Le 6 novembre 1975, une « Marche verte » conduit 200 000 Marocains vers la colonie espagnole du Rio de Oro. Pour le roi Hassan II comme pour ses sujets, ce Sahara occidental appartient naturellement et historiquement au Maroc.
C'est une partie de l’ensemble saharien que la colonisation arracha au Maroc. Celui-ci fut en effet très largement amputé de toute sa profondeur saharienne tant par la France que par l’Espagne.
Lors de la conquête de l'Algérie, la France s'empara des provinces marocaines comprises entre Figuig et la région du Touat d’une part, ainsi qu’entre le Drâa et les actuelles frontières de la Mauritanie et du Mali d’autre part. Ces pans du Sahara furent en 1962 cédés à l'Algérie indépendante dont ils forment le triangle occidental.
Quant à l'Espagne, elle s'attribua à la fin du XIXe siècle le Sahara occidental dont le littoral avait été exploré par les navigateurs espagnols dès le XVe siècle.
Ce territoire devint la colonie puis la province du Rio de Oro mais n'a intéressé la métropole qu'en 1963 avec la découverte d'importants gisements de phosphate.
C'est un morceau de désert de 280 000 km2, grand comme la moitié de la France. Il était peuplé en 1974 de seulement 82 000 personnes dont 15 000 Européens. Les autres habitants sont des nomades berbères de la tribu des Sanhadja. Leur nombre est évalué à un demi-million en 2020.
Un élément-clé de la rivalité entre Maroc et Algérie
Profitant de ce qu'à Madrid, le vieux caudillo Francisco Franco est à l'agonie, le Maroc et la Mauritanie réclament instamment à l'Espagne la cession du Sahara. L'Algérie, de son côté, soutient la formation d'un front de libération indépendantiste, le Polisario.
Par les accords de Madrid, signés le 14 novembre 1975, une semaine avant la mort de Franco, l'Espagne consent à se retirer de sa province et à partager celle-ci entre le Maroc et la Mauritanie. Mais le 27 février 1976, le front Polisario soutenu par l'Algérie proclame l'avènement d'une République arabe sahraouie et se lance dans des opérations de guerilla.
Comme le Maroc et l'Algérie menacent de se faire la guerre, la Mauritanie se retire du jeu en cédant au Maroc sa part de l'ex-colonie espagnole le 14 août 1979. En novembre 1979 enfin, grâce à l'habileté de la diplomatie algérienne, le front Polisario obtient de l'ONU la condamnation de l'annexion par le Maroc du Sahara occidental. En attendant un référendum d'autodétermination que refuse Rabat, l'ONU considère que le Sahara occidental est toujours sous l'autorité administrative de l'Espagne !
La situation est depuis lors figée. De 1980 à 1987, les Marocains ont érigé un « mur des Sables » de 2 700 kilomètres gardé par un corridor de mines et 100 000 militaires ! Ainsi le Sahara utile, ses phosphates et son littoral, sont-ils à l'abri des incursions sahraouies.
À la surprise générale, les États-Unis de Donald Trump ont entériné en décembre 2020 le projet d'autonomie promis au Sahara par le gouvernement marocain et reconnu la souveraineté de Rabat sur le territoire. En mars 2022, le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez l'a reconnue à son tour avec l'espoir d'une ouverture sur les présides de Ceuta et Melilla, revendiquées par Rabat. Pour l'heure, Madrid n'a pas obtenu satisfaction mais Alger n'a pas attendu pour prendre des mesures de rétorsion à l'encontre des entreprises espagnoles...
En juillet 2023, Benyamin Netanyahou, Premier ministre d’Israël, a été le troisième dirigeant à reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.
Du côté de la France, qui a pendant quelques décennies exercé sa souveraineté sur le Maroc et la plus grande partie du Sahara, un changement majeur s'est produit le 30 juillet 2024, quand le président Emmanuel Macron a reconnu la souveraineté du Maroc sur ce territoire et considéré le plan d’autonomie marocain comme « la seule base pour une solution politique juste et durable » pour le Sahara occidental.
Cette sortie de l'équivoque entretenue jusque-là par la diplomatie française est sans doute liée au resserrement des liens entre l'Algérie et la Russie, à laquelle la France est opposée en raison du conflit en Ukraine. Elle a entraîné aussitôt, sans surprise, une protestation violente d'Alger...
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Bernard (06-11-2023 17:50:00)
« L'histoire est le produit le plus dangereux que l'alchimie de l'intellect ait élaboré » (Paul Valéry). Elle donne de faux souvenirs aux peuples, qui croient volontiers et sincèrement que tel ou tel territoire voisin, dès lors qu’il leur a appartenu un moment dans l'Histoire, doit leur revenir coûte que coûte. Et chaque pays voyant midi à sa porte, c'est là la clé de la plupart des guerres. Le Maroc n'y échappe pas, qui rêve de reconstituer l'empire des Almoravides qui s'étendait des confins du Sénégal jusqu'au sud de l'Espagne au XIIème siècle.
De son côté, l’Algérie, lointaine contrée désertique de l’ex empire ottoman, qui n’a aucun passé historique et a pratiquement été créée ex-nihilo par la France - l’une des raisons pour laquelle, paradoxalement (syndrome de la volonté de tuer le père ?), elle en veut beaucoup à celle-ci - ne veut pas laisser faire, d’abord par jalousie à l’égard de sa voisine du Maghreb, mais aussi dans l’espoir fou de se frayer un jour (sait-on jamais ?) au travers de l’ex Sahara espagnol un débouché vers l’Atlantique.
Bien entendu, les grandes puissances – Etats-Unis derrière le Maroc et Russie derrière l’Algérie, sans parler de la Chine qui pointe son nez – soufflent sur les braises car il faut savoir diviser pour régner.
Tout cela serait dérisoire si ce n’était là la matrice d’un conflit sanglant où les peuples concernés n’ont rien à gagner.