Le 3 décembre 1973, de curieux plombiers s’infiltrent dans les locaux de l’hebdomadaire Le Canard Enchaîné. Ils y font tout… sauf de la plomberie. Cette incursion vient de ce qu'en janvier 1972, le journal satirique avait dévoilé les feuilles d’imposition du Premier Ministre Jacques Chaban-Delmas.
Ce dernier n’avait payé aucun impôt de 1967 à 1970, lorsqu’il était président de l’Assemblée nationale. Rien d’illégal à cela : il avait utilisé l'avoir fiscal, une disposition qui lui permettait de déduire de son impôt sur le revenu les versements effectués au titre de l'impôt sur les sociétés. Mais les Français l’acceptent mal.
Très populaire jusque-là, le Premier ministre pouvait prétendre à la succession de Georges Pompidou, alors président de la République. Conscient du péril, il demande au ministre de l'Intérieur, Raymond Marcellin, d'identifier les potentielles « taupes ». L'enquête des Renseignements généraux n'ayant rien donné, le ministre s'adresse à la Direction de la surveillance du territoire (DST)...
C'est ainsi que ce soir du 3 décembre 1973, en sortant du cinéma, André Escaro, dessinateur et administrateur du Canard, passe devant les locaux de l'hebdomadaire. Il aperçoit de la lumière et s’en étonne. Il croise deux policiers en bas de l’immeuble et monte dans les locaux. Au troisième étage, il toque et parvient à entrer. Il fait alors face à plusieurs plombiers en bleu de travail. Mal à l’aise, les faux artisans s'embrouillent dans leurs explications. Là-dessus, le dessinateur pénètre dans le bureau du directeur et voit que des lattes de parquet ont été arrachées. Il quitte les lieux sans attendre et alerte ses collègues.
Leur enquête, qui va alimenter le magazine pendant plusieurs semaines, révèle une tentative frauduleuse de la DST de poser des « mouchards » en vue d'identifier les sources de la rédaction. Le scandale est qualifié par le Canard de « water gaffe » en référence au Watergate américain. Mais malgré les preuves, la DST nie les faits et le procès qui suivra donnera raison à l'administration. La candidature du gaulliste Chaban-Delmas n'en sera pas moins balayée à la présidentielle de 1974 au bénéfice du centriste Giscard d'Estaing.
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