Le 10 août 955, Otton Ier, roi de Germanie - ou Francie orientale -, écrase les Hongrois au Lechfeld, au sud de l'actuelle ville d'Augsbourg, en Bavière, sur l'un des principaux champs de bataille européens.
C'en est fini de la terreur qu'exerçaient les Hongrois depuis plusieurs décennies en Europe centrale (cette terreur était, paraît-il, si grande que des historiens du XIXe siècle ont supposé que le mot ogre venait lui-même de Hongrois mais ça reste une supposition). La victoire du roi Otton met aussi un coup d'arrêt définitif à sept siècles d'invasions barbares en Europe occidentale...
Des nomades en voie de sédentarisation
Les Magyars - aussi appelés Hongrois - sont des éleveurs-cultivateurs de langue ougrienne et donc apparentés aux Mongols.
Leurs origines sont mystérieuses. Selon l'hypothèse la plus répandue, le peuple magyar s'est constitué dans le sud-ouest de l'Oural puis a migré vers le nord de la mer Noire où il s'est mêlé à des peuplades turques, les Onoghours, appelés en latin hungari et dont dérive le nom actuel de la Hongrie.
À la fin du IXe siècle, à l'époque de Charlemagne, Magyars et Onoghours s'allient aux Khazars, contre les Petchenègues. Mais, battus, ils doivent migrer à nouveau et s'installent dans le bassin du Danube, l'ancienne Pannonie romaine. Ils sont rejoints par des éléments khazars, les Kabars. Ensemble, il vont former la Hongrie.
Leur caste guerrière, forte de plusieurs milliers d'hommes, n'a de cesse de razzier les alentours. Les attaquants sont montés sur des chevaux castrés, les hongres, et armés d'arcs. Ils parcourent jusqu'à cent kilomètres par jour et, quand ils rencontrent l'ennemi, l'inondent sous une pluie de flèches sans interrompre leur galop.
Le père d'Otton Ier, le roi saxon Henri Ier l'Oiseleur, calme leur furie en leur payant tribut. Il obtient ainsi un précieux sursis qui lui permet d'organiser la défense de la Germanie. Dans le même temps, les Hongrois s'adoucissaient en se frottant à la culture européenne.
En 933, Henri Ier inflige une sévère défaite aux Hongrois en Saxe. Son fils Otton, qui lui succède en 936, renouvelle l'exploit deux ans plus tard. Et en 950, les Hongrois se voient à leur tour assaillis par le duc de Bavière, Henri, frère du roi Otton. Leurs camps sont pillés et leurs femmes et enfants réduits en esclavage !
Une bataille décisive
Au milieu du Xe siècle, tout semble aller pour le mieux pour le roi de Germanie. L'un de ses frères est duc de Bavière, un autre, Brunon, est archevêque de Cologne. Son fils Liudolf est duc de Souabe et son gendre Conrad le Roux, duc de Lotharingie. Mais voilà que Liudolf et Conrad se révoltent contre le roi en 953. Otton réplique avec brutalité et enlève à son gendre la Lotharingie. Son frère Brunon en hérite.
Alors, Otton se prend à rêver de reconstituer à son profit l'empire de Charlemagne. Mais avant de se rendre à Rome, il lui faut sécuriser sa frontière orientale avec la Hongrie. Les Hongrois n'entendent pas se laisser faire. Ils envahissent la Bavière avec l'intention d'attirer Otton près d'Augsbourg, dans une plaine où leurs archers pourront manoeuvrer à leur aise.
Le 8 août 955, Ulrich, évêque d'Augsbourg, surprend les assiégeants par une sortie et leur inflige un sérieux revers. Informés de l'approche d'Otton, les Hongrois lèvent le siège de la ville, traversent le Lech, un affluent alpin du Danube, et se portent à sa rencontre.
Otton conduit différents contingents allemands d'un total de dix mille hommes. Son arrière-garde est attaquée par surprise dès le matin du 10 août par un détachement hongrois. Mais les Hongrois sont à leur tour surpris par les troupes de Conrad le Roux. De son côté, Otton, par un mouvement tournant de son armée, arrive à étirer le dispositif adverse, ce qui a pour effet de diluer la pluie de flèches tirées par les Hongrois.
Les Hongrois s'enfuient de sorte qu'Otton peut traverser le Lech et piller leur camp. Les jours suivants, ses détachements traquent les fuyards. Les derniers survivants, dont le chef Bulcsu, sont capturés et pendus à Ratisbonne.
La victoire du Lechfeld met fin pour de bon à la menace hongroise. Elle a un grand retentissement parmi les dirigeants et les lettrés de l'Europe chrétienne. Dix à trente ans plus tard, elle sera racontée par deux témoins directs, le moine saxon Widukind et Gebhard, biographe de l'évêque d'Augsbourg.
Chacun y voit à juste titre la fin des Grandes Invasions barbares qui ont tourmenté l'Europe occidentale pendant six siècles. De fait, après cette bataille, l'Europe occidentale n'aura plus à craindre le retour des Normands ou d'un quelconque Attila.
La peur des Barbares s'apaisera au point que, trois siècles plus tard, au XIIIe siècle, la menace mongole passera presque inaperçue en Occident. Il est vrai que ces Mongols gengiskhanides n'iront pas plus loin que... la Hongrie avant de retourner dans les steppes d'Asie.
Pendant un millier d'années, l'Europe occidentale se développera en-dehors de toute immigration extérieure, cela n'excluant pas des mouvements de population à l'intérieur du continent ou vers l'extérieur.
Renaissance impériale
En attendant, le roi de Francie orientale est encensé par son peuple et ses troupes dès le lendemain de sa victoire du Lechfeld. Il devient Otton le Grand et il est très vite poussé à restaurer en Occident l'idée impériale. Il va se faire couronner empereur et créer un nouvel empire en remplacement du défunt empire de Charlemagne.
Quant aux Hongrois vaincus, ils vont se stabiliser en Pannonie, sur les bords du Danube, dans ce qui est aujourd'hui la Hongrie. Le baptême de leur roi Étienne en l'An Mil, et son couronnement par le pape Sylvestre II, sous le parrainage du saxon Otton III, l'héritier de leur vainqueur, leur vaudra d'entrer dans le concert européen.
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marcel (05-08-2015 20:42:14)
D'après le second sens de barbare donné par Wikipedia, ainsi que le sens de l'antiquité grecque et romaine, l'invasion est toujours en cours.
Hébert Philippe (05-08-2015 07:29:59)
De toute évidence, M. Serrano n'est allé qu'assez récemment en Hongrie. J'ai fréquenté ce pays dans les années 70, à une époque ou la domination soviétique interdisait pratiquement la libre ... Lire la suite
SERRANO Guy-Claude (27-11-2008 21:43:19)
Lorsque l'on va en Hongrie et que l'on observe la physionomie de la population,on ne décele aucun trait asiatique, à l'inverse par exemple de ce que l'on peut voir en Turquie. Ces Magyars apparentÃ... Lire la suite