La cité de Carthage affronta sa rivale Rome pendant plus d'un siècle, de 264 à 146 av. J.-C., pour la domination de la Méditerranée occidentale.
Ces guerres puniques (d'après un autre nom donné aux Carthaginois) se terminèrent sur une victoire totale de Rome. Bien oubliée depuis, la cité de Carthage n'en était pas moins digne de considération.
Des commerçants audacieux
Les habitants de Carthage sont originaires du pays de Canaan, c'est-à-dire du Proche-Orient actuel (Liban, Israël et Palestine).
Également appelés Phéniciens, les Cananéens étaient d'habiles navigateurs et des commerçants hors pair. Ils étaient connus des Égyptiens contemporains de Ramsès II sous le nom de Peuples de la Mer. Ils sont à l'origine de notre alphabet phonétique.
Les cités phéniciennes comme Sidon ou Tyr ont créé des colonies tout autour de la mer Méditerranée, autour d'anses rocheuses propices à l'amarrage des navires et appelées cothons. C'est ainsi que Gadès et Utique ont été fondées par les Phéniciens dans l'actuelle Tunisie entre le XIIe et le Xe siècles.
Selon une tradition légendaire prisée des Carthaginois, leur ville aurait quant à elle été fondée en 804 av. J.-C. par Élissa, reine de Tyr, après que son frère Pygmalion eut fait assassiner son époux Acherbas. Plus sûrement, Carthage (ou Qart hadasht, la Ville neuve) a été fondée plus tard, en 663 av. J.-C., par des marins de Tyr, sur une presqu'île entourée de lagunes, au nord de l'actuelle Tunis. Quoi qu'il en soit, la cité conserva toujours des rapports filiaux avec Tyr, attestés par une offrande lors de la fête annuelle du Melkhart.
Au sommet de sa gloire, la cité punique compta 700 000 habitants si l'on en croit Strabon, un historien romain du IIe siècle av. J.-C.
République oligarchique
Carthage se développa lentement. Quand Tyr fut ruinée par les invasions assyriennes et perses, elle regroupa autour d'elle les colonies phéniciennes de la Méditerranée occidentale. Dès 654, elle fonda elle-même une colonie à Ibiza, dans les Baléares. En Afrique même, elle dut sécuriser son arrière-pays, indispensable à son ravitaillement, en luttant contre les Numides et les Berbères.
Dès le VIe siècle, la royauté primitive fut renversée les principales familles de marchands et remplacée par un gouvernement oligarchique, abusivement qualifié de républicain, comme Rome, Athènes ou plus tard Venise et Florence.
Le Sénat, qui regroupe les hommes libres, élit chaque année deux Rois ou suffètes. Les Rois sont assistés par un Conseil des Anciens, recruté parmi les sénateurs. Ils sont choisis au début dans la famille des Magonides puis dans celle des Hannonides. D'autres familles réussiront ensuite à s'imposer en s'appuyant sur la plèbe des artisans et des marins. Il s'agit en particulier de la famille des Barcides, à laquelle appartiennent Hamilcar et ses fils Hasdrubal et Hannibal.
Toutefois, à la différence notable de Rome ou des cités grecques, Carthage ne confie pas sa sécurité aux citoyens-soldats mais à des mercenaires de toutes origines... et à la fidélité douteuse.
L'agriculture savante, attestée par le traité d'agronomie de Magon, l'arboriculture et la céramique sont les principales ressources de Carthage, sans oublier surtout le commerce... « Les Puniques inventèrent le commerce » écrit l'historien romain Pline l'Ancien.
Comme Tyr, Carthage fait le négoce des métaux (argent, étain) avec Gadès ou Cadix, en Espagne. Elle distribue aussi dans toute la Méditerranée des produits africains (or du Soudan, esclaves, ivoire, animaux sauvages) ainsi que des produits agricoles de sa région (vin, huile d'olive, salaisons) et des produits manufacturés (meubles, céramiques, tentures, parfums,...).
À la différence des marins grecs, ses marins ne craignent pas de franchir les colonnes d'Hercule (le détroit de Gibraltar) et font du cabotage sur les côtes de l'Atlantique, jusque dans les îles Cassitérides (sans doute la Grande-Bretagne), riches en étain.
L'Histoire garde aussi le souvenir du prodigieux voyage du suffète Hannon. Au cours du Ve siècle av. J.-C., il longea les côtes africaines avec une flotte de nombreux navires et un total de 30 000 hommes (!). Il atteignit le sud du Maroc actuel et doubla les îles du Cap Vert avant de regagner la mère patrie, d'après une relation en grec sur le temple de Ba'al de Carthage.
Les Carthaginois adorent Tanit et surtout Ba'al Hammon. À ce dieu, selon une coutume originaire de Tyr, ils offrent en sacrifice des enfants au cours d'une cérémonie appelée « molek » (ou Moloch). Les malheureux sont jetés dans une fournaise et leurs cendres sont conservées dans un endroit appelé « tophet ». Les archéologues en ont retrouvé les traces sur le site de Carthage.
Bibliographie
Carthage, méconnue, fait l'objet d'un petit ouvrage très complet de François Decret : Carthage ou l'empire de la mer (Seuil, Points Histoire).
Il vaut la peine de lire ou relire aussi Salammbô. Gustave Flaubert raconte dans ce roman épique la guerre des mercenaires, qui mit en péril la grande cité après la première guerre punique.
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