Charlemagne est l'héritier d'une illustre famille franque originaire des environs de Liège (Belgique actuelle), les Pippinides. Il va consolider et porter à son apogée le royaume quelque peu barbare reçu de son père Pépin le Bref, lui-même fils de Charles Martel.
En près d'un demi-siècle de règne, dont la moitié consacrée à la guerre, Charlemagne, assisté par des clercs passionnés, va creuser les fondations d'un nouveau monde, le nôtre. À ce titre, il fait partie des rares personnalités qui ont pesé sur le cours de l'Histoire universelle.
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Charlemagne restaure un semblant d'État sur un territoire d'environ un million de km2, peuplé d'une quinzaine de millions d'habitants, de l'Èbre (Espagne) à l'Elbe (Allemagne) et au Tibre (Italie).
De cette construction éminemment fragile, simplement unie par la foi catholique et l'allégeance au pape, vont surgir les grands États qui vont faire la grandeur de la civilisation européenne au millénaire suivant...
« Carolus, Magnus Rex »
À la mort de leur père, en 768, Charles et son jeune frère Carloman héritent chacun d'une part du royaume. Heureusement, si l'on peut dire, la mort prématurée de Carloman, trois ans plus tard, permet à Charles (29 ans) de refaire l'unité du royaume des Francs.
Intelligent et énergique, il n'a de cesse de s'instruire. Il apprend le latin auprès des meilleurs clercs de son temps, dont le plus connu est le moine anglais Alcuin, à l'origine de la « renaissance carolingienne » et du retour en force du latin dans la culture occidentale.
Comme il n'y a plus depuis longtemps d'administration fiscale ni d'impôts, Charles subvient à ses besoins et à ceux de sa cour en se déplaçant de l'une de ses résidences à la suivante et en vivant sur les ressources locales.
À la fin de sa vie, comme il souffre de rhumatismes, le roi établit sa résidence principale près d'une source thérapeutique, en Rhénanie, en un lieu qui s'appellera Aix-la-Chapelle (Aachen en allemand).
Charles divise son royaume en comtés, sous l'autorité d'un compagnon du roi (du latin comes, comitis, dont nous avons fait comte) et en 250 entités de base du nom de « pagi », d'après le mot latin pagus qui désigne une circonscription rurale (en France, beaucoup de ces pagi sont devenus à la Révolution des départements).
Pour éviter les abus de pouvoir des seigneurs locaux, Charles délègue fréquemment ses proches dans les pagi. Ces représentants, ou missi dominici (en latin, envoyés du maître) vont deux par deux et se surveillent l'un l'autre ! L'un est un comte et l'autre un évêque.
Le roi légifère beaucoup, pour améliorer la gestion quotidienne des domaines agricoles, pour imposer les réformes ecclésiastiques et conformer les moeurs - en particulier le mariage - aux canons chrétiens.
En rupture avec la tradition orale antérieure, il a soin de mettre par écrit les lois et ordonnances pour mieux en assurer l'application. Ses textes juridiques sont appelé « capitulaires » parce qu'ils sont divisés en articles ou chapitres - comme les lois actuelles -.
Attentif aux affaires religieuses, Charles, très pieux, s'honore aussi de soutenir le pape, chef de la chrétienté occidentale.
Celui-ci a besoin d'être protégé contre les Lombards établis au siècle précédent dans la plaine du Pô. Or, il ne peut compter sur son protecteur habituel, le basileus qui règne à Constinople sur l'empire romain d'Orient, car celui-ci a bien d'autres préoccupations en tête (agressions arabes, querelles autour de l'iconoclasme, luttes de palais...).
Des guerres sans fin
Le règne personnel de Charles 1er, très long (44 ans), est une suite incessante de guerres contre les Saxons païens de Germanie, les Bretons et les musulmans d'Espagne, qui menacent son royaume sur ses frontières, ainsi que contre les Lombards qui menacent le pape. Le roi ne passe pratiquement pas un été sans combattre et ce, dans toutes les directions.
À l'appel du pape Adrien 1er, menacé par ses voisins lombards, le roi franchit les cols alpins et, le 16 juin 774, après un très long siège, entre dans Pavie, la capitale des rois lombards (près de Milan).
Il dépose le roi Didier et ceint la « couronne de fer » des rois lombards (ainsi appelée parce que son armature intérieure viendrait d'un clou en fer de la croix du Christ).
Il prend dès lors le titre de « roi des Francs et des Lombards » et donne à l'un de ses fils, Pépin, le titre inédit de roi d'Italie.
Il profite de l'occasion pour effectuer son premier pèlerinage à Rome, histoire d'entretenir les bonnes relations entre sa dynastie et le Saint Siège. Bien entendu, il est reçu avec tous les égards par le pape dans son palais du Latran.
Comme le roi des Francs dispose d'une armée redoutable mais peu nombreuse, au maximum 50.000 à 100.000 combattants pour tenir un territoire grand comme deux fois la France actuelle, il se montre impitoyable avec ceux qui lui tiennent tête, pour leur ôter l'envie de continuer, et conciliant avec ceux qui se soumettent.
En 772, il se jette sur les Saxons, redoutables guerriers germains - et païens - qui, depuis l'époque de Clovis, n'en finissent pas de harceler le royaume des Francs. Ils peuplent les forêts qui s'étendent entre la mer du Nord et l'Elbe (ce qui correspond au Land actuel de Basse-Saxe).
Une deuxième campagne en 775 aboutit à un baptême de masse à Paderborn, au coeur de la Saxe.
Mais cela n'y fait rien. Un chef prestigieux, Widukind (le Vercingétorix saxon !), soulève son peuple en 778.
Les Francs reprennent le chemin de la guerre. Pour ne pas perdre leur avantage, ils restent sur place certains hivers au lieu de se démobiliser comme de coutume, profitant de ce que les marais sont pris par les glaces et les forêts dénudées et impropres à cacher les ennemis.
Surtout, ils pratiquent des méthodes de plus en plus brutales. En 782, après qu'une armée franque eut été écrasée sur la rive orientale de la Weser, Charles fait décapiter 4.500 prisonniers saxons à Verden, au sud de Brême.
En dépit de la reddition de Widukind en 785, les rébellions continuent. Elles ne prendront fin qu'en 804 après plusieurs campagnes supplémentaires et des déportations de populations.
Par un capitulaire publié en 785, le roi des Francs annonce : « (...) Tout Saxon non baptisé qui cherchera à se dissimuler parmi ses compatriotes et refusera de se faire administrer le baptême sera mis à mort ». Dont acte.
Au sud des Pyrénées, après un échec devant Saragosse, en 778, Charlemagne doit rentrer dare-dare en raison d'une nouvelle sédition saxonne. Son arrière-garde essuie un revers dans le col de Roncevaux.
Il arrive néanmoins à constituer une Marche d'Espagne tout au long des Pyrénées, afin de simplement protéger son royaume contre les agressions musulmanes. C'est le début de la « Reconquista » espagnole.
En 796, l'armée franque fond sur le « Ring », la résidence du Khagan, le chef des redoutables Avars, des nomades d'origine turque établis dans la plaine du Danube. Cela leur vaut de récupérer de fabuleux trésors : quinze chariots remplis d'objets en métal précieux qui vont décorer Saint-Pierre de Rome et d'autres grandes églises, et surtout rémunérer les compagnons du roi.
La consécration
Lors d'un nouveau voyage en Italie, à la Noël 800, le pape confère à Charles le titre inédit d'«Empereur des Romains». Pour les contemporains, il s'agit rien moins que de restaurer l'empire romain, après une longue parenthèse (en Occident) et à un moment où (en Orient) le trône de Constantinople est vacant ou tout comme. N'est-il pas occupé par une femme, une usurpatrice, l'impératrice Irène ?
Les clercs de la cour de Charles 1er prennent dès 773 l'habitude de désigner le roi des Francs du qualificatif latin de Carolus Magnus. Il s'agirait d'une abréviation de «Carolus, Magnus Rex» (Charles, le grand Roi), devenue «Charlemagne» dans la langue populaire et, en allemand, Karl der Grosse (*).
Mais en dépit de son prestige, l'empire carolingien laisse déjà entrevoir des signes de faiblesse. Avec la pacification des frontières et l'arrêt des conquêtes, il n'y a plus de butin pour assurer la fidélité des seigneurs. Qui plus est se font jour de nouvelles menaces avec les premières incursions de Vikings sur les côtes de la mer du Nord.
Charlemagne meurt dans son palais d'Aix-la-Chapelle le 28 janvier 814, à 71 ans. Il est inhumé dans la chapelle palatine le jour même. L'embryon d'État qu'il a fondé disparaît peu après sa mort. De ses cendres va surgir la société féodale.
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C.M. (21-02-2021 19:47:43)
J'ai lu, voilà assez longtemps, un "historique" des divisions administratives de notre pays. Il y était dit que la découpe des provinces("Départir" d'où "département") était déjà en préparation durant le règne de Louis XVI. Les changements à partir de juin 1789 ont précipité le mouvement.
Anonyme (31-12-2014 18:43:01)
Dans cet article il n'est pas fait mention de l'importance politique de sa mère,Berthe au grand pied,surtout au début du règne.
C'est d'ailleurs elle qui aurait suggéré le rapprochement avec le roi Didier et l'épousaille de sa fille.
Quant la " naturalisation "française de Charlemagne elle est pour le moins du ressort..idéologique national.
Il est franc s'exprimant en francique et résidant essentiellement dans l'est de son empire.
C'est selon moi ce qui permit le phagocytage d'autant que le francique est dans la généalogie des langues germaniques du moyen allemand d'où sont issus le flammand, le luxembourgeois, le tyrolien ...et en grande partie l'anglais ancien.
Les notions Allemagne et France lui était totalement inconnues
Capremont (06-02-2014 17:42:22)
Il n'existe pas de Land de Hanovre mais Hanovre est la capitale du Land de Basse-Saxe. Toutefois Hanovre est aussi une des 44 régions de Basse-Saxe et forme en outre une "région-métropole" avec trois autres villes. C'est peut-être de cette super-région que vient la confusion avec un Land.
Claudine Degoul (30-01-2014 15:30:18)
Il y a une erreur dans le texte à propos du problème du "filioque": ce n'est pas le statut du Christ qui est en jeu, mais celui du Saint Esprit, qui procède du Père pour les orientaux, et du Père et du Fils pour les Occidentaux, c'est-à-dire ceux qui acceptent la doctrine du pape. Ce serait bien de corriger.
Hervé Camier (29-01-2014 20:58:38)
Ce n'est pas un commentaire. C'est une question, et même deux. Est-ce Jean Anouilh l'auteur d'un film qui démystifie Chalemagne? Est-ce à juste titre?