Lawrence d'Arabie (1888 - 1935)

Le rêve brisé d'un visionnaire

Un Britannique quelque peu illuminé a tenté de restaurer au début du XXe siècle l'empire arabe de Damas, disparu plus de mille ans auparavant.

De ce «rêve fracassé», selon le mot de son biographe Jacques Benoist-Méchin, il reste un film à grand spectacle, Lawrence d'Arabie, réalisé par David Lean en 1962, avec l'acteur shakespearien Peter O'Toole dans le rôle-titre.

Il reste surtout un chef d'œuvre littéraire, Les sept piliers de la sagesse, dans lequel l'auteur raconte ses aventures sur un mode épique en agrémentant son récit de considérations poétiques et philosophiques.

Rêves de jeunesse

Thomas Edward Lawrence est né le 16 août 1888 d'un baronnet irlandais et d'une gouvernante écossaise.

T.E. Lawrence, simple soldat en 1931, à la fin de sa vieLe héros, comme dans la réalité, prend un soin maniaque à se vêtir de blanc ; on ne lui connaît aucune relation féminine mais il nourrit un amour platonique pour certains bédouins de son entourage, tel le jeune Dahoum, mort prématurément en 1918 et auquel il dédicace Les sept piliers de la sagesse.

Étudiant à Oxford, il prépare une thèse sur les Croisades et, à vingt ans, s'embarque pour Beyrouth, alors sous tutelle ottomane. 

De retour en Angleterre, il obtient une bourse en vue de rejoindre une mission archéologique anglaise qui travaille sur un site hittite sur les bords de l'Euphrate, Karkemish (ou Europus), au printemps 1911.

Très vite s'affirme son ascendant sur les bédouins de l'équipe. C'est le début de l'épopée...

L'Orient dans la tourmente

La mission archéologique et Lawrence ne tardent pas à ressentir les échos de l'agitation croissante, au sein de l'empire ottoman, pris en main par les «Jeunes Turcs».

À Damas, qui cultive le souvenir glorieux du califat des Omeyyades, des intellectuels arabes envisagent de s'émanciper de la tutelle turque, vieille d'un millénaire. Ils souhaitent s'appuyer sur la France, très présente dans la région à travers ses missions et ses écoles.

T. E. Lawrence se laisse griser par le projet de révolution arabe mais place ses espoirs sur les bédouins du désert, qui n'ont pas été corrompus par les Turcs et la modernité. Et bien entendu, il compte sur l'Angleterre, son pays, pour soutenir cette révolution.

Début 1914, il est désigné pour une prospection dans le Sinaï. Sous couvert d'archéologie, il s'agit en fait d'assister un capitaine britannique dans un travail de topographie militaire.

La mission d'espionnage tourne mal. Lawrence et l'un de ses compagnons, arrêtés par le gouverneur turc, arrivent à s'enfuir à travers le désert et arrivent, épuisés, à Damas. C'est alors que survient l'attentat de Sarajevo, qui va entraîner le monde dans la tourmente.

La guerre !

Hussein ibn Ali, chérif de la Mecque (1854 - 4 Juin 1931)Dès le début des hostilités, Lawrence se rend au Caire en qualité de lieutenant de réserve. Il se joint à une équipe de l'Intelligence Service qui formera plus tard le Bureau arabe des services secrets britanniques.

Impuissants à réduire les Turcs, alliés des Allemands, les Anglais décident faute de mieux de soulever contre eux les cheikhs arabes. Justement, Hussein, le chérif de la Mecque, est disposé à combattre ses anciens maîtres en échange de sa souveraineté sur l'«île des Arabes» : la Syrie, la Palestine, la Mésopotamie et la péninsule arabique.

L'état-major anglais du Caire monte une mission pour l'aider. Le jeune T. E. Lawrence obtient d'en faire partie.

D'emblée, il convainc ses accompagnateurs de laisser les Arabes mener seuls leur révolte sous la conduite de Fayçal, le troisième fils du chérif Hussein.

Gloire médiatique

En janvier 1917, l'armée de Fayçal échoue à s'emparer de Médine. Qu'à cela ne tienne. Pour Lawrence et les Britanniques, il vaut mieux à tout prendre que la garnison turque de la ville demeure piégée au milieu du désert plutôt que de rejoindre le front européen.

L'état-major du Caire a un souci plus immédiat... Il veut s'emparer de Jérusalem avant la Noël 1917. Il s'agit d'offrir un motif d'espoir à l'opinion publique, troublée par les échecs incessants sur les fronts européens.

Le général Allenby a besoin que soit au préalable neutralisé le port d'Akaba, au fond du golfe du même nom (aujourd'hui en Jordanie).

Lawrence s'en empare par surprise avec un détachement de cavaliers arabes. Devenu du jour au lendemain héros national, il est promu major, proposé pour l'Ordre du Bain et cité à l'ordre de l'Armée française.

Mais quand Allenby lui demande de déclencher une insurrection générale en soutien à son offensive sur Jérusalem, Lawrence se dérobe, à la grande déception du général.

Durant l'automne, le jeune héros et ses légions de cavaliers vont se cantonner dans les attaques des infrastructures routières et de la voie ferrée du Hedjaz, entre Damas et Médine.

Le 11 décembre 1917, en avance sur l'échéance, le général Allenby fait une entrée solennelle à Jérusalem à la tête de son armée avec à ses côtés l'inévitable T.E. Lawrence, promu au grade de lieutenant-colonel, dans un bel uniforme d'officier d'état-major.

Pour la première fois depuis les Croisades, des troupes chrétiennes bivouaquent autour du Saint Sépulcre.

Bref triomphe

La guerre n'est pas finie pour autant. Au Proche-Orient, les Turcs redoublent de combativité sous le commandement d'un général prestigieux, Moustapha Kémal, le vainqueur des Dardanelles !

Enfin, le 1er octobre 1918, devançant l'armée britannique d'Allenby, T. E. Lawrence entre à Damas en compagnie de Fayçal, auquel il destine la couronne de Syrie. L'émir et son chevalier servant sont accueillis par des clameurs de joie.

T.E. Lawrence pose pour Lowell Thomas dans sa tenue de légende (Lawrence d'Arabie, 16 août 1888 - 19 mai 1935)Deux jours plus tard, pourtant, Lawrence remet sa démission à Allenby. C'est qu'entre-temps, l'officier a vu son rêve exploser sous le poids de ses contradictions.

Les Français et les Anglais ont en effet conclu un accord secret pour le partage du Moyen-Orient : aux premiers le Liban et la Syrie, aux seconds la Mésopotamie (Irak) et la Palestine. Il viole la promesse faite au chérif Hussein.

Pour ne rien arranger, le 2 novembre 1917, le ministre britannique des Affaires étrangères Lord Balfour a publié une lettre ouverte par laquelle il promet la création d'un «foyer national juif» en Palestine. C'est une nouvelle entorse au rêve arabe.

T.E. Lawrence se donne pour mission de sauver ce qui peut l'être, en participant notamment aux négociations de paix qui s'ouvrent à Paris le 18 janvier 1919.

Bientôt va s'épanouir la légende de «Lawrence d'Arabie», à l'initiative du correspondant de guerre américain Lowell Thomas. Fayçal et les Arabes, toutefois, ne partagent pas l'admiration des Occidentaux pour T.E. Lawrence et tendent à le voir comme un traitre à leur cause...

La chute

Livré à lui-même, l'émir Fayçal est expulsé de Damas comme un malpropre par les forces d'occupation françaises du général Gouraud et ses troupes sont écrasées à Khan Messeyloun, le 24 juillet 1920. Il n'a d'autre solution que de se replier en Arabie.

Comme les populations de Syrie et d'Irak s'agitent, mécontentes de passer de la tutelle ottomane à la tutelle occidentale, le Premier ministre britannique confie à Winston Churchill le Secrétariat d'État aux Colonies.

Dès le 12 mars 1921, le nouveau ministre ouvre une conférence au Caire. T.E. Lawrence y participe en qualité de conseiller et, sur sa suggestion, Churchill fait de l'Irak et de la Transjordanie deux royaumes alliés de la Grande-Bretagne. Le premier est confié à Fayçal, qui se voit ainsi consolé de la perte de la Syrie ; le second à son frère Abdallah dont le descendant règne encore à Amman.

L'année suivante, le 28 février 1922, l'Égypte passe du statut de protectorat à celui de royaume théoriquement indépendant mais sous tutelle britannique.

Quant au royaume du Hedjaz, gouverné par le chérif Hussein, il est annexé le 8 janvier 1926 par Ibn Séoud, autre protégé des Anglais, conseillé par un émule de Lawrence moins célèbre et plus chanceux, Harry Saint-John Philby (1885-1960).

Ainsi s'achève le rêve de T.E. Lawrence.

Brisé par le sentiment de l'échec et de l'ingratitude, il abandonne toute fonction officielle. En dépit de sa notoriété, il manque de sombrer dans la clochardise et finit par s'enrôler comme simple soldat sous un nom d'emprunt. 

Le héros solitaire va dès lors se partager entre divers engagements militaires, son œuvre littéraire et la vitesse. Il se fracasse à moto sur une petite route anglaise et meurt le 19 mai 1935, à 46 ans. À ses funérailles, discrètes, son ami Winston Churchill ne pourra pas retenir une larme.

Publié ou mis à jour le : 2019-10-21 12:52:29
alain dollinger (08-01-2014 19:31:36)

J'ai eu comme grand ami un avocat international Anglais dont le parrain n'était autre que Laurence.Quand nous dinions chez lui nos pieds reposaient sur un magnifique tapis persan cadeau de Laurence à son filleul.La seconde épouse de cet avocat possède encore,dédicacé par Laurence ,une des éditions originale des 7 piliers enfermée dans un coffre à Genêve.
A l'instar de son parrain cet avocat fut le plus jeune colonel de l'armée britannique en 1942 durant la bataille d'El Allamein dans l'état major de Montgomery,il parlait 5 langues.

alain dollinger (08-01-2014 19:29:29)

J'ai eu comme grand ami un avocat international Anglais dont le parrain n'était autre que Laurence.Quand nous dinions chez lui nos pieds reposaient sur un magnifique tapis persan cadeau de Laurence Ã... Lire la suite

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