« Il faut cultiver notre jardin », nous a enseigné Voltaire. Depuis des siècles, l'homme s'y emploie.
À la fois omniprésents et éphémères, sauvages et soumis, les jardins sont vite devenus une source d'agrément, voire de réflexion et d'expression artistique.
À l'heure où les zones construites ne cessent de s'étendre au détriment de la nature, remontons les siècles pour relire la riche histoire des jardins et comprendre l'amour que nous portons à ces coins de terre qui demandent tant de soins.
Intermédiaire entre la Terre et le ciel, symbole de la fertilité, le jardin est au cœur de nombre de mythes et religions. Création des dieux avant d'être celle des hommes, il est le chaos transformé en refuge, un lieu béni dédié au repos et au bonheur : c'est ainsi que le calme de l'enclos d'Alkinoos et de la roseraie du roi Midas permirent respectivement à Ulysse et Silène de retrouver quelques forces.
Mais le jardin est aussi un espace secret dont les coins et recoins peuvent dissimuler un trésor. L'envie est forcément grande d'aller y voir d'un peu plus près ! Et voici donc Héraclès parti explorer le verger des Hespérides pour s'emparer des fameuses pommes d'or. L'aventure se finira bien pour le héros, mieux en tout cas que pour Adam et Eve, également soumis à la tentation face à l'arbre de la Connaissance.
Dans la Genèse, l'Eden, le « Pays des Délices », est le lieu du commencement, auquel répond dans le Nouveau Testament le mont des Oliviers où Jésus se recueillit dans le domaine de Gethsémané avant son arrestation. Par la suite, la symbolique des fleurs poussera souvent les peintres à représenter la Vierge au cœur de splendides enclos.
La septième merveille du monde
Les Anciens ne s'y sont pas trompés lorsqu'ils ont inclus dans leur liste des merveilles de leur temps un bout de terre mésopotamien transformé en chef-d’œuvre : les jardins suspendus de Babylone, voulus au Ve s. av. J.-C. par Nabuchodonosor II pour son épouse, nostalgique de ses montagnes natales. Cette réalisation n'avait été rendue possible que grâce à une parfaite maîtrise de l'irrigation permettant de monter les eaux de l'Euphrate aux différentes terrasses.
Quinze siècles auparavant déjà, grâce au Nil, lotus et anémones étaient cultivés pour agrémenter les parcelles géométriques s'étendant aux abords des palais royaux. Faire éclore la vie et les couleurs dans des zones désertiques a toujours semblé un miracle, la création d'un monde plus beau, plus accueillant : le mot « paradis » ne vient-il pas d'ailleurs du persan Pairi-daeza utilisé pour désigner un lieu protégé par des murs ?
Alexandre le Grand se montra malheureusement peu sensible à ce charme lorsqu'il détruisit en grande partie les célèbres jardins de Persépolis où l'ennemi juré des Grecs, Darius Ier, aimait à chasser. Mais le conquérant ne put anéantir l'image du paradis ombragé qui allait rester dans les imaginaires.
Académie, vasques et pergolas
Dans la Grèce antique au sol aride, on préfère planter des oliveraies qui se transforment parfois en bois sacrés. C'est dans ce type de sanctuaires, renvoyés aux limites de la ville faute de place, que philosophes et savants aimaient à s'entretenir, sous les arbres de l'Académie de Platon ou du Lycée d'Aristote.
Les Romains s'emparent de l'idée du jardin public tout en développant les espaces privés fleuris, notamment grâce à l'arrivée de plantes orientales. Ils y multiplient les éléments décoratifs comme ces vasques destinées à attirer les oiseaux, incarnations des âmes des disparus. Mais les jardins n'étaient pas seulement dédiés à la contemplation et aux messages allégoriques : les puissants avaient bien compris qu'ils tenaient là un symbole de pouvoir politique.
À la suite de Lucullus, ils créent de magnifiques jardins qu'ils n'hésitent pas, comme César, à offrir au peuple. Néron, sur les ruines de Rome incendiée, puis Hadrien, dans sa magnifique villa de Tivoli, cherchèrent ainsi à recréer le locus amoenus (« lieu charmant ») si cher aux poètes...
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
janine Christiany (22-03-2014 12:03:29)
Je voulais simplement vous signalé que nous avons publié avec Yves-marie Allain : "L'art des jardins en Europe de l'évolution des idées et des savoirs-faire" chez Citadelles Mazenod en 2... Lire la suite
marie-caroline (25-07-2013 09:32:52)
Bravo pour ce bel article de synthèse .On aurait aimé en lire un peu plus sur les jardins japonais, et peut-être sur les initiatives du XXIème siècle de jardins dans les friches urbaines nord-amÃ... Lire la suite
Jacqueline Lyroudias (24-03-2013 11:26:24)
J'ai beaucoup apprécié l'article et les belles reproductions de tabeaux, je envois l'article à mes nièces pour les en faire profiter.
Merci et continuez à nous faire connaitre de beux articles et montrer de belles reproductions de tableaux.
JLT (15-03-2013 12:09:09)
Charmant et docte article.L'immense jardin botanique gravé de Thoutmosis III, à Karnak,et la colossale fôret de colonnes de la salle hypostyle,de Sethi I et RamsesII,sont aussi des jardins; l'un de... Lire la suite
Anonyme (12-03-2013 19:29:57)
Joyeux anniversaire André Le Nôtre !
niki (12-03-2013 15:45:36)
merci pour ce très bel article, qui n'est pas sans rappeler le livre sur les jardins de la collection découvertes-gallimard - même en ne possédant pas (plus) de jardin, on embrasse totalement ceux... Lire la suite
decoster (12-03-2013 14:57:59)
J'ai été émerveillé par ce très bel article sur les jardins de l'antiquité à nos jours où j'ai pu revoir le jardin d'Akhénaton qui tapisse un mur du Musée égyptien du Caire. Passionné de j... Lire la suite
marie-caroline (12-03-2013 10:55:18)
Bravo pour ce bel article de synthèse .On aurait aimé en lire un peu plus sur les jardins japonais, et peut-être sur les initiatives du XXIème siècle de jardins dans les friches urbaines nord-amÃ... Lire la suite
roger (12-03-2013 06:17:54)
Cet artcle est très bien rédigé et très bien illustré.Toutes mes félicitations. Dans le cadre de www.retorica.info j'en avais rédigé un sur le même sujet mais qui n'offrait pas le même inté... Lire la suite
Hugues Gosset (11-03-2013 22:35:47)
Très belle reconstitution. C'est dans les jardins que furent mises au point les centaines de façons de cultiver la vigne (en foule, en rangs, treilles, espaliers, etc, etc…). Certaines vignes pr... Lire la suite