L'Iran a accepté à Genève, le dimanche 24 novembre 2013, le contrôle international de ses installations nucléaires. L'accord a été conclu avec les membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU ainsi que l'Allemagne. Il a été confirmé le 14 juillet 2015 à Vienne au terme de laborieuses tractations destinée à rassurer les autocraties arabes et le gouvernement israélien. En échange, l'Iran a obtenu la levée des sanctions économiques qui entravent son développement à dater du 16 janvier 2016.
Avec ses ressources en pétrole, quatre-vingt millions d'habitants, une main-d’œuvre nombreuse et une jeunesse très bien formée, attendons-nous à un spectaculaire bond en avant qui va renvoyer à leurs archaïsmes les monarchies pétrolières du Golfe.
L'accord a gommé plusieurs décennies de malentendus et de rendez-vous manqués entre l'Iran et l'Occident. Par ses implications géopolitiques, avec le revirement des États-Unis en faveur de l'Iran et au détriment des monarchies arabes, il restera sans doute comme le plus important acte diplomatique de ce début du siècle, avec des conséquences bénéfiques pour le Moyen-Orient ainsi que pour la paix et la lutte contre le terrorisme.

8 mai 2018 : l'espoir légitime suscité par ce traité a été gâté par la décision du président Trump de s'en retirer. L'Iran, le Moyen-Orient et le monde entrent à ce jour dans une période d'incertitude maximale...
Mauvaise pioche
Bien qu'étant le pays culturellement le plus avancé du Moyen-Orient, l'Iran a été marginalisé tout au long du XXe siècle par les Occidentaux qui lui ont préféré les monarchies arabes du Golfe Persique.
Ainsi, en février 1945, au retour de la conférence de Yalta, le président Roosevelt, à l'agonie, trouva le temps d'une halte à Suez pour rencontrer le roi Ibn Séoud et lui offrir sa « protection » en échange d'une cession des gisements pétroliers aux compagnies américaines.
Cette alliance contre nature entre la démocratie américaine et une monarchie adepte de la doctrine religieuse la plus attardée qui soit, le wahhabisme, a certes profité aux grandes compagnies pétrolières, les Sept Sœurs (« The Seven Sisters »). Mais elle a aussi nourri le terrorisme islamiste et les attentats du 11-Septembre comme ceux de Londres et Madrid.
En finançant avec les royalties du pétrole le prosélytisme dans les banlieues occidentales et dans les pays pauvres d'Afrique et d'Asie tout comme les Frères musulmans en Égypte, nos « amis » d'Arabie, du Quatar et des Émirats ont également déstabilisé de nombreuses sociétés. Ces déconvenues devraient être désormais reléguées dans le passé avec l'accord de Genève, qui exprime un revirement radical de la diplomatie américaine et réintroduit l'Iran dans le concert des nations.
Les conséquences de l'accord de Genève
On peut espérer enfin un peu de clarté dans cet « Orient compliqué » (de Gaulle), désormais dominé par l'Iran et la Turquie, deux grands États de 80 millions d'habitants, stables, modernes et alliés des États-Unis.
Avec l'arrivée du pétrole iranien dans leurs raffineries, les Occidentaux vont pouvoir se libérer de leur dépendance à l'égard des monarchies du Golfe, de l'Arabie séoudite comme du Quatar. Nul ne s'en plaindra et tant mieux s'il s'ensuit dans ces pays-là un sort meilleur pour les femmes et les travailleurs originaires du monde indien. Ramenés à leur véritable place, peut-être les autocrates du Golfe s'en tiendront-ils aux casinos de la Côte d'Azur et du Liban et délaisseront-ils les champs de bataille de la Syrie, du Sahel ou de la Centrafrique ?
Les régions arabophones communautarisées du Liban, de la Syrie et de l'Irak vont demeurer longtemps encore des lieux de tensions et d'affrontements, y compris entre les chiites pro-iraniens et les sunnites pro-arabes. Mais la tutelle conjointe de l'Iran et des États-Unis devrait limiter les débordements hors de ladite zone.
La guerre civile qui meurtrit la Syrie est à un tournant avec la réhabilitation de l'Iran. Après la résolution de l'ONU du 28 septembre 2013 sur la destruction des armes chimiques, sous l'égide de la Russie et avec l'accord des Américains, les Occidentaux et bien sûr les monarchies du Golfe ont entamé à Genève des discussions avec le président Assad et ses alliés, à savoir la Russie, l'Iran et le Hezbollah libanais.
Tout change également pour Israël. L'État hébreu a bénéficié du soutien inconditionnel des États-Unis depuis sa fondation, en 1948. Ce soutien lui a fait défaut pour la première fois dans la gestion de la crise iranienne par Washington. Exclu des conversations de Genève, il est désormais renvoyé à ses affaires domestiques, dans le cadre restreint de la bande littorale qui s'étend entre le Jourdain et la Méditerranée.
L'accord de Genève clôt dix années de tensions nées de l'affirmation par Téhéran de développer ses recherches nucléaires et de l'opposition de Washington et Jérusalem à ce qui pouvait être interprété comme un premier pas vers l'obtention de la Bombe.
Il doit beaucoup à l'engagement du président américain Barack Obama et de son Secrétaire d'État John Kerry, qui ont négocié en secret pendant plusieurs mois avec leurs homologues iraniens, le nouveau président Hassan Rohani et son ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif. Il a aussi permis à l'Allemagne et à l'Union européenne, représentée par l'ineffable Lady Ashton puis par Federica Mogherini, de faire pour une fois acte de présence.
La France, partie prenante des négociations de Genève avec les autres membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU (États-Unis, Royaume-Uni, Russie et Chine) et l'Allemagne, a opposé son veto au premier texte de l'accord, début novembre, considérant qu'il était trop laxiste et pouvait de ce fait justifier des frappes préventives d'Israël sur les installations nucléaires iraniennes, notamment le réacteur à eau lourde en construction à Arak. Cette fermeté du ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a, semble-t-il, payé...
L'accord de Genève débute sur la promesse formelle de Téhéran qu'« en aucune circonstance, l'Iran ne cherchera à développer ni ne développera une arme nucléaire » et prévoit une suspension du programme d'enrichissement de l'uranium à 20% de plutonium. Par l'accord de Vienne, l'Iran s'engage à réduire de 19 000 à 5 060 le nombre de centrifugeuses, pour l'enrichissement de l'uranium en vue de la fabrication d'une bombe atomique.

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Voir les 17 commentaires sur cet article
Pierre Turquin (19-01-2016 06:55:54)
Celui qui ne connaît pas son histoire s'expose à ce qu'elle recommence. cette citation d'Elie Wiesel doit nous inviter à rester vigilants
.Merci pour ce bel article.
casaalta (01-01-2014 18:41:37)
Excellent survol d'une histoire récente et compréhension supérieure des erreurs de nos "démocraties" dont l'arrogance ne cesse de croitre avec l'accroissement de leurs faiblesses. C'est pou... Lire la suite
Benoit de BIEN (02-12-2013 18:17:08)
Excellent article, très structuré et parti d'un point de vue réaliste.
Il reste cependant toujours l'inconnue du "guide suprême' et de ses partisans qui sont surtout conservateurs.