L'Extrême-Orient et l'Asie du Sud-Est ont été meurtris par quinze années de guerres brutales, de la conquête de la Mandchourie par les Japonais en 1931 au bombardement d'Hiroshima et Nagasaki.
Cette « Guerre de Quinze Ans » est une succession de conflits qui, tous, impliquent l'Empire du Soleil levant. D'abord une guerre sino-japonaise (1931-1940) puis une conquête de l'Asie du Sud-Est, enfin, à partir de 1941, une guerre du Pacifique ou plus exactement une « guerre de l'Asie et du Pacifique » (Asia-Pacific War en anglais) contre les Américains et accessoirement les Britanniques.
Son bilan humain est à peu près aussi lourd que la guerre qui s'est déroulée en Europe de 1939 à 1945, avec deux millions de morts parmi les soldats japonais et le double parmi les combattants chinois, les Américains n'ayant pour leur part compté « que » 100 000 morts.
À cela s'ajoutent les victimes civiles : vingt millions chez les Chinois, deux millions chez les Indonésiens, un million chez les Japonais, autant chez les Vietnamiens et les Philippins, soit un total supérieur à trente millions de morts militaires et civils.
Cliquez pour agrandir les cartesLa seconde guerre sino-japonaise (1931-1937), l'invasion du Sud-Est asiatique et la guerre du Pacifique (1941-1945) portent à leur paroxysme les entreprises bellicistes du Japon, inaugurées par une première guerre contre la Chine en 1895, soit un demi-siècle tout juste avant la capitulation...
Indigestion chinoise (1937-1940)
Le 7 juillet 1937, un « incident » sur le pont Marco Polo, près de Pékin, fournit au parti belliciste japonais le prétexte pour envahir la Chine. Dès le 13 août 1937, les Japonais investissent Shangai.
Mais leur progression reste difficile et s'accompagne des pires violences qui soient à l'égard des civils, le paroxysme étant atteint avec le « viol de Nankin», le 13 décembre 1937.
Incapable d'amener les Chinois à résipiscence, Tokyo craint qu'ils ne soient secourus par leurs voisins soviétiques et se propose de donner un avertissement à ceux-ci. Mais cette nouvelle agression, à la frontière qui sépare la Mandchourie de la Mongolie extérieure, tourne à son désavantage...
Au même moment, l'Allemagne nazie conclut un pacte de non-agression avec l'Union soviétique sans prévenir Tokyo. Le Japon comprend à la fois qu'il est isolé et incapable de battre l'URSS.
Cap sur l'Asie du Sud-Est (1940-1941)
Dans l'impossibilité de reculer, le gouvernement japonais décide de profiter de ce que la France et les Pays-Bas ont été envahis par la Wehrmacht pour s'emparer de leurs colonies du Sud-Est asiatique, l'Indochine et les Indes néerlandaises (l'Indonésie actuelle) et ainsi prendre la Chine en tenaille.
Les États-Unis voient dans cette extension de la guerre une menace pour les colonies anglaises et néerlandaises voisines. Ils décrètent un embargo sur les livraisons de matières premières.
C'est un coup de massue pour le gouvernement japonais qui achète aux États-Unis l'essentiel de son pétrole. Avec ses réserves, l'état-major se donne six mois pour frapper vite et fort et mettre les Anglo-Saxons devant le fait accompli.
L'amiral en chef Yamamoto Isoroku prend les commandes. Le patron de la marine japonaise a conscience de l'immense faiblesse de son pays par rapport à ce géant au moins dix fois plus riche. Il espère seulement que l'opinion américaine, neutraliste, pourrait s'accommoder d'une paix de compromis en cas de succès japonais.
Et c'est ainsi que, le dimanche 7 décembre 1941, l'aéronavale japonaise attaque sans avertissement la flotte américaine basée à Pearl Harbor, au coeur de l'océan Pacifique. Le même jour, l'armée japonaise attaque également les Philippines, protectorat américain, ainsi que la Malaisie britannique, Honkong et l'île américaine de Guam.
La guerre d'Asie et du Pacifique (1941-1945)
Les Japonais vont combattre simultanément dans les profondeurs de la jungle tropicale mais aussi dans l'océan, mettant en oeuvre les techniques les plus rudimentaire (combat au corps à corps) et les plus sophistiquées (affrontement à distance entre porte-avions). Ils volent pendant les premiers mois de succès en succès.
Ils s'emparent le 15 février 1942 de Singapour, épicentre de la colonisation britannique en Asie.
Le 3 mars 1942, les Hollandais lâchent l'Indonésie sans guère de résistance. Les Américains, sous le commandement du général Douglas MacArthur, résistent aux Philippines jusqu'au 8 mai 1942.
Tokyo promet la création d'un nouvel ordre asiatique, qualifié de « sphère de coprospérité de la grande Asie orientale ». Des militants anticolonialistes se rallient aux Japonais, comme l'Indien Subhra Chandra Bose, encore très populaire dans son pays.
L'expansion nipponne est stoppée cependant par la bataille de la mer de Corail, au large de l'Australie, du 4 au 8 mai 1942, et surtout la bataille de Midway, du 3 au 6 juin 1942.
Après la bataille de Guadalcanal, dans les îles Salomon, du 7 août 1942 au 9 février 1943, les Américains passent résolument à l'offensive. La suite n'est plus qu'une suite de reculades sanglantes, héroïques ou suicidaires.
À partir de novembre 1944, l'archipel nippon est bombardé et les usines et les voies de communication détruites. Les villes ne sont pas épargnées par les bombardiers. Le 15 août 1945, par un acte d'autorité, l'empereur Hirohito reconnaît à la radio la défaite du pays. La capitulation est conclue le 2 septembre suivant.
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Liger (14-08-2020 22:10:46)
À cette bonne synthèse, je me permets d’ajouter quelques commentaires :
- D’abord, une réfutation visant l’assertion « … une entreprise d'oppression et de pillage qui n'a rien à envier en matière de brutalité aux anciens pouvoirs coloniaux. ». Non, cent fois non : entre autres, trouve-t-on dans l’histoire coloniale en Asie des Français, Britanniques, Étasuniens ou Néerlandais l’équivalent, entre mille autres horreurs, des atrocités du massacre de Nankin ou des expériences sadiques de l’unité 731 ? Comme cela est justement indiqué dans l’article, le Japon fut coupable de la mort de DIZAINES DE MILLIONS de personnes, ce qui le met « au niveau » de l’Allemagne nazie ou de l’URSS de Staline dans un autre genre.
De grâce, même si cela n’est assurément pas votre intention, pas de « fausse fenêtre » ni d’amalgame avec les pratiques des colonisateurs « occidentaux » en Asie qui, en dépit de brutalités parfois graves, massacres compris, ne descendirent jamais aussi bas ! Et qui apportèrent aussi des progrès (santé, éducation, ...)
- Le Japon, exploitant cyniquement la tendance à la repentance et à l’autoflagellation de maints « occidentaux » (pour un peu, à lire ou entendre certains, on pourrait croire que les vilains Étasuniens ont lancé gratuitement une attaque nucléaire contre une pauvre petite nation paisible !), se pose en victime et commémore et fait commémorer les bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki tout en continuant de cultiver le négationnisme au sujet de ses crimes, quand les autorités de ce pays ne se livrent pas – aujourd’hui encore – à la falsification de l’Histoire : il suffit de comparer ces pratiques avec la reconnaissance par les Allemands, certes imparfaite mais incontestable, des crimes du nazisme.
Le traitement médiatique en Europe et aux États-Unis de cette question est généralement lamentable : tous les ans, on a droit à des « grands discours » sur Hiroshima et Nagasaki, histoire de nous autoflageller plutôt que de s'intéresser réellement aux victimes, alors que l’évocation des innombrables crimes contre l’Humanité perpétrés par le Japon est au mieux aléatoire et discrète. J’ai soigneusement visité Hiroshima : tout en compatissant au sort des victimes (dont 10 % étaient des Coréens qui y avaient été déportés de force), je me souviens encore du malaise qu’a suscité en moi cette minutieuse et systématique entreprise de désinformation.
- Entre autres, l’Allemagne « expia » ses crimes en étant divisée pendant 45 ans ; en Extrême-Orient, c’est l’infortunée Corée, innocente victime de l’impérialisme japonais pendant 50 ans, qui subit toujours actuellement cette division depuis 1945 et qui connut en outre une guerre épouvantable (1950-53) causée par cette division, qui tua 2 millions de personnes et ravagea la quasi-totalité de ce pays !!!
- Enfin, pour de multiples raisons allant d’impératifs géopolitiques à la méconnaissance de la langue et de la mentalité japonaises, les États-Unis n’ont pas imposé l’équivalent de la dénazification : on jugea quelques dirigeants lors du procès de Tokyo (là, on peut parler de « fausse fenêtre », par rapport à Nuremberg), on pendit quelques généraux qui n’étaient pas toujours les vrais coupables (cf. le cas complexe de Tomoyuki Yamashita) alors que c’est, entre autres, l’empereur Hiro-Hito qui aurait mérité le gibet.
Contrairement à ce qui précède laisserait croire, j’aime passionnément la civilisation japonaise, étant allé jusqu’à étudier cette langue pendant plusieurs années, et j’ai de vrais amis japonais. Surtout, il est évidemment exclu de reprocher aux générations actuelles les crimes de leurs grands-parents et arrière-grands-parents.
Mais je rejette totalement cet « enfumage » odieux consistant à poser le Japon en victime et à quasiment résumer la guerre du Pacifique aux deux bombes atomiques d’août 1945.
À part le premier point, ce billet ne constitue évidemment pas une critique d’Herodote.net dont j’admire l’honnêteté et le sérieux, comme le montre cet article qui rappelle notamment les crimes du Japon. Il s’agit de lutter contre l’infecte entreprise de désinformation que beaucoup de dirigeants japonais contemporains, à commencer par le premier d’entre eux, Shinzō Abe (Premier ministre en 2006-2007 et depuis le 26 décembre 2012) pratiquent effrontément en exploitant l’ignorance générale en Europe et aux États-Unis… Que l’on demande plutôt aux Chinois ou aux Coréens ce qu’ils pensent de ce passé qui « ne passe pas »...
Piguet (06-06-2019 07:54:43)
On voit en Mao Zedong un renard qui a attendu que Tchang Kaï-chek ait retiré les marrons du feu pour les prendre.
George Lewis Easton (04-09-2015 10:14:33)
Bravo pour ce texte limpide qui eclaire cet episode important de l'histoire mondiale dont les resonances sont encore la(Se rapporter a ce sujet a la grandiose commemoration hier en Chine du 70eme anniversaire de la reddition japonaise!)
Marc (04-09-2015 10:08:08)
Article très intéressant, qui permet de bien comprendre les motivations de l'expansionnisme japonais (à la fois folles et cependant compréhensibles en partie), l'enchaînement des évènements, et aussi le caractère distinct de cette guerre par rapport à celle qui se déroulait en Europe au même moment. Il me semble qu'il faudrait toutefois préciser que c'est l'Allemagne qui déclare la guerre aux Etats-Unis après Pearl Harbour (le 11 décembre 1941, 4 jours après), car tel que l'article est rédigé on a l'impression que les Etats-Unis prennent l'initiative de la déclaration de guerre contre l'Allemagne en tant qu'alliée du Japon. Cela ferait ressortir l'absence de symétrie entre la manière dont l'Allemagne et le Japon ont appliqué leur "alliance" : le Japon s'est gardé d'attaquer l'URSS après le 22 juin 1941 alors que l'Allemagne a déclaré la guerre aux Etats-Unis après le 7 décembre 1941, ce qui, pour les raisons indiquées dans l'article, a conduit à (ou simplement accéléré ?) la chute de l'Allemagne nazie.