Aux élections municipales de mars 1983, la maire sortante de Dreux (Eure-et-Loir), Françoise Gaspard (gauche socialiste), avait été reconduite avec quelques voix d'avance seulement. L'élection ayant été annulée, une élection partielle a lieu le 4 septembre 1983.
À l'issue de ce premier tour, le candidat du RPR, le parti d'opposition de Jacques Chirac, est au coude-à-coude avec son adversaire de gauche. Pour le second tour, il noue donc une alliance avec la liste du Front National conduite par Jean-Pierre Stirbois. Celle-ci a obtenu 16,72% des voix, un succès sans précédent pour ce parti groupusculaire. Deux ans plus tôt, son chef Jean-Marie Le Pen n'avait pu se présenter à la présidentielle faute d’avoir obtenu les 500 signatures d’élus réglementaires et un an auparavant, en 1982, aux élections cantonales, son parti n’avait pu présenter que 65 candidats pour 1945 cantons renouvelables. Il n’avait récolté que 0,2% des voix...
Mais le contexte a évolué. En mars 1983, à l'issue des élections municipales perdues par la coalition de gauche, le président François Mitterrand a d'abord songé à changer de cap et mettre fin à la politique de rigueur, quitte à sortir du Système monétaire européen (SME). Au terme d'une « semaine folle », il se résigne toutefois à maintenir la France dans le SME et poursuivre la politique de rigueur. Il engage résolument la France dans la voie du néolibéralisme (dico) au grand soulagement des milieux d'affaires. Dans le même temps, la gauche se réoriente vers la défense des travailleurs immigrés et met en sourdine les revendications sociales.
À Dreux (33 000 habitants), à 75 kilomètres de Paris, Jean-Pierre Stirbois joue opportunément la carte de la lutte contre l'immigration. Son message porte dans cette paisible ville de province devenue en quelques années une cité-dortoir avec 10% de chômeurs et un quart d'immigrés essentiellement maghrébins ; une ville représentative de la « France périphérique » victime de la mondialisation et de l'ouverture des frontières. L'alliance de la droite et de l'extrême-droite l'emporte au second tour, le 11 septembre, avec 55,3% des suffrages. Quatre représentants du FN dont Jean-Pierre Stirbois entrent au conseil municipal. C'est une première en France.
Jean-Pierre Stirbois qualifie son succès de « tonnerre de Dreux ». Jacques Chirac tente quant à lui de relativiser le choc : « Cela n’a aucune espèce d’importance d’avoir quatre pèlerins du FN à Dreux, comparé aux quatre ministres communistes au Conseil des ministres ». Contre l'avis de son conseiller Charles Pasqua, il va toutefois renoncer à constituer au niveau national un front de droite intégrant le FN. Trente ans plus tard, Jean-Marie Le Pen n'en arrivera pas moins à accéder au second tour des présidentielles (21 avril 2002)...
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