Le 6 avril 2012, les rebelles touaregs déclarent unilatéralement l’indépendance de l’État d’Azawad au nord du Mali.
Cette revendication du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) puise ses racines jusque dans l’Histoire précoloniale. Elle a été réveillée par les événements survenus en Libye et l'arrivée d'anciens miliciens de Kadhafi, bien armés.
Les observateurs étrangers qui ont érigé le Mali en vitrine de la démocratie africaine, sont pris de court par l'insurrection. Ainsi le président français Nicolas Sarkozy n'avait-il pas eu de mots assez flatteurs en 2010 pour son homologue, le président Amadou Toumani Touré (ATT). En quelques semaines, les illusions vont se dissiper.
Une rivalité très ancienne
Les conflits qui opposent les Touaregs aux autres peuples du Mali datent de bien avant la période coloniale. La première vision détaillée de la région nous est offerte par René Caillié, qui fut le premier Européen à atteindre la ville mythique de Tombouctou et à en revenir vivant en 1828.
La colonisation de la région par les Français a lieu dans les années 1880 et 1890. Elle offre aux Noirs du Sud, en particulier les Bambaras, l'occasion d'une revanche sur leurs ennemis traditionnels. C'est ainsi qu'ils servent dans l'armée coloniale, en qualité de « tirailleurs sénégalais » afin de pouvoir les combattre et les tenir en sujétion. Les Touaregs deviennent de la sorte le dernier peuple d’Afrique de l’ouest soumis à la colonisation française, en 1902.
En 1960, à l’occasion des indépendances, la puissance coloniale confie le pouvoir politique aux « peuples du sud », avec la création de pays comme le Mali et le Niger : cela fait ressurgir les revendications des Touaregs.
Tenus en lisière du pouvoir, ils se rebellent en vain dès 1962 au Mali. Les gouvernements tentent de les sédentariser de force, notamment en saisissant leurs chameaux et leurs troupeaux au passage des frontières.
Ces nomades sont aussi les principales victimes de la désertification du Sahel, qui décime leur bétail dans les années 1970. La famine suscite une mobilisation sans précédent en Europe mais n’est guère relayée par les gouvernements malien et nigérien, qui laissent les nomades mourir de faim sur les routes de l’exode. Ce drame crée une source de tensions supplémentaire.
De nouvelles rébellions éclatent dans les deux dernières décennies du millénaire : « guerres des sables » de 1990 à 1995 au Mali et au Niger, en 2006 au Mali, puis de 2007 à 2009 dans ces deux mêmes pays.
La partition du Mali
L’insurrection de 2012 au Mali, qui a mené à la partition du pays, s’inscrit dans cette lignée. Elle se distingue toutefois par la rapidité et l’efficacité des insurgés :
- 17 janvier : début de l’insurrection du MNLA dans le nord du Mali
- 22 mars : un coup d’État militaire renverse le président Amadou Toumani Touré, arguant de sa faiblesse face aux rebelles touaregs après trois décennies au pouvoir. Cela ne fait qu’accélérer la décomposition de l’armée malienne.
- 30 mars : les combattants du MNLA s’emparent de la ville de Kidal. Ils s’emparent de Gao le lendemain et de Tombouctou le surlendemain.
- 6 avril : le MNLA ayant conquis l’ensemble des territoires revendiqués, il met fin aux attaques et proclame l’indépendance de l’Azawad, qui englobe toute la moitié nord du Mali.
Les mouvements islamistes recrutent de nombreux combattants motivés par l'argent bien plus que la religion. Ils apportent leur soutien aux Touareg du MNLA mais, de façon prévisible, cette alliance contre-nature fait long feu. Le 27 juin 2012, les mouvements dérivés d’AQMI (MUJAO et Ansar Dine) attaquent Gao et chassent les indépendantistes touareg de la ville. La guerre fait fuir une partie de la population malienne vers les pays voisins (Niger, Mauritanie, Burkina Faso), ce qui amplifie la crise alimentaire et l’instabilité politique dans tout le Sahel.
Les islamistes s'attirent une célébrité internationale en entamant la destruction de plusieurs mausolées à Tombouctou. Le drame humain provoqué par la guerre se double ainsi d’un drame culturel. Le nord du Mali est frappé d'une évolution « à la somalienne », avec la disparition de toute structure étatique et le partage du territoire entre des bandes armées.
À Bamako, les putschistes qui ont renversé le président ATT, effrayés par leur audace, acceptent finalement de restituer le pouvoir à des civils. Parmi eux un prestigieux scientifique de la NASA qui ne tiendra pas plus de quelques mois dans le marigot gouvernemental.
Mais l’armée malienne, qui n'a d'« armée » que le nom, se montre incapable de reconquérir le nord du territoire. La CEDEAO (Communauté Economique des États d’Afrique de l’Ouest) ne paraît pas mieux outillée. Réduit à l'impuissance, le nouveau gouvernement, instable, inexpérimenté et corrompu jusqu'à la moelle, attend le salut de la France...
L'ancienne puissance coloniale se voit contrainte d'intervenir le 11 janvier 2013, après que les rebelles aient lancé une offensive vers Kona et Mopti, derniers verrous avant la capitale Bamako. La force d'intervention française a vite fait de les arrêter et de les refouler vers le nord.
Derrière elle s'engouffrent les soldats maliens qui ne tardent pas à se venger de leurs humiliations et de leur impéritie sur les Touaregs civils, au risque de leur faire regretter les exactions des islamistes.
Le nouveau gouvernement malien s'entête à refuser aux Touaregs l'autonomie qu'ils réclament et qui pourrait les convaincre de prendre eux-mêmes en main la défense de leur territoire face aux islamistes. Au lieu de cela, il encourage la formation de milices d'auto-défense, y compris dans la capitale, au risque qu'elles ne soient très vite noyautées par des islamistes.
De façon hélas prévisible, un attentat meurtrier à l'hôtel Radisson de Bamako, le 20 novembre 2015, confirme nos craintes. Il est plus que jamais nécessaire pour la stabilité du Mali et la pacification du Sahel que le gouvernement français fasse enfin preuve d'autorité et impose aux dirigeants maliens les réformes institutionnelles indispensables. Il s'agit que les risques pris par les soldats français soient payés de retour.
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Voir les 16 commentaires sur cet article
jacques (21-03-2013 09:03:25)
Très intéressant …mais quid de l’impact de tracé des frontières ...hérité de la période des colonisateurs et qui ne tint pas compte des zones d’influences des ethnies ainsi que des terri... Lire la suite
emery (30-01-2013 18:00:53)
Si comme ailleurs (les kurdes par exemple) on ne tient pas compte de l'aspiration des touaregs, nous partons pour un conflit qui se poursuivra longtemps et avec les risques de débordements par les te... Lire la suite
emery (30-01-2013 18:00:49)
Si comme ailleurs (les kurdes par exemple) on ne tient pas compte de l'aspiration des touaregs, nous partons pour un conflit qui se poursuivra longtemps et avec les risques de débordements par les te... Lire la suite