L'écriture

Du papyrus à la tablette tactile

Les premiers hommes se servirent des parois des grottes pour communiquer : un support défiant les siècles mais pas facilement transportable. Il fallut trouver mieux...

Les supports de l'écriture ont déterminé au fil de l'Histoire nos façons de lire, écrire et communiquer. Partons à leur découverte dans un voyage plein de surprises, de la pierre et de l'argile des origines aux tablettes numériques d'aujourd'hui.

École française, Le Colporteur, XVIIe s., Musée des Arts et traditions populaires, Paris.

De la pierre au calame

Chaque civilisation, en accédant à l'écrit, environ 3000 ans av. J.-C., dénicha une solution dans son environnement : l'argile chez les Mésopotamiens, le papyrus chez les Égyptiens, le bambou chez les Chinois.

Bouts de poterie, carapaces de tortue ou omoplates de chameau firent aussi l'affaire.

Carapace de tortue gravée, Chine, 14e s. av. J.-C., Figeac, musée Champollion.

La pierre n’est pas abandonnée pour autant, puisque partout les monuments se couvrirent d'inscriptions religieuses, politiques ou de simples graffitis. Le burin est dans ce cas l'outil le plus approprié.

Pour le reste, les professionnels de l’écriture, autrement dit les scribes, ont des outils plus délicats. Dans les vallées de l'Euphrate et du Nil, ils se servent de « calames », roseaux taillés en pointe.

Mais tandis que les Sumériens et autres habitants de la Mésopotamie se contentent d'enfoncer ces calames dans l'argile fraîche, les Égyptiens tracent les lettres sur le papyrus à l'aide d'encre noire, composée d'eau et de suie, ou rouge pour les noms de dieux, fabriquée à base d'un sulfure de mercure.

Décret de Callias, 5e s. av. J.-C., Figeac, musée Champollion.

Du papyrus au parchemin

Le papyrus est une plante fibreuse abondante dans le delta du Nil. Ses tiges sont habilement triturées pour constituer un support d’écriture apprécié en Égypte et au-delà. Ce n’est pas un hasard si le papier, connu bien plus tard, lui a emprunté son nom…

Le scribe accroupi, statuette en calcaire et albâtre, vers 2500 av. J.-C., nécropole de Saqqarah (musée du Louvre, Paris)Assis en tailleur, le scribe cale entre ses genoux le rouleau de papyrus. Il le déroule d'une main et le re-enroule de l'autre. Cela réclame toute une gymnastique, tant pour l’écriture que pour la lecture.

Le papyrus, coûteux, est réservé aux scribes professionnels. Les apprentis ont à leur disposition des planchettes enduites de cire qui peuvent être effacées à volonté avec la spatule au bout du stylet.

Dans l’air sec de la vallée du Nil, les papyrus se montrent d’une grande résistance et beaucoup ont traversé les siècles jusqu’à nous. Mais autour du bassin méditerranéen, ils sont bientôt concurrencés par un nouveau support, le parchemin.

Celui-ci tire son nom de la ville de Pergame, en Turquie actuelle (du grec pergamene, peau de Pergame).

Dépités que l'Égypte refuse de leur fournir le précieux papyrus, les artisans de cette ville se tournent au IIe s. av. J.-C. vers le cuir de veau ou de mouton. Il présente l'avantage d’être souple et de pouvoir être utilisé sur ses deux faces.

Dans le même temps, la plume remplace la tige de roseau. Choisie de préférence sur l'aile gauche d'une oie de belle taille, elle apporte davantage de précision au scribe.

Rouleaux de la Torah (XVIIe siècle)Mais en Judée, en Grèce ou encore à Rome, on continue d’écrire sur de longs rectangles de papyrus ou de parchemin roulés en cylindre : le « volumen ». C’est encore de la sorte que se présentent les textes sacrés des synagogues juives.

Pour la lecture, il faut utiliser les deux mains afin de simultanément déplier et replier le volumen. Comme cela rend la concentration difficile, on fait appel à un lecteur pour déchiffrer le texte et le lire à haute voix.

Dans les premiers siècles de notre ère, les Romains utilisent pour les notes de la vie quotidienne  des tablettes de bois recouvertes de cire, appelées « codex » (du latin caudex, souche ou tronc d'arbre). Ils en viennent à relier ces tablettes par des lanières, puis les remplacent par des feuilles de parchemin.

Pliées plusieurs fois, ces feuilles forment des cahiers (du latin « quaternio » : plié en quatre) qui sont ensuite cousus ensemble. Il s’agit ni plus ni moins de l’ancêtre de nos livres. Cette nouveauté va proprement révolutionner la manière d’écrire, de lire, d’apprendre et de communiquer.

Beaucoup plus maniables que les rouleaux (« volumen »), les livres (« codex ») permettent en premier lieu des éditions compactes avec du texte sur les deux faces de chaque feuille. Deux tomes suffisent à saint Augustin pour faire relier sa Cité de Dieu.

La lecture est facilitée par l'introduction de la ponctuation, la division en chapitres et l'ajout d'un index. On peut surtout conjoindre lecture et écriture, se dispenser des services d’un lecteur et pratiquer la lecture silencieuse. « L’écrit l’emporte définitivement sur le primat longtemps incontesté de la parole » écrit l'historien Henri-Iréné Marrou (Décadence romaine ou Antiquité tardive ? IIIe-IVe siècle, Seuil 1977)… Mais peut-être assistons-nous aujourd’hui à un retour de balancier avec les moyens de communication audio et vidéo.

Comptes sur tablettes de cire, Allemagne, début du XVIIe siècle, BnF, Paris.

L'habileté des copistes médiévaux

À la fin de l’Antiquité, les troubles mettent fin au commerce du papyrus égyptien. Les Occidentaux ne disposent plus que du parchemin comme support d’écriture.

Moine achetant du parchemin, manuscrit allemand, XIIIe s., Det Kongelige Bibliotek, Copenhague.L'écriture et la lecture deviennent le domaine réservé d’une élite d’administrateurs et de clercs d’Église. Au plus fort des invasions barbares, aux Ve et VIe siècles, le savoir antique se réfugie dans les pauvres monastères irlandais, à l’extrémité du continent.

Les moines se font alors un devoir de copier et dupliquer les manuscrits dont ils disposent. Appelés comme conseillers et missionnaires par les souverains du continent, ils fondent de nouveaux monastères voués à la copie de manuscrits.

Saint-Martin de Tours ou encore du mont Saint-Michel acquièrent une grande réputation dans ce domaine avec leurs ateliers de moines copistes (ou « scriptorium »).

Le métier se laïcise dès le début du XIIIe siècle avec l'apparition d'ateliers indépendants qui profitent d'un élargissement de la demande : la bourgeoisie urbaine ne cherche plus seulement des livres religieux en latin mais aussi des traités de droit, des ouvrages de littérature ou encore des manuels de cuisine, en langue « vulgaire ». (...)

Publié ou mis à jour le : 2019-05-02 17:37:36
ciceron (15-03-2013 11:03:35)

Excellent survol de l'histoire de l'écriture, donc de la communication. Tout n'est pas terminé pour le livre, il y a le plaisir du toucher, du bruit du papier, de l'odeur, du plaisir de le mettre dans la poche et, de plus, pas besoin de penser à "recharger" la batterie, on est libre...

JLT (11-03-2013 20:57:27)

Palimpsestes:les égyptiens aussi("polissoirs"Musée de Louxor). De nos jours, le support d'écriture dit "papyrus" peut, parfois, être fait de fines lamelles de bananes,croisées et séchées...On n'arrête pas le progrès.D'autant que le tracé est bon(petit gris n°2 et encre de Chine) et le précieux document toujours livré à l'heure.l'anecdote de Cicéron est très fine.
Cordialement
Cordialement

Maurice BOURENE (06-03-2013 08:31:38)

Très bon résumé, concis et clair. De plus agréable à lire.

afe (05-03-2013 18:38:29)

l'invention du papier, date de 220 avant notre ère sous le règne de Qin Shiyangdi.
Voir: http://cerig.pagora.grenoble-inp.fr/histoire-metiers/fibre-pate/page01.htm

Thierry (05-03-2013 13:50:34)

Un oubli, le linéaire A minoen et surtout B des tablettes d'argile cuites dans l'incendie des palais mycéniens et déchiffrées par Michael Ventris. A part cela, Hérodote est toujours aussi excellent.

mf (05-03-2013 13:50:07)

je suis très étonnée que vous datiez la machine électronique en 1950 car personnellement j'ai appris à taper en 1965 sur une machine mécanique et il a fallu attendre 1975 pour que la machine électrique apparaisse dans les bureaux.

Petfor (05-03-2013 11:51:34)

Une oubliée.
Plumes, stylos et stylos-plumes
Et puis est apparu en Occident au début des années 1970 un nouvel outil provenant, je crois, d'Extrême-Orient, où il était abondamment utilisé : la pointe feutre qui allie la facilité et la rapidité du crayon à bille et l'élégance de l'encre du stylo-plume.
On pourrait aussi peut-être ajouter l'emploi dans certain domaine de la bombe de peinture employée pour illustrer nos murs et les faces des véhicules de transport public. Mais cela serait sortir du sujet.
Imaginons quand même l'homme de Cro-Magnon disposant d'un tel outil et l'utilisant pour nous transmettre les fresques des grottes de Lascaux ...

Luis Eduardo Neves (05-03-2013 10:52:05)

Avant l'Américain Christopher Sholes (1867), en 1861 le prêtre brésilien Francisco João Azevedo a présenté sa machine à écrire dans une exposition industrielle...

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