Art des cavernes

La grotte Chauvet et les débuts de l'art pariétal

Le dimanche 18 décembre 1994, le spéléologue Jean-Marie Chauvet, accompagné de deux amis, explore une falaise, près du village de Vallon-Pont-d'Arc et des magnifiques gorges de l'Ardèche, dans le sud-est de la France.

Intrigués par un souffle d'air qui sort d'une cavité, les trois hommes pénètrent dans celle-ci et découvrent une grotte aux parois décorées de dessins aux teintes ocres, parmi lesquels de nombreuses représentations animales.

Immédiatement alerté, le préhistorien Jean Clottes se rend dans la grotte dix jours plus tard et authentifie les peintures. Elles font de la grotte de la Combe d'Arc, ou grotte Chauvet, du nom de son inventeur, l'un des trois plus beaux témoignages de l'art pariétal du Paléolithique européen, avec Altamira et Lascaux, parmi les quatre centaines de sites répertoriés.

Toutes ces peintures sont l'oeuvre de l'homme de Cro-Magnon mais celles de Vallon-Pont-d'Arc sont de loin les plus anciennes que l'on connaisse à ce jour en Europe. D'autres surprises sont à prévoir comme le suggère la découverte en 2017 au sud de l'île de Sulawesi (Indonésie) de peintures pariétales encore plus anciennes, vraisemblablement elles aussi l'oeuvre d'Homo sapiens.

Camille Vignolle
Grotte Chauvet.

Artistes précoces

D'après la datation au carbone 14, les peintures de la grotte Chauvet remontent à 32 000 BP (Before Present, soit avant 1950), c'est-à-dire à l'époque aurignacienne (35 000 à 28 000 BP), ainsi désignée par les préhistoriens en référence aux artefacts et outils de cette époque trouvés à Aurignac (Haute-Garonne).

Elles sont presque contemporaines de l'apparition en Europe de l'homme de Cro-Magnon (l'homo sapiens) et près de deux fois plus anciennes que celles de Lascaux ! Songeons que 15 000 ans les séparent alors que 3 000 ans seulement nous séparent des pharaons...

Les deux tiers de ces animaux sont des espèces potentiellement dangereuses et que ne chassaient pas les hommes préhistoriques. C'est la grande différence avec les représentations de Lascaux, en nombre aussi important mais concentrées sur des espèces proches de l'homme, chevaux ou bisons.

Jean Clottes a répertorié dans la grotte Chauvet un millier de peintures dont 425 représentations d'animaux répartis entre quatorze espèces : mammouths, ours des cavernes, rhinocéros laineux, panthères des neiges, bœufs musqués, bisons, aurochs, bouquetins, rennes, cerfs, lions, chevaux et même hiboux et aigles.

Rhinocéros dans la grotte de la Combe d'Arc, grotte Chauvet. Agrandissement : Panneau des chevaux, salle Hillaire, Grotte Chauvet © J. Clottes, Centre National de la Préhistoire , Ministère de la Culture.

Ces figures animales, d'une grande beauté stylistique, montrent que l'art pariétal atteint dès ses débuts un très haut niveau de raffinement artistique. Elles sont dessinées au charbon de bois, en tirant parti des infractuosités et des variations de teintes de la paroi en argile et calcite. En certains endroits, l'artiste a laissé sa signature : une empreinte de la main à l'ocre rouge.

Les artistes préhistoriques, pour des raisons demeurées mystérieuses, ont toujours choisi d'exprimer leur talent dans des grottes profondes, difficiles d'accès et souvent dangereuses, où avaient coutume d'hiberner les ours des cavernes. Eux-mêmes habitaient avec leurs congénères dans de simples abris sous roche, facilement accessibles, aérés et clairs. 

Signature d'une main dans la grotte de la Combe d'Arc (grotte Chauvet).

La grotte Chauvet a mérité d'être classée au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO le 23 juin 2014. Son accès est strictement réservé aux spécialistes dans le souci de ne pas reproduire les erreurs de Lascaux, mais depuis avril 2015, le public peut contempler les peintures dans une réplique exacte de la grotte, sur les hauteurs de Vallon-Pont-d'Arc. Seuls 3500 m2 sur 8000 m2 ont été reconstitués, l'ensemble de la grotte incluant des galeries longues de 800 mètres et jusqu'à 18 mètres de hauteur.

Il y a 44 000 ans déjà à Sulawesi (Indonésie)...

Cochon verruqueux, Indonésie, env 45 500 av. J.-C. © Griffith University Homo sapiens n'en finit pas de nous surprendre. Après Lascaux (il y a 17 000 environ), Chauvet (il y a 32 000), voici que l'on a découvert en 2017 d'autres peintures pariétales vieilles de 44 000 ans en Indonésie, au sud de l'île de Sulawesi. Elles ont pu être réalisées par Homo sapiens qui, à cette époque-là, occupait déjà toute l'Eurasie.
Ces peintures de petite taille représentent des scènes de chasse d'une étonnante vitalité, avec plusieurs silhouettes humaines (sur la gauche de la photo). Cette présence humaine relativement importante les distingue des peintures de Cro-Magnon.
En 2021, a été découvert aussi un cochon sauvage représenté sur une grotte en Indonésie. Vieux de 45 000 ans, il battrait à ce jour tous les records d'ancienneté...

Peintures de la grotte Leang Bulu Sipong (Sulawesi), découvertes en décembre 2017 par Hamrullah, archéologue indonésien.
Publié ou mis à jour le : 2022-12-13 19:05:42
lucane47 (18-12-2017 21:50:21)

Plusieurs milliers de kms, vraiment ?

Titou (18-12-2016 14:44:04)

Merci pour cet article. La reconstitution de la grotte est une réussite. À visiter. Petit clin d'œil : les trois hommes qui l'ont découverte étaient deux hommes ... et une femme 😉

Marie (01-01-2016 14:10:28)

Merci pour cet article.Je vous recommande :
:"La grotte des rêves perdus" de Werner Herzog.
Vous pourrez entrer dans la grotte .

gagou (21-04-2015 22:54:54)

Comment pouvait-on réaliser des peintures aussi belles sans lumière et sans échafaudages?

Pesneau (01-07-2014 16:45:50)

Que restera-t-il de notre art "moderne" dans 30000 ans et, à supposer qu'il en reste quelque chose (et qu'il y ait quelqu'un pour en prendre connaissance) qu'en pensera-t-on ?

casipier (01-07-2014 11:16:16)

Comment les hommes préhistoriques de la grotte Chauvet et ceux de la grotte de Lascaux, qui sont séparés par 17 siècles et plusieurs milliers de Km de distance, parvenaient-ils au même degré de perfection dans le dessin? Réponse dans le livre : « La plus vieille énigme de l’Humanité », paru chez Fayard en janvier 2013, par Bertrand David et Jean-Jacques Lefrère. 180 pages, 16 € - Réponse succincte : par décalque. Voir explications dans le bouquin.

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