Les Kurdes, au nombre d'environ trente millions, se définissent par leur langue indo-européenne et leur culture plus encore que par leur religion. Leurs femmes, par exemple, bénéficient d'une relative liberté et ignorent le voile. 80% sont musulmans sunnites mais on compte aussi des alévites (une dissidence du chiisme), des yézidis (une branche du mazdéisme, l'ancienne religion des Perses) ainsi que des chrétiens orientaux.
Leur territoire, le Kurdistan ou « pays des Kurdes », est une zone de plateaux et de montagnes semi-arides qui s'étend sur environ 300.000 km2 entre les monts Zagros (Iran occidental) et les monts Taurus (Turquie méridionale).
Il occupe un quart de la Turquie ainsi qu'une portion de l'Iran, de l'Irak et de la Syrie. Par ailleurs, il faut noter qu’une minorité de Kurdes habite à l’écart du territoire du Kurdistan, notamment dans le Khorasan au nord-est de l’Iran (voir carte).
Les Kurdes représentent environ 20% de la population de la Turquie et de l'Irak, plus ou moins 10% de la population de l'Iran et de la Syrie.
Une Histoire ingrate
Pris en tenaille entre l’empire perse et l’empire ottoman, les Kurdes n’ont jamais formé d’État indépendant ni parvenus à créer un organe représentatif qui les unisse, du moins avant les guerres d'Irak (1991-2003). En conséquence, leur sort a toujours dépendu du pays où ils vivent.
Le traité de Sèvres, qui a dépecé l'empire ottoman après la Grande Guerre, a projeté un « territoire autonome des Kurdes » dans l'Est de l'Anatolie. Mais il a été rejeté par les Turcs, lesquels, au terme d'une Guerre d'indépendance menée par Moustafa Kémal, ont imposé la signature d'un nouveau traité, à Lausanne, dans lequel il n'a plus été question de Kurdistan autonome.
Moustafa Kémal renie l’existence même des Kurdes, les présente officiellement comme des « Turcs des montagnes » et leur interdit l'emploi de leurs dialectes.
Le 17 février 1925, le Kurdistan se soulève contre « les infidèles de la République ». Dix mille combattants, dont beaucoup de déserteurs de l'armée turque, s'emparent de plusieurs localités. La répression est impitoyable.
Quelques rebelles récalcitrants proclament une éphémère République d'Ararat le 28 octobre 1927 dans les montagnes mais elle est détruite par l'armée turque quelques mois plus tard. On note encore une rébellion dans le Dersim en 1937...
La « question kurde » ne cessera plus de hanter la Turquie jusqu'à nos jours. Elle est relancée par Abdullah Öcalan, dit « Apo », qui fonde en 1978 le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) et se jette en 1984 dans la lutte armée. Entre coups de main, attentats et répression, celle-ci embrase toute la Turquie orientale et même les métropoles malgré la capture d'Öcalan en février 1999.
Traditionnellement, c’est l’Iran qui a proposé le cadre le plus souple, d’abord parce que les Kurdes (10 à 15% de la population nationale) parlent une langue indo-européenne très voisine de la langue iranienne ou persane, mais surtout parce que la moitié de la population iranienne est constituée de minorités : l’Iran est un empire qui n’en porte pas le nom, et il se doit de reconnaître ses minorités pour éviter l’éclatement.
L'expérience malheureuse de la République d'Ararat, en Anatolie, donne des idées aux Kurdes d'outre-mont.
Dans l'Azerbaïdjan iranien, ils profitent de ce que l'Iran est partagé entre les Soviétiques et les Anglais depuis leur invasion conjointe du 25 août 1941, pendant la Seconde Guerre mondiale pour organiser l'autonomie de leur territoire, sous la protection de l'Armée rouge.
Le mollah kurde Qazi Mohammed fonde le Parti démocratique du Kurdistan puis, le 22 janvier 1946, proclame la République de Mahabad, du nom d'une localité située au sud du lac d'Oumia. Il en prend la présidence et nomme au ministère de la Défense Moustafa Barzani, un guerrier kurde né de l'autre côté de la frontière, à Erbil, en Irak.
Mais les Kurdes n'intéressent plus les Soviétiques et dès la fin de l'année, l'armée iranienne de Mohamed Reza chah Pahlavi reprend le territoire. Qazi Mohammed est pendu à Mahabad le 31 mars 1947 et la ville détruite. Le général Barzani se réfugie quant à lui en URSS. Il la quittera en 1958 pour relancer la révolte kurde en Irak.
Moustafa Barzani réunit des combattants (peshmergas) en vue de libérer le Kurdestan irakien, autour de Mossoul et lance l'insurrection en mars 1961.
À la suite de l'accord du 6 mars 1975 entre l'Iran et l'Irak de Saddam Hussein, le chah ferme sa frontière aux peshmergas et ceux-ci ne tardent pas à être écrasés sous les bombes irakiennes. Moustafa Barzani quitte le pays et meurt en exil. Il est remplacé par son fils Massoud à la tête du PDK.
Massoud Barzani, qui s'est placé sous la protection de la nouvelle République islamique d'Iran, doit affronter non seulement l'armée de Saddam Hussein mais aussi un rival kurde, Jalal Talabani qui a fondé le parti rival de l'Union patriotique du Kurdistan (UDK).
Saddam Hussein, qui bénéficie du soutien complaisant des Occidentaux, ne craint pas de gazer la ville d'Halabja en 1988. Cette répression va renforcer les velléités d’indépendance des Kurdes.
Fragile espoir
Après la première invasion de l'Irak en 1991, les régions kurdes du nord-est de l'Irak bénéficient d'une protection aérienne sous garantie de l'ONU. Elle leur permet de se développer et d'accéder même à une relative prospérité grâce au pétrole du sous-sol.
Sous l'égide du Gouvernement régional du Kurdistan (GRK), présidé par Massoud Barzani, le territoire se constitue même en État autonome et virtuellement indépendant, avec une armée régulière forte de 190.000 peshmergas.
À la faveur de la guerre civile qui suit la chute du régime irakien, le 9 avril 2003, les Kurdes jouent habilement des haines entre Arabes sunnites et chiites pour consolider leur autonomie, s'offrant même le luxe d'accueillir dans leur havre les chrétiens chassés des autres régions d'Irak.
Mais ils se retrouvent à nouveau isolés lorsque les djihadistes de l'État islamique font irruption et s'emparent de Mossoul, le 10 juin 2014. Ils doivent désormais compter aussi avec la duplicité du président turc Erdogan qui fait mine de combattre les djihadistes mais frappe avant tout les Kurdes, en Turquie comme en Irak et en Syrie.
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BONHOURE (13-10-2019 14:16:46)
Déjà, plus de 1000 prisonniers djihadistes ont pu s'échapper des prisons Kurdes…
Je pense que M. Trump a un plan tordu pour pouvoir attaquer l'Iran sans en avoir l'air et ce par l'intermédiaire des Turcs, en les aidant par dessous.
Mais les Djihadistes vont pouvoir alors s'échapper et renforcer les ilots de résistance de Daesch qui d'ailleurs son déjà, en train de prendre une nouvelle ampleur.
Quand on lit l'histoire du Moyen Âge, on voit que l'histoire du Moyen Orient dans les années 1000
à 1400 n'a pas servi de leçon à nos gouvernants Européens
Diogene (21-08-2015 12:17:57)
Qui et Comment Ataturk fut "aidé" pour prendre et garder le pouvoir...?
Il ne saurait avoir réalisé tout tout seul par ses seuls charismes et autorité...
Hitler ne fut pas seul non Plus!