Aux alentours du 11 février 624, le prophète Mahomet rompt avec les tribus juives de Médine en choisissant de prier non plus vers Jérusalem mais vers La Mecque. Cette rupture va déboucher sur un combat à mort (note).
Sensible à la théologie juive, le Prophète s'en inspire au commencement dans ses recommandations sur le jeûne et les interdits alimentaires relatifs au porc. Il adopte le calendrier lunaire des juifs, avec des mois réglés sur les cycles de la Lune.
Il fixe le jeûne pendant le mois de Ramadan, qui coïncide avec le début de la révélation coranique mais aussi avec la fête juive de l'expiation. Et il prescrit à ses fidèles de se tourner vers Jérusalem pour la prière.
Il n'empêche que seule la tribu des Aws s'est ralliée à Mahomet (il est d'ailleurs possible qu'ils aient été arabes et non juifs). Les trois autres communautés juives de Médine persistent dans leur refus de se convertir à la nouvelle foi. Ces juifs reprochent en particulier à Mahomet de détourner (note) le sens des textes bibliques et osent même se moquer de lui.
En février 624, une révélation divine enjoint à Mahomet et à ses disciples de modifier la prière rituelle : elle se fera désormais en se tournant non plus vers Jérusalem mais vers la pierre noire de la Kaaba, le sanctuaire des idolâtres de La Mecque.
Au printemps 624, à l'approche d'une caravane particulièrement riche en provenance de Syrie, Mahomet décide de l'attaquer. Mais ses plans sont déjoués par un espion.
Les Mecquois du clan des riches Koraishites dépêchent une armée au secours de leur caravane. C'est la bataille du puits de Badr, qui voit la victoire des musulmans malgré leur infériorité numérique. À son retour triomphal de la bataille de Badr, Mahomet ordonne l'exécution de deux prisonniers mecquois qui s'étaient montrés particulièrement virulents à l'égard du Prophète et de ses disciples.
Mahomet remarque par ailleurs que les juifs de Médine se sont tenus à l'écart de la bataille. Son dépit à leur égard n'en devient que plus grand. C'est ainsi que de nouvelles révélations divines l'amènent à remodeler le calendrier. Elles précisent en particulier que le jeûne musulman se pratiquera pendant le mois de ramadan, celui durant lequel se déroula la bataille de Badr. Les interdits alimentaires exprimés dans les révélations faites au Prophète restent quand à eux assez semblables à ceux des juifs.
Le fossé se creuse entre les juifs de Médine et la communauté des croyants. Trahisons, violences et médisances alimentent la zizanie, malgré le code de bonne conduite établi lors de l'arrivée de Mahomet.
Peu après la bataille de Badr, un incident met le feu aux poudres. Une ou plusieurs musulmanes sont molestées au marché par des juifs de la tribu des Banu-Kainuka. Échauffourée, meurtres de part et d'autre. Le chef de la tribu mise en cause refuse de payer l'amende réglementaire aux parents des victimes musulmanes. La tribu est assiégée par le Prophète et ses disciples et, au bout de deux semaines, contrainte de leur livrer ses immenses biens et d'émigrer.
Un peu plus tard, le 21 mars 625, lors de la fameuse bataille d'Ohod entre Mecquois et Médinois, la deuxième tribu juive, celle des Banu-Nadhir, se voit reprocher de soutenir les habitants de La Mecque. Elle est chassée vers le nord après un long siège et une violente bataille contre les musulmans.
Tandis que les musulmans poursuivent la guerre contre les Koraishites de La Mecque, Mahomet s'irrite de plus en plus du manque de soutien des juifs de Médine à son égard. La crise arrive à son terme en 627, après la bataille du fossé qui met une dernière fois aux prises Mecquois et musulmans de Médine.
Mahomet décide d'en finir avec les juifs de la troisième et dernière tribu de Médine, les Banu-Kuraiza, qu'il accuse (ce qui est vrai) d'avoir soutenu les assaillants. Au terme d'un siège de 25 jours, les juifs sont contraints de se rendre. Mahomet confie à l'un de ses compagnons, un membre de la tribu des Aws, le soin de les juger. Ce dernier recommande de mettre à mort les hommes selon l'ancienne loi hébraïque ! Dont acte. Les musulmans décapitent 600 à 700 hommes et les ensevelissent dans une grande fosse de la place du marché de Médine. Ils se partagent les biens de la tribu, ainsi que les femmes et les enfants.

Vos réactions à cet article
Vincent (25-02-2022 03:36:25)
Réponse à Jean-Marie,
Bien évidemment, le message non-violent des Évangiles n'a rien à voir avec celui du Coran. Je parlais seulement de la violence de l'époque, sans l'excuser… Au VIe s., dans le Royaume d'Himyar, au Yémen, des persécutions mutuelles ont eu lieu tour à tour entre juifs et chrétiens.
Quant à l'antijudaïsme, les premiers à l'avoir pratiqué sont bien les chrétiens... malheureusement.
Ils sont les premiers à y avoir renoncé… heureusement.
Quant à la vérité historique à cette époque, je continue à penser qu'elle doit être cherchée dans un faisceau d'indices convergents, et que les textes religieux sont à peu près les seuls qui peuvent nous en fournir. Dans ce contexte, la violence du ton de certaines sourates, leur ironie parfois, peuvent être rapprochées de ce que nous disent les Hadits, bien résumés ici par Alban Dignat. Il en est de même aussi des paroles plus conciliantes qui s'y trouvent, par exemple au v. 62 de la deuxième sourate, où il est dit que les juifs et les chrétiens qui sont obéissants aux préceptes qu'ils ont reçus seront récompensés par Dieu. Un tel verset, qui explique que les "Gens du Livre" seront tolérés dans les pays musulmans, montre bien qu'à une certaine époque en tout cas, Muhammad a recherché une conciliation.
Jean-Marie (20-02-2022 15:55:53)
Réponse à Vincent
Les violences perpétrées par certains "Chrétiens" à toutes les époques et encore aujourd'hui, ne sont en rien prônées par le message de leur messie et des évangiles !
Beaucoup de versets du Coran et les hadiths incitent à la violence et Mahomet était un guerrier, mais a-t-il eu réellement le rôle et l'importance que l'Islam lui attribue ?
Il serait intéressant de connaître la vraie Histoire.
Vincent (13-02-2022 02:10:23)
S'il est vrai que les faits réels sont difficiles à vérifier, les seules sources se trouvant dans les Hadits, on peut s'appuyer sur un faisceau d'indices tirés à la fois du Coran et de la connaissance du contexte historique.
Ainsi, il ne fait pas de doute que Muhammad ait pu connaître les histoires bibliques par des chrétiens et des juifs (ou Arabes judaïsés). Certains Arabes de son entourage semblaient même assez érudits. Il faut se rappeler qu'il n'y avait pas d'alphabet proprement arabe à l'époque, et que des fragments de discours de Muhammad ont été notés avec les alphabets hébreu, grec et même nabatéen.
Que Muhammad, devant son dégoût du polythéisme de la Mecque, et menacé par sa propre famille, ait pensé s'allier avec les juifs est plus que vraisemblable. Qu'il ait été déçu par leur rejet est probable, et peut se vérifier dans les polémiques de la deuxième sourate ("La vache"). Cette sourate montre la virulence de ses ressentiments, et l'emploi (involontairement?) biaisé des traditions bibliques (il aime ainsi se servir des accusations des prophètes, ainsi que de Jésus contre les juifs, pour en faire l'exemple-type du peuple désobéissant et ingrat, alors que les prophètes cherchent à corriger ce qu'il y a d'imparfait dans son comportement).
La violence des prophètes est une violence amoureuse; celle du Coran semble pleine de frustration et de haine.
C'est pourquoi, il n'est pas invraisemblable que les Hadits correspondent assez bien à la réalité historique, et que des événements autour des guerres entre les musulmans et les Mecquois aient été l'occasion pour les premiers de régler leur compte aux juifs. Il y a même une certaine honnêteté intellectuelle, pourrait-on dire, à avouer cette rivalité et ces brutalités.
Il faut dire aussi que dans le cadre géographique et temporel qui est celui du début de l'Islam, ces brutalités sont loin d'être exceptionnelle, et que dans l'Europe chrétienne, d'autres violences ont lieu, qui n'ont rien à leur envier...
Jean-Marie (10-02-2022 08:32:38)
Rien n'est historiquement prouvé mais juste transmis par la légende, la tradition !
N'empêche; Violence, intolérance, vengeance.
Pour un soi-disant "grand prophète" ce n'est pas très joli, ni un exemple pour la jeunesse musulmane.
Quelle tristesse !
Tout l'inverse de ce qu'on attend d'une religion.
Varinay (16-07-2018 11:19:42)
Je crains fort que tout ceci ne soit qu’une fake-news, aussi réelle que la légende de Saint-Nicolas (peut-être moins d’ailleurs). Le problème est que si on cherche à donner des informations plus réelles on risque le Tribunal de la Pensée Unique, voire celui de la République pour incitation à la haine raciale.
Jean-Marie (12-02-2018 13:53:17)
Ça, c'est selon la tradition musulmane ( la légende)uniquement contée par les écrits islamiques ; mais que nous dit l'Histoire?
piesti (12-02-2018 11:18:30)
Il me semble que l’histoire est un peu plus compliquée que celle présentée ici : Devant la trahison de cette tribu, Muhammad leur aurait donné le choix de celui qui devait les juger et ils choisirent un certain Sa’ad ibn Mua’dh, chef de la tribu des Banu Aus. C’est lui qui, blessé au cours de cette bataille, condamna les hommes à mort et les femmes et les enfants à l’esclavage. Des érudits font remarquer que cette condamnation était faite en accord avec la loi juive dans le cas d’une ville assiégée, telle qu’on la trouve dans la Bible : « le Seigneur ton Dieu la livrera entre tes mains et tu frapperas tous ses hommes au tranchant de l’épée. Tu garderas seulement comme butin les femmes, les enfants , le bétail … » (Deut. 20: 12-14).
bh (25-01-2015 22:36:45)
article synthétique fort bien rédigé ! j'aimerai en plus les références ainsi que le rappel des sourates et des hadiths
j. Bloeme (19-01-2015 10:58:37)
Lumineuse explication des causes du divorce initial entre les Juifs et les Musulmans. Ces deux articles mériteraient une large publication.