'épilation ne fleuriraient sans doute pas autant; mais une étude approfondie sur le sujet ne serait-elle pas judicieuse à l'occasion ?

Anonyme (26-02-2017 12:05:12)

On peut aussi noter que la fête de Saint-Nicolas existe aussi dans une grande partie de l'Europe, bien au delà des pays germaniques. Pour les plus proches, au moins en Belgique, dans la France rhénane, la Suisse romande et une partie des Alpes francophone.
Comme elle n'est plus fêtée officiellement, elle se fête en fin de journée, avec les premières mandarines et des noix, noisettes, amandes, biscôme, éventuellement avec les premiers biscuits de noël et le thé aux épices (éventuellement, le vin chaud, pour les adultes).
C'est une fête très populaire parmi les enfants, même si St-Nicolas est inévitablement accompagné par le Père Fouettard, celui qui semonce les enfants-pas-sages.

Sami-Claus (26-02-2017 11:54:15)

"Arrivé dans le Nouveau Monde dans les bagages des migrants hollandais du XIXe siècle, il est renommé Santa-Claus (déformation du néerlandais Sinter-Klaas)"
--> Probablement une fable tirée de la réécriture de l'Histoire, très populaire aux États-Unis.
(En sus, la loi les oblige à introduire des "minorités" dans des rôles valorisant. C'en est carrément comique: Dans pratiquement chaque récit censé se dérouler au moyen-âge, on retrouve inévitablement un "sarrasin" ramené des croisades - La chronologie ne les gêne pas spécialement - ou un "Chinois" habillé comme un improbable Marco-polo mâtiné d'un hybride sino-mongol.)

La langue allemande possède de nombreux doublets, ce qu'occulte une vision idéologique de la langue allemande "purement germanique".
On utilise les variantes du mot "sauver/saint"
-> "salut" "heil"; "Salvus"; "Sangt"; Santa etc
Selon la langue régionale, on met un C ou un K; plus ou moins d'inflexions et de trémas. On varie les plaisirs, en variant quelques lettres, par-ci par-là.
Exemples:
Saint-Gall (la ville et le saint) = St-Gallen . On ne se mouille pas trop avec l'orthographe: On écrit pratiquement partout "St". On prononce "Sangt"-Gallen
Saint-Esprit = heiliger Geist

En alémanique et dans le domaine rhénan, on a des variantes de "Sami/Santa-Claus", en langue locale, ou "Santa-Klaus", en allemand écrit.

Alors, il vaudrait mieux écrire que le personnage de "Santa-Claus" vient de l'Europe Centrale (= écrit exactement de la même manière, "Santa-Claus", en allemand rhénan).
Ce faisant, il n'est pas nécessaire de passer, inutilement, par l'orthographe bizarroïde (ma perception francophone) de la langue néerlandaise.

Boutté (22-12-2015 18:13:13)

Encore ne faites-vous pas mention de le pilosité d' Absalon qui lui valut d'être pris et tué .Il est même une chanson de carabins pour prétendre qu'il s'agissait d'un poil "d'une longueur phénoménale" et non d'un cheveu ce qui a poussé les Hébreux "pour éviter un sort semblable" à se couper les poils etc . . .

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