5 octobre 1962

James Bond crève l'écran

Attablé au bar d’un somptueux casino, un ténébreux brun aux yeux bleus commande un vodka-martini. « Au shaker, pas à la cuillère ! » Mais qui est cet homme exigeant ? L’agent 007, bien sûr ! 

Tout le monde le connaît, il est l’espion le plus célèbre du monde. Paradoxal, n’est-ce pas ? En plein cœur de la guerre froide, James Bond nait d’un subtil mélange entre l’imagination et le parcours de son créateur, Ian Fleming. Les ventes des romans explosent grâce à leur adaptation au cinéma à partir de 1962, avec le grand Sean Connery dans le rôle de l’espion.

S’il est un personnage de fiction, James Bond a aussi un rôle politique. Véritable fierté nationale, il incarne une Angleterre puissante avec, en toile de fond de chacune de ses aventures, les enjeux géopolitiques de son temps...

Charlotte Chaulin

Sean Connery dans la première adaptation cinématographique des romans de Ian Fleming, James Bond contre Dr No (1962). En agrandissement : l'acteur britannique Daniel Craig qui interprète James Bond dans les cinq derniers films de la franchise.

L'espion Ian Fleming invente son alter ego romanesque

Né à Londres en 1908, Ian Fleming devient un officier du renseignement naval en 1939. Durant la Seconde Guerre mondiale, il se familiarise avec le monde de l’espionnage et participe notamment à l’opération Goldeneye, visant à conserver le contrôle militaire stratégique du détroit de Gibraltar.

Ian Fleming devant sa machine à écrire sur son bureau de sa propriété de Goldeneye en Jamaïque en 1953. En agrandissement : Ian Fleming, à ce même bureau, vers 1960.

En 1946, il s’installe en Jamaïque où il fait construire une maison qu’il baptise… « Goldeneye » ! Le 17 février 1952, à 44 ans, il se met devant sa machine à écrire et crée son alter ego romanesque. Un espion, comme lui, mais surtout l’homme qu’il aurait aimé être. Comme lui, son personnage est un coureur de jupons qui fume et boit beaucoup. Mais c’est aussi un bellâtre en costume à la culture encyclopédique, à l’humour aussi cynique qu’irrésistible, qui aime la vie et s’y connaît : la cuisine, le vin, les voitures de sport, les femmes…  

Quel nom lui donner ? En regardant dans sa bibliothèque, Fleming tombe sur le livre d’un ornithologue, Les oiseaux des Indes occidentales. Son auteur est un certain James Bond, nom que Fleming trouve assez banal. Il ne le restera pas longtemps !

En 1953, James Bond apparaît pour la toute première fois, dans le roman Casino Royale. Bien accueilli par le public, le livre se vend à 5 000 exemplaires. L’éditeur est ravi, c’est très satisfaisant pour un premier roman !

Une routine se met en place entre l’auteur et l’éditeur : chaque année Fleming passe deux, trois mois à Goldeneye et planche sur un roman tandis qu’un autre est en cours d’édition. Ainsi, chaque année, un nouveau James Bond arrive sur les rayons des libraires. En douze ans, Fleming publie donc douze romans : Casino Royale (1953), Vivre et laisser mourir (1954), Moonraker (1955), Les diamants sont éternels (1956), Bons baisers de Russie (1957), James Bond contre Dr No (1958), Goldfinger (1959), Opération Tonnerre (1961), Motel 007 (1962), Au service secret de Sa Majesté (1963), On ne vit qu’une fois (1964) et l’Homme au pistolet d’or (1965). Il publie également deux recueils de nouvelles.

Si les lecteurs sont au rendez-vous, les ventes explosent en 1961. Cette année-là, le magazine LIFE publie la liste des dix livres préférés du président Kennedy. Bons baisers de Russie figure à la neuvième place. Jackie Kennedy en recommande de son côté la lecture au patron de la CIA, Allen Dulles, qui en fut l'un des plus importants admirateurs. James Bond devient une star en Amérique.  Le cinéma s’intéresse donc vite à son cas. 

Qui incarnera James Bond ?

Il faut trouver le bon acteur pour incarner James Bond. C’est un enjeu de taille car maintenant, tout le monde connaît l’espion et s’en est fait une idée. Fleming a rendu la tâche facile en livrant une description très détaillée de son personnage : « Nom : Bond. Prénom : James. Taille : 1 m 83, poids : 76 kg. Corpulence svelte, yeux bleus, cheveux noirs. Cicatrice à la joue droite et sur l’épaule gauche. » peut-on lire dans Bons Baisers de Russie.

On apprend plus tard qu’il a la trentaine, excelle au pistolet, à la boxe, au lancer de couteau, qu’il parle français et allemand, fume énormément et boit, mais sans excès. 

Un jeune acteur d’origine écossaise de 27 ans, qui joue dans un téléfilm de la BBC, tape dans l’œil des producteurs (et de leurs épouses). C’est un très bel homme, viril et désinvolte, qui a fini troisième au concours de Mister Univers en 1950. Bien que d'origine prolétaire, il va très vite adopter les manières stylées de son personnage. Sean Connery signe avec la 20th Century Fox et l’aventure commence. 

James Bond contre Dr No sort en 1962. C’est un immense succès au box office d'autant qu'il révèle aussi une jeune actrice suisse appelée à une belle carrière, Ursula Andress. Le film rapporte près de 60 millions de dollars de recettes à l’international. 

Adoubé par Fleming lui-même, l’acteur interprète l’espion dans sept films jusqu’à l’âge de 53 ans. Comme le bon vin, il vieillit bien. À 59 ans, il est élu l’homme le plus sexy de la planète par le magazine People. Des agences de presse ont annoncé sa mort prématurément en 1993 mais Sean Connery est finalement mort un autre jour, le 31 octobre 2020, à l’âge de 90 ans. 

En France, dans les années 1950, les romans de Fleming avaient été publiés par les Presses internationales qui avaient dénaturé l’œuvre de son créateur, changeant les titres et coupant le texte. Après ce flop éditorial, Gallimard avait également proposé des traductions médiocres de deux romans de Fleming dans sa collection « série noire ». Il faut donc attendre James Bond contre Dr No au cinéma pour que l’éditeur Plon rachète les anciens romans et s’empare des nouveaux. Les traductions sont fidèles et réussies et, enfin, James Bond connaît le succès qu’il mérite auprès des lecteurs français. Les ventes explosent.

Ian Fleming, souffrant de troubles cardiaques et n’ayant pas pu calmer ses abus d’alcool et de tabac, meurt en 1964 à l’âge de 56 ans d’une crise cardiaque, à Canterbury. À sa mort, il a vendu 40 millions de romans. 

Après Sean Connery, les « beaux gosses » se succèdent dans le rôle de « Bond. James Bond » : George Lazenby, Roger Moore, Timothy Dalton, Pierce Brosnan et, enfin, Daniel Craig. Ce dernier, dont le style marque une rupture avec ses prédécesseurs, interprète l’agent 007 pour la cinquième fois dans Mourir peut attendre. Mais la sortie de ce film, prévue en novembre 2019, a été reportée en avril 2021 à cause de la pandémie du coronavirus. Cette nouvelle en a déçu plus d’un car le succès de l’espion ne décline pas. En moyenne, quatre milliards d’humains auraient vu au moins l’un des vingt-quatre films de la saga James Bond, soit un habitant de la planète sur deux. 

Les acteurs ayant interprété le rôle de James Bond, de gauche à droite : Sean Connery, George Lazenby, Roger Moore, Timothy Dalton, Pierce Brosnan et Daniel Craige. En agrandissement : l'acteur britannique Daniel Craig.

Publié ou mis à jour le : 2020-11-13 23:13:32
Liger (07-02-2021 13:25:49)

Franchement, que d'honneur pour du cinéma commercial dont les films aux normes apparemment britanniques mais en réalité très rapidement étasuno-globishesques (cf. l’origine essentiellement étasunienne des capitaux et des producteurs et le poids commercial du marché étasunien) sont des produits industriels normés comme des saucisses pour la vente chez WalMart : tics récurrents du personnage principal, rôles féminins conformistes (avec une simple mise à jour des clichés), vision caricaturale des pays dans lesquels l'action se passe, etc. Bref, on est dans le ronron qui ne dérange rien, surtout pas le retour sur investissement et la vente de produits dérivés. Quel apport à l'art cinématographique ? Sur ce point essentiel, il aurait fallu rappeler que ces films ont repris ad nauseam les réelles innovations du cinéma d'Hitchcock qui savait mettre en scène le spectaculaire (cf. par exemple la scène de l'avion traquant Cary Grant dans La mort aux trousses) mais sans se dispenser de faire de la mise en scène.

Au passage, sans apport artistique comme les romans de Dumas, souvent infidèles à l'Histoire mais d'abord bien écrits, ce qui est l'essentiel en littérature, ces films dont le tape-à-l'œil ne peut faire oublier la faible valeur artistique (pour être gentil) donnent une image caricaturale et fausse de ce qu'est l'espionnage.

Franchement, dans cette série d'articles faisant la part trop belle au cinéma étasunien (11 articles sur 21 !), j'aurais aimé au moins un article sur d'autres cinémas qui ont, eux, marqué l'Art et l'Histoire, comme Le cuirassé Potemkine (quand la puissance de l'art se substitue à la réalité historique), le choc de la découverte du cinéma japonais à partir des années 1950, sans oublier le cinéma indien (Satyajit Ray), coréen (Im Kwon-taek, notamment), africain (Ousmane Sembene) ou le cinéma novo brésilien…

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