Le 9 juillet 2011 est officiellement né la République du Soudan du Sud (ou Sud-Soudan), 193e État des Nations Unies et 50e État africain.
Ce nouvel État est issu d'une scission d'avec le Soudan, au terme de deux longues guerres civiles qui ont fait plusieurs millions de morts depuis l'indépendance du Soudan anglo-égyptien, le 1er janvier 1956.
Connues dans l'Antiquité sous le nom de Nubie ou « pays de Coush », les régions qui forment aujourd'hui le Soudan et le Sud-Soudan constituent depuis la haute Antiquité l'« arrière-cour » de l'Égypte. Elles ont pour trait commun d'être baignées par le Nil bleu (qui prend sa source en Éthiopie), le Nil blanc (qui prend la sienne dans le lac Victoria) et leurs affluents (dont le Bahr el-Ghazal, en arabe « rivière aux gazelles »).
Le Soudan du Sud (capitale : Juba ou Djouba) représente environ le quart de l'ancien Soudan (capitale : Khartoum-Omdourman). Il compte 629 000 km2 (plus que la France) mais seulement neuf millions d'habitants (2011), majoritairement chrétiens mais divisés entre de nombreuses ethnies et pas moins de 80 idiomes. L'anglais est la langue officielle.
Le pays jouit d'un climat tropical, humide et chaud, et bénéficie de ce fait d'un gigantesque potentiel agricole, très largement sous-utilisé. Il attire les convoitises des entreprises occidentales et chinoises qui auraient déjà mis la main sur près du dixième de la superficie agricole, en vue de développer des cultures intensives d'exportation.
Des sondages récents ont révélé aussi d'importants gisements de pétrole. Autant et plus que dans les autres pays pétroliers d'Afrique (Nigeria, Tchad, Angola), ils vont se révéler un cadeau empoisonné pour le nouvel État, en amenant la corruption et en excitant les haines entre chefs de clan.
Les guerres du mépris
Dès son indépendance en 1956, le Soudan connaît des tensions ethniques et religieuses, principalement entre « Blancs » et « Noirs » et entre musulmans et chrétiens ou animistes. Modelés par une tradition millénaire, les musulmans de Khartoum considèrent les Noirs du Sud comme des esclaves et des êtres inférieurs. Ils tentent de les arabiser et islamiser par la contrainte.
Opprimés, les habitants des provinces équatoriales se soulèvent sous la conduite de quelques officiers. Cette première guerre civile dure une quinzaine d'années, jusqu'au coup d'État qui porte au pouvoir le général Gaafar Nimeiry, en 1969. Il accorde trois ans plus tard une forme d'autonomie aux provinces du Sud.
Mais la paix est mise à mal une décennie plus tard par la montée en puissance des islamistes (ou mahdistes), dans le droit-fil de la révolution iranienne. En 1983, pour sauver son pouvoir, Nimeiry suspend l'autonomie du Sud et surtout élargit la charia (loi islamique) à tout le pays. Il s'ensuit une deuxième guerre civile, sous la conduite d'un vétéran de la première, le général sudiste John Garang. Elle va perdurer pendant plus de vingt ans, faisant au bas mot deux millions de morts et plusieurs millions de réfugiés. Elle entraîne également une résurgence de l'esclavage dans le Nord.
À peine un cessez-le-feu est-il acquis au Sud en 2005 que le général Omar el-Béchir, nouveau maître du Soudan, déclenche un nouveau conflit au Darfour, contre des populations négro-musulmanes cette fois. Le méfait lui vaut d'être inculpé par la Cour pénale internationale de La Haye (CPI) de crimes contre l’humanité et crimes de guerre le 4 mars 2009. Cette condamnation est une première diplomatique. Bien que non appliquée, elle le rend plus conciliant avec les exigences des chancelleries.
De guerre lasse, el-Béchir concède un référendum d'autodétermination aux populations du Sud, lequel aboutit à l'indépendance du 9 juillet 2011. Une indépendance de tous les dangers pour ce nouvel État africain, enclavé entre des États hostiles, démuni de tout, très pauvre et dont la majorité de la population dépend pour sa survie des organisations humanitaires.
Impréparé à l'indépendance, misérable et sans infrastructures, sans élites instruites, soumis à la convoitise des compagnies pétrolières et plus que tout tenaillé par les haines recuites de la guerre antérieure, le nouvel État sombre au bout de quelques mois seulement dans l'une des plus cruelles guerres ethniques qu'ait connues l'Afrique noire des indépendances.
Les terribles massacres qui ensanglantent depuis lors le Sud-Soudan dans l'indifférence de la communauté internationale sont la conséquence de la guerre que se livrent les Dinka et les Nuer, les deux principales ethnies du pays. Les premiers, majoritaires, sont représentés au gouvernement par le président Salva Kiir. Les seconds le sont par le vice-président Riek Machar.
Le conflit entre les deux ethnies et leur chef puise son origine dans la guerre d'indépendance contre le pouvoir arabo-musulman de Khartoum. Cette guerre a été menée essentiellement par les Dinka. Quant aux Nuer, ils ont changé constamment de camp, rejoignant tantôt les Dinka, tantôt épaulant les forces de Khartoum.
Dans ce pays, comme dans le reste de l'Afrique noire, les clivages ethniques l'emportent sur les clivages idéologiques. Les Nuer ne se résignent pas à laisser le pouvoir à leurs ennemis. Leurs revendications sont attisées par le gouvernement de Khartoum qui conserve de cette façon son influence dans cette région riche en pétrole et dont il a été privé. Dix ans après l'indépendance, rien ne laisse entrevoir un apaisement.
Cliquez pour agrandir En deux décennies, dans les années 1950 et 1960, le continent africain se transforme en une mosaïque d'environ 44 États indépendants, issus de l'éclatement des empires coloniaux européens, auxquels s'ajoutent l'Érythrée, issu de la sécession d'avec l'ancien empire d'Éthiopie, et le Soudan du Sud...

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Thierry (27-11-2006 11:53:43)
Merci pour cet article une fois de plus parfaitement documenté et construit et en rapport avec l'actualité.