Entre l'an 12 500 et l'an 7 500 av. J.-C., de petites communautés humaines commencent à se grouper dans des villages permanents. Puis elles développent l'agriculture en complément de la chasse, de la pêche et de la cueillette. Elles pratiquent ensuite l'élevage et enfin cultivent les arts du feu, notamment la poterie et la métallurgie du bronze.
Les hommes cessent d'être seulement des prédateurs qui puisent leur subsistance dans la nature. Ils deviennent des producteurs qui renouvellent ce qu'ils consomment (graines, gibier) par les semis et l'élevage. Ce changement est observé au Moyen-Orient et presque simultanément en Chine du nord, au Sahara et dans la Cordillère des Andes.
Premiers villages
Avant que ne survienne ce changement, les premiers hommes vivaient dans des abris sous roche et tiraient leur subsistance de la chasse, de la pêche et de la cueillette... Ainsi vivaient par exemple les hommes qui décorèrent les grottes de Lascaux et d'Altamira (16 000 ans avant notre ère).
Nomades et peu nombreux (quelques centaines de milliers en tout et pour tout), ils parcouraient la terre en quête de nourriture. Ils jouissaient sans trop de mal des fruits de la Terre, d'autant qu'après la dernière glaciation, qui remonte à 16 000 ans av. J.-C., le réchauffement du climat avait favorisé dans les zones tempérées la prolifération du gibier, des céréales (blé et orge) et des légumineuses (pois ou lentilles).
Tout change vers 12 500 ans av. J.-C.. Le changement est si important que les préhistoriens le qualifient de « révolution néolithique ».
Le Moyen-Orient se couvre à cette époque-là de graminées (céréales) et l'« on a pu calculer qu'une personne pouvait récolter en deux semaines assez d'engrain sauvage pour nourrir une famille de quatre personnes pendant un an » (note).
Au Proche-Orient, dans la région du Jourdain, certaines communautés profitent de cette nourriture abondante à portée de main pour habiter à plusieurs familles dans un village permanent plutôt que de se déplacer sans cesse et de dormir dans des abris de fortune. Ils choisissent de vivre groupés mais sans rien changer à leur pratique de chasseur-cueilleur. Ces villages marquent le début d'une période charnière appelée Mésolithique (du mot grec mesos qui signifie milieu).
Premiers semis
L'agriculture n'a pas été à proprement parler inventée. Les chasseurs-cueilleurs savaient de toute éternité qu'en lâchant une graine sur le sol, elle donnerait une nouvelle plante. Au début de l'humanité, tirant assez de ressources de la simple cueillette, ils ne se souciaient pas d'exploiter méthodiquement cette observation.
Puis, on l'a vu, les hommes ont commencé à se grouper en petits villages sans cesser de pratiquer la chasse et la cueillette, simplement parce que la vie en communauté leur apportait plus de confort et de sécurité que la vie en solitaire. L'amélioration des conditions de vie a alors favorisé la croissance de la population.
Autour des villages, il est devenu de plus en plus difficile de s'en tenir à la simple cueillette. C'est ainsi que l'on a commencé de favoriser la croissance des plantes autour des maisons. Puis, on s'est astreint à des travaux de binage et d'entretien des parcelles pour en améliorer le rendement.
Les origines de ce changement ne sont pas complètement élucidées mais le préhistorien Jacques Cauvin peut toutefois affirmer que « le passage à l'agriculture n'est pas, à ses débuts, une réponse à un état de pénurie » (note).
Révolution culturelle
Des deux millénaires qui s'écoulent entre 9 500 et 7 500 av. J.-C., il nous reste des vestiges remarquables sur le site de Jéricho, la plus ancienne des villes actuelles, comme sur celui de Mureybet, au bord de l'Euphrate (l'Irak actuel).
Selon les propos de Jacques Cauvin, ces vestiges témoignent d'un véritable choc culturel avec la banalisation de l'agriculture, l'apparition de l'élevage et le développement d'une civilisation urbaine, avec aussi une hiérarchie sociale et une segmentation par profession.
Une nouvelle architecture émerge avec des maisons à plan rectangulaire. La forme ronde est dès lors réservé aux maisons communautaires ou aux sanctuaires (comme aujourd'hui le chevet des églises ou le mirhab des mosquées). Les maisons rectangulaires non enterrées et les premières chèvres domestiquées témoignent de la volonté des hommes de s'affranchir des éléments naturels et de les dominer.
La révolution néolithique se diffuse assez vite du Levant (la région du Jourdain) vers l'Anatolie (la Turquie actuelle). On en trouve les traces à Cayönu et Nevali ainsi qu'à Catal Hüyük. Le site archéologique de Catal Hüyük, près du lac de Konya montre des maisons resserrées, auxquelles on accède par le toit (à cause du climat froid de la région). Ce village aurait été fondé vers 7 500 avant notre ère. Enfin, entre 7 500 et 6 200 av. J.-C., c'est l'explosion, le « grand exode » ! Des migrants diffusent l'économie urbaine et agro-pastorale du néolithique au-delà du Moyen-Orient, vers l'Europe comme vers les monts Zagros (Iran).
L'émergence au Néolithique de la sédentarisation et de l'agriculture a partout des conséquences incalculables sur l'organisation sociale. Il faut que chacun se prémunisse contre le risque de se faire dépouiller de ses cultures et de ses provisions. Ainsi naissent la propriété et le droit qui s'y attache.
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Cette carte montre le Croissant fertile (en vert bien sûr). Dans cette région aujourd'hui en grande partie désertique qui va de l'Égypte à la Mésopotamie (l'Irak actuel) sont nées les villes, l'agriculture et l'écriture !
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Bruno Lalouette (02-02-2010 17:33:51)
Bonjour,
Je ne suis pas d'accord avec l'auteur.
En effet, les plus anciennes représentations à ce jour du culte de la déesse mère ont été trouvées en Autriche.
Appelée Vénus de Willendorf (du nom du village), et datant du Paléolithique supérieur, vers 24 000–22 000 av. J.-C.
Quand au culte du taureau, nous pouvons tous admirer ses premières représentations avec les "Aurochs" dessinés sur les parois de nos grottes.
Bruno Lalouette (02-02-2010 13:47:01)
Bonjour,
Les plus anciennes représentations à ce jour du culte de la déesse mère ont été trouvées en Autriche.
Appelée Vénus de Willendorf (du nom du village), et datant du Paléolithique supérieur, vers 24 000–22 000 av. J.-C.
Quand au culte du taureau, nous pouvons tous admirer ses premières représentations avec les "Aurochs" dessinés sur les parois de nos grottes.
Pascal Gauthier (20-01-2010 17:11:55)
Jeanne Lafont se laisse emporter quand elle dit que l'homme chasseur cueilleur ne se soucie pas du renouvellement de sa subsistance : la divinité de ces peuples est la fécondité, parce que de celle des animaux dépend la leur. La fécondité sera donc logiquement protégée. Les peuples de chasseurs tuent peu de femelles, et jamais de femelles gravides ; ils chassent surtout des jeunes mâles, ce prélèvement sélectif préservant la capacités des espèces à se renouveler.
D'après Cauvin les divinités passent de femelles à mâles au cours du processus de néolithisation, en particulier avec l'adoption de l'agriculture comme mode de production. Au Moyen-Orient il y a un long intermède de chasseurs-cueilleurs vivant de la cueillette de blé et d'orge sauvage, le Natoufien, qui aurait pu être mentionné, parce qu'il a probablement donné naissance à la légende du paradis terrestre.
Enfin si la Bible semble donner raison à l'agriculture, c'est qu'elle n'est que la chronique d'un peuple d'agriculteurs itinérants qui a fini par se stabiliser en trouvant un mode de culture permettant de préserver ou de reconstituer la fertilité des sols. Du coup la concordance n'est plus singulière, mais normale. La dernière phrase de cet article peut être lue de deux manière différente : soit la Bible concorde singulièrement avec la néolithisation telle que la décrit Cauvin, soit, selon Cauvin, la Bible concorde singulièrement avec la néolithisation ! Il me semble que c'est la première version la bonne.
Georges HERVE (02-10-2006 16:43:28)
Je pense que Cyrille va un peu vite lorsqu'il parle de transmission hérédfitaire des propriétés qu'il semble lier directement à l'apparition de l'agriculture et de l'élevage.
Quant au caractère ultra violent des sociétés matriarcales, cela me semble aussi une supposition gratuite : l'exemple des Amazones, avant tout peuple mythique, n'est gère probant. Il serait plus intéressant d'interroger les ethnologues qui ont étudié les dernières sociétés matriarcales existant encore au cours du siècle passé.
Le parallèle avec certaines sociétés d'insectes (abeilles, fourmis, etc.) peut apporter quelques éléments de réflexion, mais il me semble dangereux de les extrapoler aux sociétés humaines archaïques.
Par contre, il me semblerait tout à fait souhaitable de retracer les transformations des organisations sociales qui ont été produites par la sédentarisation agricole. Et de ne pas mélanger agriculture et élevage : il semble que l'élevage soit apparu dans de vastes régions sans développement de l'agriculture, probablement chez des peuples chasseurs, nomades dans la mesure où ils suivaient les migrations des animaux qu'ils chassaient. Ces chasseurs sont devenus progressivement pasteurs en restant nomades. Leur organisation sociale a muté, sans que je puisse avancer d'hypothèse : accroissement de la population des clans devenant progressivement des peuples ? Rôle des chamanes ?
Quant au "mariage" et à la "fidélité", il me semble qu'il faille en rechercher les origines, là encore, en interrogeant les ethnologues.
Il y aurait beaucoup de thèmes à creuser dans tout cela, mais ce site offre-t-il un cadre adapté à de telles recherches ?
Georges HERVE - 2 octobre 2006
Cyrille (29-06-2006 15:53:36)
Ce passage d'une civilisation de chasseur-cueilleur à celle de pasteur-laboureur aurait provoqué le passage d'une société matriarcale à une société patriarcale. Dans la première, à l'image des sociétés d'insectes, l'homme est le guerrier et son existence est précaire, c'est une sorte d'outil, de soldats soumis, d'esclave tout juste bon à ramener la nourriture. La société se construit autours des femmes et de leur fécondité. Ces sociétés féminines sont ultra violentes (démentant les fantasmes actuels sur les qualités féminines) à l'image de leur forme la plus aboutie, les Amazones
Avec l'agriculture, et l'élevage, l'homme devient prépondérant par sa force physique et son espérance de vie semblable à celle des femmes. Les droits de propriété et leur transmission héréditaire obligent à connaître le père de l'enfant (ce qui n'a aucune importance dans les société matriarcales), et donc oblige à la virginité avant le mariage et la fidélité de l'épouse. Le contrat de mariage "moderne" est peut-être né de ces contraintes: obligation pour la femme de garantir le père (virginité et fidélité absolue), et obligation de prise en charge matérielle sur le long terme pour l'homme (aisance matérielle et non abandon=fidélité relative).