Les Allemands, en 1972, attendaient des Jeux Olympiques de Munich qu'ils effacent le triste souvenir des Jeux de Berlin (1936), présidés par Hitler.
Las, la fête est ternie par un attentat sans précédent qui se solde par la mort de onze membres de la délégation israélienne. Ce drame fait passer au premier plan de la scène internationale les revendications des Palestiniens en exil...
Un commando prêt à tout
Une semaine après le début des Jeux Olympiques de Munich, le 5 septembre 1972, à quatre heures du matin, huit hommes armés s'infiltrent dans le village olympique. Ils gagnent le bloc 31 où dort la délégation israélienne et pénètrent en force dans les appartements.
Sur les quinze sportifs présents, deux sont tués en tentant de résister aux intrus, un troisième arrive à s'enfuir en arrachant une fenêtre, un quatrième s'échappera un peu plus tard. Restent onze otages aux mains du commando.
Au réveil, le monde abasourdi découvre sur les écrans de télévision deux réalités avec lesquelles il va devoir apprendre à vivre, le terrorisme et la Palestine.
Le chef du commando communique à un agent de police un texte revendicatif. On apprend comme cela qu'il se réclame d'un groupe terroriste palestinien appelé « Septembre Noir ».
Ce nom fait référence au massacre par le roi Hussein de Jordanie des groupes armés palestiniens présents sur son territoire en septembre 1970 et affiliés à l'OLP de Yasser Arafat (Organisation de Libération de la Palestine).
Pour le Mossad (les services secrets israéliens), il ne fait guère de doute que les commanditaires de l'attentat de Munich sont à rechercher au sein de l'OLP.
Sortir de l'oubli
Le drame de Munich, qui mêle Israël, Palestine et Jordanie, nous renvoie aux racines du mal. Tout commence en novembre 1918, quand, après la défaite et le démembrement de l'empire turc, les Arabes du Proche-Orient recouvrent une indépendance qu'ils avaient perdue depuis... près de mille ans.
Ils espèrent se relever de cette longue humiliation avec le concours de leurs sauveurs, Anglo-Saxons et Français. Mais les vainqueurs de la Grande Guerre préfèrent se partager le Moyen-Orient. Aux Français la Syrie et le Liban, aux Anglais l'Irak et Palestine.
Qui plus est, par la déclaration Balfour, les Alliés légitiment l'implantation d'un « foyer national juif » en Palestine. La Seconde Guerre mondiale, l'indépendance d'Israël (1948) et les rivalités entre Arabes eux-mêmes ruinent les espoirs de ces derniers. Quand éclate la guerre des Six jours, en 1967, les Occidentaux, droite et gauche réunies, vibrent en faveur d'Israël.
Les Palestiniens, que leurs « frères » arabes maintiennent dans des camps quand ils ne les massacrent pas comme le roi Hussein, se sentent seuls et désemparés.
C'est comme cela qu'un chrétien de Palestine, Georges Habache, opposant de Yasser Arafat, préconise le terrorisme. Il a le douteux honneur de lancer les premiers attentats contre des cibles civiles. Lui-même se veut proche du raïs égyptien Gamal Abdel Nasser. Il se dit révolutionnaire et marxiste-léniniste, partisan de l'unité arabe (notons qu'aucun progressiste arabe ne s'occupe à cette époque de religion ; l'islam est jugé rétrograde et inopérant).
Les guerres de clans et les attentats occasionnels comme ceux de Georges Habache tendent à discréditer la cause palestinienne. C'est dans ce contexte que survient l'attentat de Munich.
Sauver les Jeux
Le Comité international olympique, dans la tradition de Pierre de Coubertin, se veut apolitique.
Dès l'annonce de l'attentat, son président Avery Brundage (85 ans) presse les autorités allemandes d'entraîner les ravisseurs et leurs otages hors de l'enceinte olympique. Sincèrement pénétré de l'idéal olympique, il n'a qu'une obsession : faire en sorte que les Jeux reprennent au plus vite. Le reste l'indiffère.
Il obtient que les compétitions à venir soient simplement décalées d'une journée et déclare au micro : « Les Jeux doivent continuer et nous devons continuer nos efforts pour les garder clairs, purs et honnêtes et essayer d'étendre l'esprit du sport à d'autres domaines ». Il est applaudi par le public... D'aucuns se souviennent qu'en 1936, il avait opportunément arrondi les angles quand les organisations juives américaines projetaient de boycotter les Jeux de Berlin organisés par le gouvernement nazi.
Le chancelier allemand Willy Brandt est consterné et embarrassé. Du fait du fédéralisme, l'action de la police revient au Land de Bavière qui n'a manifestement aucune compétence pour gérer une prise d'otages. Les autorités allemandes n'en gardent pas moins leur fierté et refusent la proposition de Tel Aviv d'envoyer sur place des tireurs d'élite israéliens.
À la hâte, on négocie avec les terroristes leur départ pour l'Égypte. Dès la nuit suivante est organisé le transfert en hélicoptère des terroristes et des Israéliens à l'aéroport. Quand les deux hélicoptères arrivent sur le tarmac, la police, qui a posté des tireurs volontaires en différents endroits, ne sait pas encore à combien de terroristes elle a affaire ! On est en pleine improvisation.
Le drame éclate au cours de l'assaut mené par la police munichoise avec une incroyable maladresse. Trois terroristes sur les huit sont immédiatement abattus. Les autres, se voyant assaillis, ont le temps de jeter une grenade dans un hélicoptère et de tirer dans le second où sont attachés leurs prisonniers. Tous sont tués. Un policier allemand meurt aussi au cours des échanges de tirs. Trois terroristes survivants restent aux mains des policiers.
Comme on n'en est pas à une bourde près, le gouvernement allemand annonce à minuit 30, sur la foi de mauvaises informations, que tous les otages ont été libérés, avant de démentir une demi-heure plus tard.
Deux jours après, le gouvernement israélien dirigé par Golda Meïr ordonne une attaque aérienne de représailles contre des bases palestiniennes en Syrie et au Liban. 70 morts. Entre temps, les compétitions sportives ont repris leur cours après une trêve de 34 heures.
Se sortir du guêpier
Le drame ne s'arrête pas là. Comme s'il ne lui suffisait pas d'avoir échoué à protéger les athlètes, le gouvernement allemand craint d'avoir à juger et condamner les trois terroristes survivants, avec le risque de représailles que cela peut entraîner de la part de leurs complices.
La solution est vite trouvée. Le 29 octobre 1972, un Boeing 727 de la Lufthansa est détourné par trois membres de Septembre Noir après son décollage de Beyrouth. Les terroristes exigent une rançon et... la libération de leurs trois collègues de Munich ! Sitôt dit, sitôt fait. L'avion est autorisé à atterrir à Munich et à en repartir avec les trois terroristes en direction de la Libye. On note que les passagers de l'avion n'étaient qu'une poignée, exclusivement des hommes jeunes... Pour les observateurs, il ne fait guère de doute que le détournement a été concerté par les Allemands et les Palestiniens pour permettre aux premiers de se débarrasser de leurs encombrants prisonniers.
Ainsi que Steven Spielberg le rappelle dans le film Munich qui ne restera pas comme le plus grand de sa carrière cinématographique, Israël n'aura de cesse que les trois terroristes survivants ne soient éliminés. Ses agents secrets arriveront à en tuer deux. Le troisième va survivre quelque part en Afrique.
La prise d'otages de Munich marque le commencement de l'agitation palestinienne et du terrorisme moyen-oriental, lequel culminera avec la destruction des tours jumelles de New York et du Pentagone le 11 septembre 2001.
Cinq ans après la victoire d'Israël, deux ans après l'écrasement de l'OLP par le roi Hussein de Jordanie, les Palestiniens commencent à avoir l'oreille d'une extrême-gauche européenne jusque-là davantage préoccupée par la condition de la classe ouvrière...
En France, dans le N° 171 du magazine Rouge, Edwy Plenel écrit : « L'action de Septembre noir a fait éclater la mascarade olympique, a bouleversé les arrangements à l'amiable que les réactionnaires arabes s'apprêtaient à conclure avec Israël. [...] À Munich, la fin si tragique, selon les philistins de tout poil qui ne disent mot de l'assassinat des militants palestiniens, a été voulue et proovoquée par les puissances impérialistes et particulièrement Israël. Il fut froidement décidé d'aller au carnage ».
De son côté, le philosophe Jean-Paul Sartre écrit dans La Cause du Peuple du 15 octobre 1972 : « Dans cette guerre, la seule arme des Palestiniens est le terrorisme. C'est une arme terrible mais les opprimés n'en ont pas d'autre ; et les Français qui ont approuvé le terrorisme du FLN contre les Français doivent également approuver l'action terroriste des Palestiniens. Ce peuple abandonné, trahi et exilé ne peut montrer son courage et la force de sa haine qu'en organisant des attaques mortelles. »
Vos réactions à cet article
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madjinayal (16-04-2008 02:02:39)
Si j'ai bien lu cette malheureuse et triste histoire, Israël n'a pas fini de se venger!!!
chris (22-10-2006 15:13:05)
Cela aurait été pertinent de mentionner qu'à la suite de la prise d'otage, Israel bombarda aussi des camps de réfugiéS palestiniens engendrant la mort de prés de 200 personnes, la plupart des civils. Combat on le terrorisme en le pratiquant soit même ???
gilles fitoussi (10-09-2006 22:31:46)
Je suis sûr que les jeux auraient dû être stoppés. Il est absolument inadmissible de continuer à jouer alors que des participants sont massacrés.
Gilles