Le 1er mars 293, Dioclétien instaure la « tétrarchie ». Ce mot d'origine grecque désigne un gouvernement à quatre. Cette forme originale de gouvernement avait été pratiquée dans quelques cités grecques avant d'être adoptée par l'empereur romain.
L'expérience va fonctionner avec satisfaction pendant quelques années avant de déraper sur l'obstacle de la succession. La transmission héréditaire du pouvoir va dès lors s'imposer dans l'empire romain...
Cliquez pour agrandir
Cette carte montre l'Empire romain dans sa plus grande extension (fin du Ier siècle après Jésus-Christ). Au centre de cet immense empire était la mer Méditerranée que les Romains appelaient avec orgueil et très justement Mare Nostrum (Notre mer). Cet empire est aujourd'hui éclaté en États rivaux que divisent les différences linguistiques, politiques, religieuses, sociales et économiques.
Un redresseur d'empire
Dioclétien est un soldat de grand mérite originaire des régions du Danube. Né en 245 dans une famille modeste, il s'élève dans la hiérarchie militaire par ses seuls mérites jusqu'à être proclamé empereur par ses soldats, à Chalcédoine, en 284, après l'assassinat de l'empereur en titre Numérien.
Comme ses prédécesseurs du IIIe siècle, eux aussi originaires d'Illyrie, le nouvel élu comprend que le gouvernement de l'Empire dépasse désormais les forces d'un seul homme. La pression des Barbares se fait de plus en plus forte aux frontières et certaines provinces comme la Gaule en arrivent à se gouverner seules. Depuis l'époque de Septime Sévère, les armées elles-mêmes sont de plus en plus indisciplinées.
Dans l'année qui suit son arrivée au pouvoir, en 285, Dioclétien confie le gouvernement de la partie occidentale de l'empire à un compagnon d'armes, Maximien Hercule. Né à Sirmium (Illyrie), il est comme lui issu d'une famille modeste. Les deux empereurs s'octroient l'un et l'autre le titre d'« Auguste ».
Encouragé par le succès de cette première cohabitation, Dioclétien complète le système en 293 avec deux nouveaux empereurs d'un rang inférieur, auxquels est octroyé le titre de « César » : Galère, berger d'origine dace, et Constance Chlore, militaire illyrien. Le premier épouse Valeria, fille de Dioclétien ; le second épouse Theodora, fille de Maximien. Ainsi naît la tétrarchie, gouvernement à quatre têtes dans lequel Dioclétien conserve un rang prééminent.
Il découpe les vastes provinces de l'empire et crée des circonscriptions de taille plus réduite, plus faciles à organiser et défendre. Rome n'est plus le siège du gouvernement. La Ville éternelle est délaissée au profit de quatre capitales frontalières plus proches des légions.
- Dioclétien se réserve le gouvernement de l'Orient (capitale : Nicomédie, au sud de la mer de Marmara, en face de Byzance) et confie à Galère les provinces danubiennes (capitale : Sirmium ; aujourd'hui Sremska Mitrovica, en Serbie, province de Voïvodine).
- Maximien Hercule gouverne l'Italie et l'Afrique (capitale : Milan) et délègue à Constance Chlore l'Espagne, la Bretagne et la Gaule (capitale : Trèves).
On peut voir à Venise, sur le mur extérieur de la basilique Saint-Marc, une belle sculpture antique en pierre rouge dont on suppose qu'elle représente les tétrarques. Elle a été découverte à Constantinople et ramenée à Venise comme prise de guerre par des croisés.
Dans le même temps où il décentralise l'administration de l'Empire, Dioclétien éprouve la nécessité de renforcer sa cohésion culturelle et politique. C'est pourquoi son règne est marqué par de violentes persécutions contre les communautés chrétiennes qui refusent de sacrifier au culte impérial. Elles sont les plus dures qu'ait jamais connues l'Empire romain et obligent les chrétiens à choisir entre le reniement et le « martyre ».
La « grande persécution » commence en 299 avec l'exclusion de l'armée des soldats baptisés, ces derniers refusant en effet de verser le sang ! Puis, de février 303 à février 304, quatre édits impériaux inspirés à Dioclétien par Galère, lequel a plus que quiconque les chrétiens en horreur, ordonnent de brûler les livres saints et de raser les églises partout dans l'empire.
La persécution atteint son paroxysme avec un édit qui prescrit au début de 304 un sacrifice général dans tout l'Empire, sous peine de mort ou de condamnation aux travaux forcés dans les mines.
Les fonctionnaires locaux exécutent les édits avec un zèle relatif. En 311, constatant l'échec de la répression et désireux de se concilier les chrétiens face à l'hostilité grandissante des tétrarques d'Occident à son égard, l'empereur Galère publie un édit de tolérance. Deux ans plus tard, Constantin en étend l'application, faisant du christianisme la nouvelle religion dominante.
Vie et mort de la tétrarchie
Les tétrarques, sous la direction éclairée de Dioclétien, mènent des réformes audacieuses dont on peut dire qu'elles sauvent l'empire d'une mort prématurée après les troubles et les premières invasions du milieu du IIIe siècle.
Sur le plan militaire, les premiers résultats de la tétrarchie se révèlent satisfaisants : mieux encadrées, les légions repoussent avec succès les assauts barbares.
Sur le plan intérieur, les résultats sont moins probants. Dioclétien tente de remédier à la crise économique et démographique en promulgant en 301 un édit qui impose une limite supérieure au prix d'un millier d'articles (titre en latin : De pretiis rerum venalium). Cet édit du Maximum rédigé en grec et en latin, les deux langues officielles de l'empire, est l'une des première formes d'économie dirigée. Il débouche comme l'on peut s'y attendre sur un échec total.
Le régime devient une autocratie absolue, dans laquelle les tétrarques règnent sans partage. L'empereur est considéré comme une personne sacrée et quasi-divine, ce qui n'est pas sans poser des problèmes avec la minorité chrétienne, peu nombreuse mais de plus en plus présente dans les classes supérieures et de plus en plus influente. Galère, qui a les chrétiens en horreur, convainc Dioclétien de lancer contre eux une « grande persécution ». Celle-ci atteint son paroxysme en 304.
Selon la règle qu'ils ont eux-mêmes fixée, Dioclétien et Maximien se retirent de leur plein gré le 1er mai 305. Mais leurs successeurs montrent beaucoup moins de désintéressement et ne tardent pas à se disputer le pouvoir. La tétrarchie sombre dans les rivalités intestines jusqu'à la victoire de Constantin sur ses rivaux. Mais elle aura préparé la scission de l'Empire entre l'Orient et l'Occident.
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Claude Prévost (25-02-2008 21:48:11)
La disctinction César-Auguste se poursuivra dans l'Empire et plus tard au cirque, chez les clowns. Egalement dans les prénoms marseillais avec aussi Marius autre dictateur de Rome.