5 mai - 26 juin 1988

D'Ouvéa aux accords de Matignon

Le 5 mai 1988, l'armée française donne l'assaut à des preneurs d'otages kanaks (note), sur l'île d'Ouvéa, une dépendance de la Nouvelle-Calédonie. 19 ravisseurs sont tués, soit la moitié du groupe environ. Les otages sortent quant à eux tous vivants de la grotte où ils avaient été confinés. L'armée déplore la mort de deux de ses hommes.

Trois jours plus tard, le 8 mai, le deuxième tour de l'élection présidentielle donne une large victoire au président sortant François Mitterrand (gauche) sur son Premier ministre Jacques Chirac (droite).

Le drame d'Ouvéa est l'acmé des revendications indépendantistes en Nouvelle-Calédonie. Il va aboutir cinquante jours plus tard, le 26 juin 1988, aux accords de Matignon (d'après l'hôtel Matignon, résidence du Premier ministre de la France). Ils sont complétés le 20 août 1988 par un texte signé rue Oudinot, au ministère de l'Outre-Mer. Il s'ensuit un compromis inespéré entre les représentants du gouvernement français et les chefs kanaks de ce territoire d'outre-mer.

Conformément à ces accords et à l'accord de Nouméa, dix ans plus tard, les électeurs calédoniens (pas tous) ont voté le 4 novembre 2018 sur le statut futur du « Caillou »...

Accords de Matignon en 1988 (Jean-Marie Tjibaou en face de Michel Rocard et Christian Blanc), DR

Un laboratoire post-colonial

Les accords de Matignon-Oudinot ont entraîné une rénovation complète des institutions de l'île, avec pour conséquence de transformer le territoire en un laboratoire institutionnel. Les gouvernants français se sont défaits de leurs tropisme centralisateur et ont accordé des pouvoirs très étendus aux instances politiques territoriales ; ils ont reconnu les institutions coutumières kanakes en matière de justice ; ils ont entamé une politique volontariste de redistribution des terres en rachetant des terres à des propriétaires privés et en les confiant à des clans kanaks de manière « inaliénables, insaisissables, incommutables et incessibles ». Ils ont même autorisé des statistiques ethniques, interdites partout ailleurs dans la République française, pour mieux cerner les inégalités liées à l'origine ethnique.

Pour beaucoup de Kanaks et d'autres Calédoniens, y compris de Caldoches descendants des premiers bagnards et colons, l'indépendance demeure leur horizon.

Le 5 mai 1998, soit dix ans après les accords de Matignon-Oudinot, les différentes parties en présence ont conclu à Nouméa un nouvel accord en vue d'un nouveau référendum d'autodétermination. Il s'agit plus exactement d'une « consultation » au sens juridique, le gouvernement français se réservant le droit d'en tirer les conséquences par décret. La consultation a eu lieu le dimanche 4 novembre 2018 sur la question : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante? ». Le Non à l'indépendance l'a finalement emporté à près de 60% des votants... 

Publié ou mis à jour le : 2021-05-04 15:56:35
Jean LOIGNON (31-10-2018 16:30:03)

La crise néo-calédonienne fut dramatique et le nombre de morts doit être considéré au regard d'une population réduite (moins de 150 000 habitants). L'intervention des militaires à Ouvéa s'est accompagnée d'actes - des prisonniers kanaks blessés achevés - qu'on aurait pas acceptés concernant des Européens. C'est dire la difficulté du contexte dans lequel le gouvernement Rocard a engagé les négociations pour rétablir la paix et initier une réconciliation entre les communautés du Caillou. Le film de Charles Belmont "les Médiateurs du Pacifique" (1997) relate cet mission unique dans les annales de la République laïque, qui envoya aux côté du préfet Christian Blanc des personnalités connues pour leur engagement religieux ou spirituel : Jacques Stewart (président de la Fédération Protestante de France), Mgr Guiberteau (recteur de l'Institut Catholique), Christian Leray (acien Grand Maître du Grand Orient de France) : il s'agissait de renouer des liens en s'appuyant sur la réalité culturelle et religieuse du monde kanak très marqué par les missions catholiques et protestantes. La démarche contribua au succès des accords de Nouméa en 1998 qui ramenèrent la paix, même si bien des problèmes subsistent encore. Notons que cette même année vit l'accord du Vendredi Saint pacifiant l'Irlande du Nord et, en France, la commémoration de l'Edit de Nantes (1598) mettant fin aux Guerres de religion entre catholiques et protestants. Cet esprit du "compromis pacifiant" propre à l'Edit et l'appartenance au protestantisme de certains acteurs de cet épisode (Michel Rocard, Jacques Lafleur) ont peut-être joué leur rôle.

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