Fin du Ier Empire

La campagne de France

L'épopée guerrière de Napoléon Ier, soit une dizaine d'années de guerres presque ininterrompues, se termine provisoirement en 1814 par la campagne de France et les émouvants adieux de Fontainebleau...

Napoléon dans la campagne de France, 1814 (Jean-Louis Meissonnier, 1864, musée d'Orsay)

Les Alliés franchissent le Rhin et les Pyrénées

Après la « bataille des Nations «, près de Leipzig, au coeur de l'Allemagne, du 16 au 19 octobre 1813, Napoléon Ier et ses troupes se préparent à une invasion du territoire français pour la première fois depuis une vingtaine d'années ! Assaillis de tous côtés, ils doivent faire face à une sixième coalition qui rassemble pratiquement toute l'Europe, de l'Angleterre à la Russie en passant par la Prusse, l'Autriche, la Suède et les États allemands.

Sur les Pyrénées, le général anglais Arthur Wellesley (44 ans) progresse depuis le Portugal. Il oblige les Français à repasser les Pyrénées et les franchit lui-même le 8 octobre 1813.

Au nord, les armées alliées, au nombre de trois, franchissent le Rhin.

1- L'armée du nord entre en Belgique sous les ordres du Français Jean-Baptiste Bernadotte (50 ans), un maréchal d'Empire passé dans le camp ennemi (avec le titre de prince héritier de Suède).  

Gebhard Leberecht von Blücher1 (16 décembre 1742, Rostock - 12 septembre 1819, Krieblowitz - Mecklembourg), portrait par George DaweBernadotte caresse l'espoir que les Alliés lui offriront le gouvernement de la France après la chute de Napoléon. Il veut éviter d'avoir à tuer des Français pour ne pas gâter ses chances et ralentit en conséquence sa marche.

Il en va autrement des autres armées.

2- L'armée de Silésie est commandée par le feld-maréchal prussien Gebhard von Blücher (71 ans), une vieille connaissance des Français. Elle franchit le Rhin du côté de Coblence le 31 décembre 1813.

3- L'armée de Bohême, avec le prince autrichien Charles Philippe de Schwarzenberg (42 ans) à sa tête, a traversé quant à elle le Jura dix jours plus tôt, le 21 décembre 1813.

Le jeune tsar Alexandre Ier (36 ans), auréolé par les succès de ses généraux dans la campagne de Russie, marche avec les armées d'invasion, de même que le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III (43 ans), lequel n'a jamais brillé par son énergie et son courage.

Ultimes préparatifs

À Paris, Napoléon hâte le rassemblement des troupes et anticipe même la levée de la classe 1815. Ces très jeunes conscrits enrôlés à la hâte savent à peine charger un fusil. On les surnomme les « Marie-Louise «, du nom de la jeune impératrice. Élevés dans le culte de l'Empereur, ils compenseront leur inexpérience par leur courage. 

Il tranche au passage le problème espagnol en rendant sa liberté au roi légitime Ferdinand VII et en rappelant ses troupes d'Espagne. Il libère également le malheureux pape Pie VII, cloîtré à Fontainebleau.

Au palais des Tuileries, Napoléon Ier installe un Conseil de régence autour de l'impératrice, avec des personnalités indispensables mais dont la fidélité laisse à désirer (Talleyrand, Cambacérès...) ainsi que son frère aîné Joseph, médiocre parmi les médiocres. Ce conseil doit gouverner en son absence et dans l'éventualité de sa mort au combat.

La campagne de France (1814)

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La campagne de France (1814)
Du 25 janvier à la fin mars 1814, Napoléon Ier livre la dernière grande campagne de son règne, avec des effectifs squelettiques, de jeunes soldats hâtivement formés mais d'un enthousiasme à toute épreuve, des maréchaux sans illusion. Et pour la première fois depuis un siècle, les combats se déroulent sur le sol national, mettant à rude épreuve les populations civiles. Dans ce combat sans guère d'issue, l'Empereur va donner le meilleur de son génie stratégique...

Le chant du cygne

Dans son malheur, Napoléon Ier a la chance que les coalisés soient divisés sur les buts de guerre. Exploitant leur mésentente, il va les tenir en échec pendant trois mois en dépit d'une écrasante infériorité numérique. Mais à vrai dire, ses succès stratégiques n'auront d'autre effet que de retarder l'échéance tout en durcissant les exigences ennemies...

L'armée de Silésie et celle de Bohême, les plus menaçantes dans l'heure, totalisent environ 250.000 hommes. La première, la plus nombreuse avec 180.000 hommes, remonte la Seine et se dirige vers Troyes. La seconde arrive à Saint-Dizier et progresse vers l'Aube et la Marne.

Face à elles, Napoléon Ier n'arrive à rassembler qu'un maximum de 70.000 hommes. Qu'à cela ne tienne. Le 25 janvier 1814, il quitte Paris pour Châlons, en Champagne. Retrouvant la virtuosité de ses jeunes années, l'Empereur des Français va dès lors voler de l'une à l'autre des armées ennemies en s'efforçant de n'affronter à chaque fois que des forces d'un effectif inférieur ou équivalent aux siennes.

Gourgaud et Napoléon à Brienne-le-Château, le 29 janvier 1814, sous la menace d'un Cosaque (Robert-Alexander Hilingford, 1891, coll. part.)

Il surprend Blücher et son état-major à  Brienne-le-château, le 29 janvier 1814, près de l'école militaire où il a suivi ses études ! Devenu indifférent au danger, il manque toutefois  d'être tué à bout portant par un Cosaque. 

Schwarzenberg se précipite à la rescousse de Blücher de sorte que les Français, au nombre de 33.000 seulement, subissent un grave échec à La Rothière, un peu plus au sud, le 1er février, face à pas moins de 150.000 hommes. Ils doivent se replier sur Troyes. 

Mais Prussiens et Autrichiens se séparent une nouvelle fois, chacun ambitionnant d'arriver le premier à Paris. Napoléon saisit cette chance inattendue. Il se précipite sur Champaubert où il défait le 10 février, en deux heures, l'un des corps d'armée de l'armée de Silésie. Sans attendre, il attaque dès le lendemain deux autres corps d'armée à Montmirail. Il étrille ce qui reste de l'armée de Silésie à Château-Thierry le 12 et à Vauchamps le 14.

Après cette « campagne des Cinq-Jours « qui laisse Blücher exsangue, ses troupes parcourent une centaine de kilomètres à pied, sac au dos, pour attaquer l'armée de Bohême dans la vallée de la Seine, au Sud. Pleines de confiance, avec l'Empereur à leur tête, elles s'élancent le 18 février à l'attaque de Montereau, au confluent de l'Yonne et de la Seine, et en chassent l'ennemi.

Napoléon retrouve la fougue de sa jeunesse avec une touche d'inconscience suicidaire. Il pointe lui-même un canon et lance à ceux qui s'inquiètent : « Allez, mes amis, ne craignez rien, le boulet qui me tuera n'est pas encore fondu «.

La bataille de Montereau, 18 février 1814 (Langlois, musée de Versailles)

Dernières illusions

Les Alliés en viennent à douter d'eux-mêmes. Leurs soldats sont épuisés par ces courses-poursuites dans la boue, le froid hivernal, la pluie, le vent et la neige. Ils sont également harcelés par les partisans. Il est vrai que, depuis leur entrée sur le territoire français, ils ont multiplié les exactions à l'égard des paysans : pillages, incendies, meurtres, tortures et viols, de sorte que les civils se sont mués en combattants et en franc-tireurs. On les qualifie de « blouses-bleues « en référence à leur vêtement de travail.

Pendant que se déroulent ces combats, les diplomates, réunis à Châtillon-sur-Seine, négocient un éventuel traité de paix. Le représentant de Napoléon Ier est son nouveau ministre des Relations Extérieures, le général Armand de Caulaincourt a reçu de l'Empereur carte blanche pour négocier un traité de paix qui préserve autant que faire se peut les conquêtes de la Révolution (les « frontières naturelles « de la France) et bien sûr le trône impérial.

Mais le congrès de Châtillon s'étant soldé par un échec, le tsar, déterminé à abattre l'« ogre «, réunit les Alliés à Chaumont et leur fait signer le 9 mars un pacte de vingt ans renouvelable ! Anglais, Prussiens, Russes et Autrichiens s'engagent à ne pas conclure de paix séparée et à maintenir chacun un contingent d'au moins 150.000 hommes jusqu'à la victoire.

L'Angleterre, bien qu'à bout de souffle, garantit à la coalition un financement adéquat (l'or anglais, arme essentielle dans la guerre contre Napoléon, est qualifié de « cavalerie de Saint-Georges «).

Sur le terrain, c'est reparti mais le coeur n'y est plus. Les désertions se multiplient chez les Français et les maréchaux d'Empire n'ont plus qu'une ambition, sauver ce qui peut l'être de leur fortune, leurs hôtels particuliers et leurs titres et savourer enfin une retraite tranquille.  

Napoléon remporte néanmoins de nouveaux succès sur l'armée de Silésie. Sa cavalerie culbute les Cosaques à Berry-au-Bac le 5 mars. Le surlendemain, le 7 mars, les « Marie-Louise « remportent la victoire la plus sanglante de la campagne sur les Prussiens et les Russes sur le plateau de Craonne, en un lieu qui entrera un siècle plus tard dans le grand livre des tragédies de l'Histoire, le Chemin des Dames

L'ennemi se retire en bon ordre sur les hauteurs de Laon. Napoléon tente de le surprendre par un mouvement tournant les 9 et 10 mars, avec le concours du maréchal Marmont. Mais celui-ci est repoussé par le général d'York.

Blücher demeurant tétanisé à Laon, Napoléon en profite pour faire un tour du côté de Reims. Le 13 mars au soir, il en chasse les Prussiens et les Russes et fait une entrée triomphale dans la ville à la lumière des torches. 

Là-dessus, dans un dernier sursaut, il retourne ses dernières divisions contre l'armée de Bohême. Mais à Arcis-sur-Aube, le 20 mars, Schwarzenberg résiste à ses assauts. Rien ne semble plus pouvoir empêcher la marche des Alliés sur la capitale.

Désespérant de protéger Paris, Napoléon décide par un coup d'audace de remonter sur Saint-Dizier, à l'Est, et de couper les lignes de ravitaillement des envahisseur afin de les obliger à la retraite. Mais le tsar convainc ses alliés  de jouer leur va-tout et de marcher sans plus attendre sur la capitale. Après un baroud d'honneur de ses défenseurs, la ville se rend le 30 mars sans se faire prier, après que l'impératrice et son fils l'aient quittée.

Déjà Lyon, le 20 mars, a été abandonnée à l'ennemi. Bordeaux, de son côté, s'est livrée à l'armée de Wellington dès le 12 mars au terme d'une mascarade organisée par le maire de la ville, partisan de la restauration des Bourbons. C'est la première manifestation publique des royalistes.

Le passage des souverains alliés sur le Boulevard Saint-Denis, le 10 avril 1814 (Jean Zippel, musée Carnavalet, Paris)

La chute du « tyran «

Le 31 mars, après la difficile campagne de France, les Alliés entrent en vainqueurs à Paris. Les habitants, stupéfaits, découvrent les Cosaques campant sur le Champ-de-Mars ! Mais la haine n'est pas au rendez-vous et l'on reste entre gens du monde.

Le 3 avril, le Sénat, habilement manoeuvré par Talleyrand, prononce la déchéance de l'empereur, « coupable d'avoir violé son serment (?) et attenté aux droits des peuples en levant des hommes et des impôts contrairement aux institutions «.

De son côté, l'empereur, déconfit, revenu en hâte vers la capitale, apprend à Juvisy la reddition de celle-ci. Déconfit, il se détourne sur Fontainebleau avec les 60.000 hommes qui lui restent. Là, ses plus fidèles compagnons, les maréchaux Ney, Berthier et Lefebvre, le pressent d'abdiquer en faveur de son fils. Il s'exécute le 4 avril. Le tsar, consulté, ne s'opposerait pas à une régence.

Tout d'un coup, patatras. Voilà que l'on apprend la défection des troupes du maréchal Marmont, duc de Raguse, avec 10.000 hommes sous ses ordres. L'homme capitule sans en référer à l'empereur. Le tsar, voyant qu'il n'y a plus rien à craindre de Napoléon, exige dès lors une abdication sans conditions et se laisse convaincre par Talleyrand de restaurer la dynastie des Bourbons, en la personne de Louis XVIII, le frère de Louis XVI,  au nom du sacro-saint principe de légitimité dynastique.

Acculé par ses propres maréchaux, l'empereur se résigne et signe l'acte d'abdication le 6 avril. Il se voit promettre en contrepartie la souveraineté sur l'île d'Elbe, une principauté italienne à la latitude de la Corse, ainsi qu'une pension de deux millions de francs par an qui doit lui être versée par la France. Il conserve le titre d'empereur !

Le Sénat ne perd pas de temps. Il appelle Louis XVIII à monter sur le trône. C'est le « retour des lys « ! Résigné, Napoléon fait le 20 avril ses adieux à la Garde impériale dans la cour du Cheval Blanc, devant l'escalier monumental du château de Fontainebleau, avant de prendre la route de l'île d'Elbe.

Publié ou mis à jour le : 2021-04-19 11:51:23
Louis (15-02-2014 17:43:42)

Bonjour et merci pour la qualité de vos articles dont je suis un lecteur fidèle et passionne depuis la naissance d'Hérodote.
Je suis toujours sidéré par l'admiration et l'engouement qui ne semble s'atténuer avec le temps, au contraire, par Napoléon Ier...Certes, cet homme qui se fit empereur fut ,dans bien des domaines un génie. Mais en temps que passionné d'Histoire, je me pose toujours la question,à mon avis cruciale: à quoi va servir mon "génie" ? Et concernant Napoléon Ier, je demeure convaincu que les dix années de guerres ininterrompues gomment le reste. Je ne peux m'empêcher de penser à ce que l'épopée napoléonienne a coûté aux Français et aux Européens en terme de tués. Et au final, pour quoi? Je pense au roi Louis XVI comparativement si minable, si hésitant, si malhabile... Et pourtant le royaume fut sanctuarisé depuis bien avant son règne, le commerce florissant et tous les archaïsmes du système monarchique des Bourbons,souvent des plus choquants, auraient pu être reformés sans cette catastrophe révolutionnaire. Le retour des Bourbons en 1815, exprime une immense lassitude, un désarroi profond, d'une nation exsangue qui ,après les fastes du Premier Empire, préfère se confier à un roi podagre. Car la paix n'a pas de prix...Mais, incorrigibles, les Français renoueront avec l'aventure napoléonienne en 1852, qui se terminera lamentablement du côté d'une petite ville obscure du nord-est nommée... Sedan.

Amiel (12-02-2014 19:34:32)

Excellent exposé.Bravo à son auteur !

Jacques Do (12-02-2014 18:13:20)

N'oublions pas que la gloire de Napoléon 1er doit beaucoup à Hugo qui l'utilisa pour mieux railler le neveu, Napoléon III, Badinguet, qui ne fut pas le monstre qu'on dit trop souvent. Une fois de ... Lire la suite

JEAN MUNIER (11-02-2014 23:39:19)

les guerres de Vendée , Napoléon n'est pas coupable (il admirait l'épopée des chef vendéens). Certes , c'est un très grand massacre , mais absolument pas un génocide , car la Vendée c'est u... Lire la suite

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