Le 11 juillet 711, les disciples de Mahomet, au nombre de quelques centaines, défont les troupes de Rodrigue, le roi wisigoth qui règne sur l'Espagne chrétienne.
Si modeste qu'elle soit, cette bataille de Guadalete va livrer aux musulmans la plus grande partie de la péninsule ibérique pour près de sept siècles.
Les Wisigoths, une tribu germaine venue d'au-delà du Rhin trois siècles plus tôt, avaient d'abord créé un royaume autour de Toulouse. Ils en avaient été chassés par Clovis et ses Francs et s'étaient dès lors repliés sur la péninsule espagnole. Au fil du temps, ils avaient fait de la péninsule un royaume chrétien relativement prospère.
Mais après la mort du dernier grand roi wisigoth, Wamba, en 680, l'Espagne wisigothe se fragmente, en proie à des luttes claniques liées au caractère électif de la monarchie (comme dans la plupart des royaumes barbares, les successeurs des souverains défunts sont élus par l'assemblée des nobles). L'un de ses successeurs, Wittiza, a pris la précaution d'associer au trône son fils Agila, mais à sa mort en 710, un clan rival élit un autre prétendant, Rodéric (ou Rodrigue).
Agila appelle à l'aide un seigneur établi sur l'autre rive de la Méditerranée, l'émir de Tanger Mousa ibn-Nocair. Il sait qu'il a une manière quelque peu différente d'adorer Dieu mais n'y voit rien à redire. La chose est moins surprenante qu'il y paraît car les chrétiens d'Occident ont encore à cette époque une notion très floue de l'islam et le voient plutôt comme une secte chrétienne que comme une religion rivale.
Mousa ibn-Nocair ne se fait pas prier et envoie à son nouvel ami un corps d'armée commandé par un jeune chef berbère latinisé et fraîchement converti à l'islam, Tarik ibn Zyad.
C'est ainsi que le 30 avril 711, 7 000 guerriers débarquent en Espagne. Ce sont essentiellement des Berbères mais aussi des Arabes et des Syriens, musulmans, chrétiens ou juifs. Le lieu du débarquement est un rocher qui prendra le nom de Gibraltar (d'après l'arabe djebel al Tarik, la « montagne de Tarik »).
Tirant parti de l'impopularité des Wisigoths et faisant peu de cas d'Agila, les musulmans s'emparent sans difficulté d'Algésiras et s'avancent vers Cordoue et l'intérieur des terres. Ils se heurtent bientôt à l'armée du roi Rodrigue.
La rencontre est dite bataille de Wadi Lakka par les chroniqueurs arabes et bataille de Guadalete par les historiens espagnols. Mais l'incertitude plane sur sa localisation exacte. Soit sur les rives du Guadalete, un fleuve qui se jette dans la baie de Cadix, soit sur celles du fleuve Guadarranque, soit encore sur les bords de la lagune La janda, traversée par la rivière Barbate.
Bien que les Wisigoths soient supérieurs en nombre aux envahisseurs, la victoire revient à ces derniers suite à la trahison des deux frères de Rodrigue. Le roi lui-même périt dans l'affrontement.
Tarik n'a plus beaucoup de mal à s'emparer des villes méridionales, à commencer par Séville, qui est détruite faute d'avoir accepté de se rendre. Instruites par cet exemple, les autres villes, comme Cordoue et Grenade, capitulent sans se faire prier. Les habitants chrétiens et juifs ont la vie sauve, conservent leurs biens, leurs lois et leur foi, mais sont soumis à un impôt supplémentaire en leur qualité de dhimmis (« protégés »)...
Il est rapidement rejoint par l'émir Mousa, accompagné de 18 000 hommes et désireux de s'approprier le festin. Authentique Arabe, l'émir entre rapidement en conflit avec son ancien serviteur. Les deux hommes sont invités à s'expliquer devant le calife, à Damas, en 715, et de ce moment, on perd la trace de Tarik ibn Zyad.
La conquête ne s'arrête pas pour autant. Les vainqueurs soumettent rapidement la plus grande partie de l'Espagne. En quelques années, la résistance wisigothe est balayée. Elle ne subsiste que dans quelques vallées isolées de la chaîne cantabrique, à l'extrême nord de la péninsule.
Les envahisseurs, dans la foulée, traversent les Pyrénées et occupent la Narbonnaise. Mais ils se heurtent à Toulouse, en 721, au duc d'Aquitaine. La victoire de ce dernier redonne courage aux Wisigoths réfugiés dans la chaîne cantabrique. Leur chef élu, Pélage (ou Pelayo), bat les musulmans à Covadonga, près d'Oviedo, dès l'année suivante. Cette bataille symbolisera beaucoup plus tard le début de la reconquête de la péninsule par les chrétiens (la « Reconquista »).
Après leur occupation de l'Espagne et leur incursion en Gaule en 732 (bataille de Poitiers), les musulmans marquent une pause dans leurs conquêtes en Occident comme en Orient où leurs offensives se brisent à deux reprises sur les murailles de Constantinople, la prestigieuse capitale de l'empire byzantin, en 673-677 et 717. Leur progression reprend vers l'Asie centrale deux siècles plus tard, à l'initiative des Turcs et non plus des Arabes.
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Voir les 6 commentaires sur cet article
Herbet (11-07-2021 11:53:57)
Très bonne chronologie
Thendara (07-07-2019 13:29:22)
Une information manque : qu'est devenu Agila dans cette histoire ? A-t-il été tué ou s'est-il fait moine dans un couvent ou a-t-il disparu ? Par parenthèse ça illustre bien les dangers d'une prat... Lire la suite
Anonyme (16-07-2016 19:58:18)
Non Witiza était mort, ce sont ses fils et leur oncle l'archevêque Oppas qui s'unirent aux musulmans berbères regroupés derrière Tarik Ibn Zyad. L'autre post qui dit : une secte chrétienne est ... Lire la suite