17 octobre 1961

Nuit tragique à Paris

Sept ans après la « Toussaint rouge », trois ans après l'arrivée du général de Gaulle au pouvoir, l'indépendance de l'Algérie apparaît inéluctable. Pourtant, la France est plus perturbée que jamais par cette décolonisation qui n'en finit pas. La guerre s'est même transportée en métropole. Il n'y a pas de jour sans que des militants algériens soient assassinés par des militants de factions rivales, pas de semaine sans que des policiers soient également assassinés.

La tension entre policiers français et indépendantistes algériens culmine avec la manifestation nocturne du FLN, mardi 17 octobre 1961, à deux pas de l'Élysée. Son bilan humain demeure incertain. Plus de 300 selon la rumeur ; de 30 à 50 selon les enquêtes les plus sérieuses, celles de la mission Mandelkern, nommée par le Premier ministre socialiste Lionel Jospin (1998), et de l'historien Jean-Paul Brunet (1999).

Coupable, évidemment coupable...

28 mars 2024. En accord avec l'Élysée, la députée écologiste Sabrina Sebaihi a obtenu de l'Assemblée nationale le vote d'une résolution qui réclame la « reconnaissance et la condamnation du massacre (…) commis sous l’autorité du préfet de police de l’époque, Maurice Papon ». L'exposé des motifs fait référence de manière fantaisiste à « des estimations récentes d’historiens affirmant un nombre de victimes se comptant en centaines ».... Voudrait-on diviser un peu plus les Français que l'on ne s'y prendrait pas autrement. Mais est-ce bien le moment quand l'orage menace d'éclater au-dessus de nos têtes ?  

Nuit du 17 octobre 1961 à Paris

Montée des tensions

Au cours des mois précédents, 22 policiers sont tombés en France métropolitaine sous les balles des commandos du FLN (Front de Libération Nationale), l'un des mouvements qui revendiquent l'indépendance des trois départements algériens.

Les syndicats de policiers réclament davantage de fermeté de la part du préfet de police de Paris, Maurice Papon. Le 5 octobre, celui-ci demande aux travailleurs algériens de ne plus circuler de nuit dans la capitale. Il autorise aussi l'interpellation de tout musulman de jour comme de nuit. Pour protester contre ce couvre-feu discriminatoire, la Fédération de France du FLN appelle les Algériens de la région parisienne à manifester pacifiquement, avec femmes et enfants, le 17 octobre, à 20h30, sur les Champs-Élysées.

Une manifestation nocturne dans les beaux quartiers parisiens, à deux pas du palais de l'Élysée et de l'Assemblée nationale, avec une police chauffée à blanc par les attentats dont elle a été victime, c'est le drame assuré ! Le FLN veut user de cette provocation pour prendre le dessus sur le mouvement rival du MNA. Il ne lui déplaîrait pas non plus que la France soit mise en accusation sur la scène internationale.

Le drame survient comme prévu. Les forces de l'ordre affrontent sans ménagement les manifestants et les embarquent vers les commissariats. Des manifestants seraient même jetés dans la Seine ! On parlera d'environ 300 morts mais rien ne vient corroborer cette assertion.  Bien plus tard, en 1998, une commission d'enquête constituée par le Premier ministre Lionel Jospin concluera à un total de 25 corps de Nord-Africains déposés à la morgue dans les semaines qui ont suivi mais dont deux ou trois seulement auraient pu périr dans la nuit du 17 octobre.

La différence vient de l'imprécision des témoignages, des exagérations (on a cru voir des corps qui auraient dérivé sur la Seine jusqu'aux écluses), des insuffisances des enquêtes (on a assimilé à des victimes des personnes qui ont préféré disparaître dans la nature) etc. (...)

Publié ou mis à jour le : 2024-03-29 19:32:23
Louchard Edmond (03-04-2024 17:14:13)

c'est lamentable! qui n'a pas respecté la loi ce fameux soir? Ne cherchons pas d'excuses. et surtout pas de commémoration. Il faut arrêter de s'autoflageller. Le responsable est le FLN, que faisait-il en France? Sinon créer des problèmes et le me retiens, certains veulent le féliciter! Je propose une journée de commémoration pour les morts algériens massacrés et torturés en France par le FLN ....
Maintenant il est évident que négocier seulement avec le FLN a été une erreur....Il fallait être plus ferme face aux dirigeants FLN ....

mcae.fr (02-04-2024 14:03:15)

Avant de rouvrir les blessures, il faudrait commencer par ouvrir les archives qui en Algérie, sont toujours, à ma connaissance, interdites aux chercheurs.
Qu’y trouverait-on ?
Sans pouvoir le prouver formellement, mais suite à une étude consistante, je suis convaincu que le FLN est une fabrication de la CIA pour que l’occident s’approprie le gaz en en privant les habitants. Les non musulmans ont été chassés ou exterminés. Les musulmans restés sur place, privés de leurs ressources, ont été condamnés à vivre des subsides envoyés par leurs enfants émigrés en France. Ce n’est pas pour rien si le GPRA démocratique a été supplanté, dans la violence, par la dictature de Boumédiène au profit d’une bourgeoisie à son service (comme dans les autres décolonisations d’Afrique).
En empêchant l’élection légitime du FIS, l’Occident a renié les valeurs qu’il prétendait défendre et s’est discrédité durablement. De plus, en massacrant ceux qui avaient joué le jeu de la démocratie, il a engendré l’islamisme radical d’Alcaïda… mais il a conservé le gaz !

Il y a un certain cynisme à mettre en avant les 300 morts du 17 octobre 1961 et à mettre sous le tapis tous les massacres et les ignominies qui ont permis l’avènement et le maintien du FLN.
Jamais, dans l’histoire de l’humanité, le prix du gaz n’aura été aussi élevé.

silvestre (02-04-2024 12:21:11)

excellent article

Sergio (01-04-2024 19:33:46)

Un crime de masse oui, mais est celui de Papon ? de De Gaulle ? de la France ? Heureusement le terme de crime d'Etat a été retiré. On fera une journée de commémoration de plus, pour le plus grand plaisir du RN et du gvt algérien. Je ne suis pas d'accord avec André Larané lorsqu'il dit que l'Indépendance de l'Algérie était acquise, Les oppositions au plus haut niveau restaient mobilisées, au moins pour vider cette notion de son contenu, et le Sahara ?

Jonas (01-04-2024 14:54:14)

France : PIB: 40.886 $--IDH:38eme
Parmi les pays les plus heureux du monde : France: 21eme.
ALGERIE: PIB: 4279 $ --IDH:115eme. Pays les + heureux du monde : ALGERIE 85eme
Alors, une question simplement, simple:
Q'ont fait les Algériens de leur indépendance pour fuir leur pays, misérable et qui ne subsiste que grâce aux hydrocarbures?
Des gens sont morts pour que l'Algérie puisse recouvrer son indépendance et mettre dehors le colonisateur, afin que l'indigène devienne un citoyen , libre dans son pays.
Mais Sabrina Sebaihi comme tant et tant d'Algériens ont choisi de vivre en France pourquoi ? N'ont-ils pas trahi la mémoire de ceux qu'il veulent soi-disant honorer en venant s'installer chez l'ancien colonisateur toute honte bue.
Comme le disait un intellectuel algérien, Ismaël Zniber : Le peuple algérien est fier , schizophrène et hypocrite.
C'est facile de rendre hommage aux Algériens morts en France, en France, c'est mieux d'honorer leur mémoire en développant le pays pour lequel ils sont morts.
Ils doivent se retourner dans leur tombe.

Roger 89240 (01-04-2024 13:25:08)

Certes tout cela est regrettable. Mais nous étions en guerre et les "porteurs de valise" du FLN et leurs "amis" bien pensants œuvrait alors en FRANCE.
Et si nous parlions des massacres du 5 juillet 1962 à Oran ? Quatre mois après le cessez le feu le 19 mars 1962, fêté par les anciens combattants d'Algérie comme la fin de la guerre ? Y aura-t-il ne serait-ce qu'une ligne dans la presse pour rappeler cet événement tragique, honte de l'Algérie et du FLN ?

Bruno (01-04-2024 11:46:46)

On qualifie souvent la manifestation du 17 octobre 1961 de « pacifique ». Il me semble pourtant paradoxal d’associer en l’occurrence « guerre » d’Algérie et manifestation « pacifique ». Les « événements » d’Algérie étaient bien une guerre et les Français n’ont pas attendu que la France Officielle le reconnaissent en 1999 pour le savoir. Il était clair pour eux que le rappel des réservistes par Guy Mollet en 1956 et l’envoi en Algérie du contingent étaient des actes de guerre et c’est bien ainsi que, dès cette époque, ils désignaient les « opérations de maintien de l’ordre » menées en Algérie. Faire l’histoire uniquement à partir des discours officiels comme le fait couramment Benjamin Stora est un peu trop facile et lui permet de se mettre en avant pour dénoncer une soi-disant occultation. Ne lui en déplaise cette guerre avait dit son nom bien avant 1999 et c’est un fait.

Dans cette guerre, pour la France, l’ennemi c’était le FLN. FLN qui cherchait à étendre le champ de bataille à la France métropolitaine en y commettant des attentats et tuant des policiers. Peut-on alors qualifier de « pacifique » une manifestation organisée à Paris à l’appel de l’ « ennemi » dans le cadre de sa stratégie d’extension du conflit ? En riposte aux attentats du FLN en France un couvre-feu avait été instauré pour les Algériens. Le FLN appela alors les Algériens à une manifestation le 17 octobre 1961. Certes les manifestants n’étaient pas armés et leurs intentions étaient sans doute pacifiques. Celles du FLN ne l’étaient certainement pas lui qui, par les meurtres de policiers qui avaient précédé, avait préparé le terrain pour que les forces de police et de gendarmerie exaspérées se livrent à une répression féroce. Ce fut le cas et l’on peut dire que le FLN a réussi son coup manipulant sans vergogne les Algériens et les envoyant volontairement à leur insu au massacre. Massacre dont la responsabilité est à imputer à égalité à la préfecture de police de Paris et au FLN qui doit aussi reconnaître sa responsabilité.

Ty bihan (31-03-2024 14:23:28)

La personne qui mentionne Bernard Lugan dans cette affaire devrait préciser que Bernard Lugan est un.monarchiste d' extrême- droite. Ensuite. " choisis ton camp camarade", mais ne cherche pas à te dissimuler. C' est malhonnête.

Vasy (27-08-2023 16:57:04)

Comme d'habitude les études les plus sérieuses sont qualifiées de mensonges par une infime minorité de français (sans majuscule) anti-France. Il suffit de rassembler quelques dizaines de manifestants chaque année en commémoration d'un "massacre" pour que celui-ci devienne réalité. Et pour que ceux qui, au prix de mille précautions, essayent de dire la vérité soient traités de manipulateurs...
Amorphe, l'opinion publique avale. Apathie et renoncement dans tous les domaines. Est-ce toute l'histoire qu'on enseigne aux écoliers depuis un millénaire est toujours comme ça ? Fausse, falsifiée, inventée pour les besoins d'une propagande souvent nauséabonde ? ...

Christian (18-10-2021 09:52:53)

"Tabou", vous avez dit "tabou" ?

D'une manière générale, je constate et je déplore que les médias et certains politiciens continuent de présenter comme "tabous" les événements liés à la Shoah, à l'occupation, à la collaboration et à l'épuration pendant la seconde guerre mondiale, ainsi que les événements liés à la décolonisation et à la guerre d'Algérie, alors qu'ils sont désormais connus de tous (même si les interprétations sont parfois divergentes, ce qui est normal en démocratie).

Personnellement, j'ai toujours entendu parler dans ma jeunesse (dans les années soixante) des camps d'extermination et des chambres à gaz, de la collaboration, des excès de l'épuration, des erreurs qui ont déclenché la guerre d'Indochine en 1946, des tortures en Algérie, etc.

Par ailleurs, je trouve excessifs les appels incessants à la "repentance" qui me semble être une notion plus religieuse que laïque : c'est ainsi que la distinction entre les responsabilités de l'Etat français (régime de Vichy) et celles de la République française, prônée jusqu'en 1995, me paraît assez correcte sur le plan juridique et historique (mais ce n'est que mon point de vue, évidemment).

De même, si les autorités françaises acceptent aujourd'hui de reconnaître leurs responsabilités dans le massacre des harkis en 1962, je n'ai pas l'impression que les autorités algériennes soient disposées à faire de même... et certains partis de gauche ou d'extrême gauche non plus qui n'hésitent pas à traiter les harkis de "collaborateurs" et paraissent ainsi justifier ces massacres...

ROUVET (17-10-2021 16:49:01)

le roman Meurtres pour mémoire de Didier Daeninckx est paru en 1983, il a été très lu...On a parlé dans Libération de cette répression...Quand on parle de la guerre d'Algérie, on évoque le silence, l'oubli ; cela devient ridicule : des centaines de livres, de films, de documentaires !

alain DELOS (17-10-2021 13:52:53)

Excellent article et bien équilibré : les malheureux, sans armes parce qu'il fallait que ça saigne, qui ont subi la violence d'une police dédouanée par avance de toute violence ne se rendaient pas compte qu'ils étaient un jouet entre FLN et MNA d'une part, Ferhat Abbas et son remplaçant, plus dur, à la tête du FLN et enfin entre les mains du pouvoir de De Gaulle qui voulait se débarrasser le plus vite et "à n'importe quel prix" de l'Algérie. Le Président en ne citant que Papon (facile !) en a profité pour faire un peu d'électoralisme.

Jean Paul MAÏS (17-10-2021 11:14:57)

La manifestation organisée par le FLN était pacifique, aucun manifestant n'était armé ne serait-ce que d'un coupe-ongles !
Hors je lis : "affrontements sanglants entre policiers et Algériens", un parti-pris d'un autre temps, tendant à renvoyer manifestants et policiers dos à dos … comme toujours ! La violence,et quelle violence ! n'a été le fait que des policiers couverts par PAPON, Roger FREY, Michel DEBRE, DE GAULLE !

TURLUPIN (13-06-2019 15:33:23)

il conviendrait de faire aussi eta de la participation des familles (femmes enfants....vivants dans les bidonvilles et en particulier celui de Nanterre ,qui prenait le train et arrivés à St Lazare étaient embarquées par la police et déversés dans des hôpitaux (ST ANNE)..... d"ou les (non) des médecins les faisaient sortir par une autre porte..

Erik (18-10-2017 07:38:13)

Moi aussi, à l'instar de Pierre Girault, j'aime lire Bernard Lugan.

http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2017/10/le-17-octobre-les-gauchistes-vont-comm%C3%A9morer-un-massacre-qui-na-pas-eu-lieu.html

jean marie thiers (05-02-2013 12:29:13)

Je n'avais pas lu l'item correspondant à 1961, donc, d'accord c'est parfait, sauf le nombre, mais c''est une controverse stérile.

Pierre GIRAULT (27-10-2012 10:47:01)

Un point de vue et des chiffres sur cet évènement qui continue à susciter beaucoup de réactions :
http://bernardlugan.blogspot.fr/2012/10/apres-lesclavage-le-17-octobre-1961-la.html

Jean-Marie (13-04-2012 23:45:11)

3 lignes seulement sur les événements du 8 février 62 !
Serait-ce pour ne pas accabler Papon ?
[il aurait bien fait de même avec plaisir en 68]
Auriez-vous oublié ?

Gilles Aerts (12-10-2008 21:25:37)

Votre article, comme d'habitude, est tout à fait objectif.
Les derniers que j'ai pu lire sur ce sujet ces dernières années ne mentionnaient pas les attentats répétés dont les policiers, à l'époque, étaient victimes. Pourtant, c'est quelque chose dont je me souviens personnellement, faisant moi-même mon service militaire (mais toujours "en civil" en permission, et plaignant silencieusement ces pauvres flics, de garde dans leurs guérites, si vulnérables, devant les commissariats et autres lieux publics.

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