Léopold II (1835 - 1909)

Le roi géographe

La Belgique, État improbable, est née d'un soulèvement d'opérette en 1830. Trompant les pronostics, elle a réussi à s'enraciner dans le paysage européen sous la conduite d'un roi de circonstance, Léopold Ier, luthérien, austère et froid, tout le contraire de ses compatriotes. 

Elle va gagner avec son fils ses galons de «grande puissance» planétaire. À l'occasion de sa prestation de serment, le 17 décembre 1865, Léopold II, né en 1835,  fait habilement remarquer qu'il est «le premier roi à qui la Belgique a donné le jour» (*) !  Ses compatriotes conservent néanmoins une mauvaise opinion de ce roi à la vie sentimentale tourmentée.

Prince globe-trotter

Deuxième fils de Léopold Ier et Louise d'Orléans, Léopold est un enfant intelligent, imaginatif et volontaire mais grand et boîteux, mal dans sa peau. En attendant de monter sur le trône, il voyage autant qu'il peut de par le monde. Déjà, il rêve d'horizons lointains et notamment de l'Afrique, dernier continent inconnu et «sans maître».

Mais son père a des visées plus terre à terre. Habile diplomate et entremetteur hors pair, il a le souci d'affermir son royaume et obtient pour son fils la main d'une archiduchesse, Marie-Henriette. Elle a 16 ans, Léopold en a 18. Ils convolent le 22 août 1853 dans la célèbre collégiale des Saint-Michel-et-Gudule, à Bruxelles.

Désastre conjugal

Marie-Henriette d'Autriche et Léopod de BelgiqueLes deux époux n'éprouvent aucune attirance l'un pour l'autre. Néanmoins, ils s'acquittent de leur devoir, raison d'État oblige. 

Après la naissance d'une première fille, Louise, qui laissera son nom à une belle avenue de la capitale, voici un premier garçon, Léopold, le 12 juin 1859. Puis une autre fille, Stéphanie.

L'unité précaire de la famille est brisée le 22 janvier 1869 par la mort du petit Léopold. Le couple trouve encore moyen de faire une fille, Clémentine, puis cesse toute relation. Marie-Henriette se retire, tantôt à Spa, station très courue de toute l'aristocratie européenne, tantôt à Ostende, station balnéaire plus paisible. Elle se consacre à ses filles, qu'elle élève sans amour.

Elles connaîtront des destins tourmentés, en particulier Stéphanie, mariée à 16 ans au meilleur parti d'Europe, croit-on : l'archiduc Rodolphe. Celui-ci lui donne une fille mais aussi une maladie vénérienne attrapée dans les lupanars, qui la laissera stérile. Après le drame de Mayerling et le suicide de son mari, elle refera sa vie avec un officier hongrois.

Et le roi des Belges dans tout ça ? Animé par des besoins pressants, il multiplie les aventures, le plus souvent à Paris, à l'Élysée Palace, ou sur la côte d'Azur, dans ses propriétés de Saint-Jean-Cap-Ferrat, se souciant peu du qu'en-dira-t'on et de l'impopularité...

En 1900, à 65 ans, il rencontre à l'Élysée Palace une jeune courtisane d'origine roumaine, de seize ou dix-sept ans, Blanche Delacroix. Elle va devenir le dernier amour de sa vie. À l'imitation de son père, il va s'afficher avec elle sans trop de pudeur et même l'anoblir. 

Sur son lit de mort, quatre jours avant le voyage pour l'au-delà, il épouse sa jeune maîtresse. Dans le même temps, il éconduit ses filles, venues à son chevet en quête de réconciliation, et les prive de sa colossale fortune. 

Mais dans le souci d'accomplir jusqu'au bout son devoir de souverain, conscient des menaces qui pèsent sur la paix, il exige aussi, à la veille de sa mort, de signer la loi qui impose le service militaire obligatoire. Pointilleux, il rend l'âme le 17 décembre 1909, quarante-quatrième anniversaire de sa prestation de serment.

Succès publics et polémiques

Léopold II de Belgique (17 décembre 1865 ? 17 décembre 1909)Le long règne de Léopold II ne saurait évidemment se réduire aux tourments et scandales de sa vie privée. Le roi a aussi mené une politique volontariste sans craindre d'engager sa fortune personnelle.

Il se passionne en premier lieu pour l'urbanisme et dote Bruxelles de grandes avenues et de monuments comme la Bourse du commerce ou le Palais royal, reconstruit à la suite d'un incendie.

La capitale atteint le million d'habitants et devient une capitale européenne. Son développement va de pair avec l'industrialisation du pays, illustrée par de grandes entreprises comme le chimiste Solvay.

Mais Léopold II voit plus loin encore. Il veut engager la Belgique dans la «course au drapeau» par laquelle les grandes puissances européennes se sont lancées à la conquête des dernières terres libres du monde, essentiellement en Afrique noire.

Le 12 septembre 1876, il ouvre une conférence de géographie au Palais royal de Bruxelles en vue de promouvoir l'exploration du continent noir et la lutte contre l'esclavage, prétexte à la conquête et l'occupation.

Deux ans plus tard, il reçoit l'aventurier américain Henry Stanley et lui confie une mission de reconnaissance dans le bassin du Congo, financée sur sa cassette personnelle. C'est le début d'une étourdissante aventure qui va conduire le roi des Belges à devenir, à titre personnel, le maître absolu de la rive gauche du Congo, soit environ deux millions de km2. 

Il ne connaîtra cette propriété qu'à travers les cartes et les rapports de ses agents. Surmontant les embûches britanniques, Léopold II obtient du chancelier allemand Bismarck la réunion d'une conférence internationale le 26 février 1885, à Berlin, qui va lui reconnaître officiellement la propriété du territoire, curieusement dénommé : «État indépendant du Congo».

Dans l'intérieur du pays, ses agents entament l'exploitation des ressources locales par des méthodes brutales. Ils soumettent les indigènes à des corvées pour développer notamment l'exploitation du caoutchouc ou collecter l'ivoire. Les réfractaires sont nombreux et les colons ripostent aux jacqueries par une répression impitoyable.

En 1904, un collaborateur de l'entreprise royale, Edmund Dene Morel, indigné, démissionne et fonde la «Congo Reform Association», ce qui laisse le roi indifférent. Peu après, il lègue le Congo à la Belgique. Mais le Parlement n'accepte le cadeau qu'après beaucoup d'hésitations et c'est seulement le 15 novembre 1908 que le territoire devient officiellement colonie belge.

Léopold II peut mourir avec le sentiment d'avoir réalisé son ambition : la Belgique est désormais un État qui compte. 

Publié ou mis à jour le : 2020-01-09 17:36:26
Pierre De WITTE (17-05-2016 19:17:33)

Qui aurait pu penser qu’un pays aussi exigu que la Belgique jouerait un rôle dans l’aventure africaine ?

Cette Belgique qui a servi de champs de bataille durant des siècles, s’étant elle-même arrachée du joug des Pays-Bas depuis seulement une vingtaine d’années.
Seuls la France, l’Angleterre et le Portugal avaient des possessions africaines d’une certaine importance.
Le roi Léopold II avait compris que c’est de l’Afrique que viendrait sa puissance. Il invita les explorateurs de divers pays à une conférence géographique scientifique sur les découvertes en Afrique, sans pour autant éveiller la susceptibilité des autres puissances.
Après 1880, et bien des luttes stratégiques, juridiques et diplomatiques entre les anglais, les hollandais, les français, les belges et les portugais, le Congo fut enfin reconnu État indépendant lors du congrès de Berlin en 1885 grâce aux efforts et au génie, du roi-souverain Léopold II, qui pourtant ne se rendit pas à Berlin.
Les français, les portugais les anglais et les allemands pensaient que ce serait une zone tampon, tout comme l’était la Belgique en 1830.
En effet, tous deux n’ont qu’un petit accès au littoral qui s’ouvre comme un entonnoir sur le pays.
Ce fut un véritable coup de maître.

L’œuvre entreprise par le roi était gigantesque.
La pacification, l’organisation et la lutte anti-esclavagiste exigeait des sommes considérables.
Ce fut la période la plus contestable car les chefs de poste outrepassant les instructions justes et modérées du roi, infligèrent des châtiments corporels horribles aux indigènes, plus habitués à la cueillette et à la chasse ou la pêche qu’au labeur régulier comme la récolte du caoutchouc qui était longue et pénible tout comme celle de l’ivoire.
L’histoire économique du Congo est celle d’une série de coups de chance invraisemblables.
Aucun autre pays au monde n’a eu autant de chance que le Congo avec ses richesses naturelles.:
L’arbre à caoutchouc est arrivé à temps pour remplacer le commerce de l’ivoire qui déclinait, l’exploitation minière arriva juste à temps pour prendre la relève de la récolte du caoutchouc qui périclitait.
Chaque fois que le marché international a exprimé une demande pressante, le Congo disposait de réserves de la marchandise convoitée.
Depuis l’ivoire à l’époque victorienne, le caoutchouc après l’invention du pneu gonflable, le cuivre lors de la forte expansion industrielle, l’uranium durant la guerre froide, le coltan à l’ère de la téléphonie mobile.
Mais hélas, la majorité de la population n’en a pas perçu une miette.
Voir mon site de collectionneur : www.dico-collection.com

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net