25 mars 1957

Le traité de Rome fonde la Communauté Économique Européenne

Le 25 mars 1957, à Rome, les représentants de six pays jettent les bases de l'Union européenne actuelle. Ce succès résulte de la volonté de paix affichée par les dirigeants de l'après-guerre et plus encore de la nécessité de faire front face à la menace soviétique, dans le cadre de la guerre froide entre le bloc atlantique et le bloc communiste...

André Larané

Signature du traité de la CEE, à Rome, le 25 mars 1957

La stratégie des petits pas

En 1949 était né le Conseil de l'Europe. Il comptait dix pays européens et avait des ambitions grandioses, mais ses pouvoirs étaient dérisoires et l'Allemagne n'en faisait pas partie.

Jean Monnet, le « Père de l'Europe », fort d'une très longue expérience, proposa alors d'asseoir l'intégration européenne sur des réalisations concrètes. Il créa en 1950-1951 la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier) avec le soutien de trois leaders démocrates chrétiens : Robert Schuman, Konrad Adenauer et Alcide de Gasperi. C'était la première administration supranationale. La Grande-Bretagne s'en tint à l'écart.

La CECA avait une utilité pratique pour la gestion des ressources économiques du continent. Mais les États européens n'avaient pas plus besoin d'elle que de toute autre institution supranationale pour rester en paix. Après deux conflits qui les avaient saignés à blanc, ils avaient tout à fait perdu l'envie de se faire à nouveau la guerre et ne songeaient plus qu'à vivre en bonne entente.

Mais un danger extérieur était apparu avec la « guerre froide » et la rivalité entre États-Unis et URSS. Les Occidentaux et les démocrates étaient terrifiés par la poussée du communisme à l'Est : blocus de Berlin en 1947, « coup de Prague » en 1948, prise de pouvoir à Pékin en 1949, invasion de la Corée du sud en 1950 etc. C'est pour faire face au danger très réel d'une attaque par l'Union soviétique que les démocraties de l'Europe atlantique et pro-américaine éprouvèrent la nécessité urgente de resserrer leurs liens et de placer sous la protection des États-Unis.

La CECA est née de ce besoin. Jean Monnet, mis en confiance par son succès, suscita ensuite un projet d'armée européenne sous le nom de Communauté Européenne de Défense. La CED aurait le double avantage de rapprocher les Européens et de surseoir au réarmement de l'Allemagne. Prématurée et mal engagée, elle avorta en 1954. Cet échec refroidit les enthousiasmes.

Jean Monnet et le Belge Paul-Henri Spaak revinrent alors à la charge avec une ambition moindre. Ensemble, ils suggérèrent un rapprochement des industriels impliqués dans l'atome civil. Accessoirement, ils proposèrent aussi une suppression progressive des barrières douanières.

Le défi européen

L'invasion de la Hongrie par les chars soviétiques le 4 novembre 1956 et, dans le même temps, l'échec piteux de l'expédition franco-britannique à Suez ravivèrent le besoin des Européens de renforcer leur union pour faire face à l'arrogance des Super-Grands (URSS et États-Unis). La France, à l'initiative du président du Conseil Guy Mollet, s'engagea dans cette voie pour essayer de retrouver son rang. Mais la Grande-Bretagne fit quant à elle le choix de s'aligner sur les États-Unis.

Le 25 mars 1957, l'Allemagne, la France, l'Italie, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg signent donc à Rome le traité Euratom et le traité sur la création d'une Communauté Économique Européenne (CEE). Dans un beau souci d'équilibre, les textes sont rédigés en français, allemand, italien et néerlandais, les quatre langues des membres fondateurs. Le seul chef de gouvernement à faire le déplacement est le chancelier Konrad Adenauer. Il marque ainsi l'importance qu'il attache à l'événement.

• Le premier traité accapare tout l'intérêt du public. Il prolonge la CECA en y ajoutant une touche de modernité ! Pourtant, il va s'étioler sans laisser de regret.
• Le second traité, au contraire, fait une entrée discrète. Il est vrai que son contenu demande à être précisé. Mais il va conduire pas à pas à l'intégration économique et politique de l'Europe de l'Ouest.

Ce traité cultive l'ambiguïté en ne se prononçant pas sur le débat essentiellement franco-allemand concernant l'instauration d'un protectionnisme à l'échelon européen (ce que l'on appellera plus tard : « préférence communautaire »). « Quand nous disions qu'il valait mieux, ne serait-ce que pour des motifs de négociation évidents, partir d'un tarif sérieux et obtenir des concessions en contrepartie de la part des autres pays du monde, le professeur Ehrardt, ministre de l'Économie et des Finances de la République fédérale, appuyé sur le succès remarquable de sa politique systématiquement libérale, nous rétorquait que le protectionnisme était un mal en soi, et une baisse de tarifs douaniers un bien en soi, même sans contrepartie négociée... », écrit dans ses mémoires Jean-François Deniau, l'un des négociateurs (L'Europe interdite).

La ratification du traité ne va pas sans difficultés. D'éminentes personnalités s'y opposent, comme le député socialiste Pierre Mendès France qui craint que l'industrie nationale ne supporte pas l'ouverture des frontières et la concurrence allemande. Par contre, plus visionnaire, le général Charles de Gaulle, sollicité par ses proches d'y mettre son veto, refuse. Il écrit en marge du dossier : « Nous sommes forts mais ils ne le savent pas » (sous-entendu : n'ayons pas peur de nous ouvrir à l'Europe).

Le traité de Rome sur la CEE entre enfin en vigueur le 1er janvier 1958. Il instaure un Parlement dont le siège est d'abord fixé à Bruxelles et une Cour de Justice établie à Luxembourg.

Le pouvoir exécutif est confié au Conseil des ministres des pays membres. Mais la mise au point des décisions est déléguée à une Commission Européenne permanente, sise à Bruxelles, et dont l'influence ne va cesser de croître jusqu'à nos jours.

Feuille blanche

À l'instant solennel de la signature du traité de Rome, les ministres européens ne se doutaient pas que celui-ci se résumait pour l'essentiel à une liasse de feuilles blanches.
La veille, les rédacteurs, épuisés, avaient laissé les feuillets épars sur le sol de leur bureau, se réservant de les assembler plus tard. Mais entretemps, les femmes de ménage découvrent le désordre. Zélées, elles jettent les feuilles volantes à la poubelle.
Stupeur des fonctionnaires à la découverte du désastre. Ils courent à la décharge mais ne retrouvent évidemment rien. Comme il est trop tard pour tout réécrire et qu'un report de la signature déshonorerait l'hôte italien, on décide de ne réécrire que les premières et les dernières feuilles du traité, celles qui doivent être paraphées ou signées, en intercalant entre elles une liasse de feuilles blanches.
Pendant toute la cérémonie, les officiels n'auront de cesse d'empêcher journalistes et ministres de feuilleter l'épais registre au risque de découvrir la supercherie (l'anecdote est confirmée par les sources officielles européennes et rapportée par un documentaire de la chaîne Arte : Dans les coulisses du traité de Rome).

Publié ou mis à jour le : 2023-07-14 11:26:58

Voir les 7 commentaires sur cet article

anne (04-10-2019 16:50:25)

Et nous sommes sensés leur faire confiance !!!!!!s'ils avaient autant d'astuces dans leurs responsabilités.......

anna (26-03-2017 09:40:15)

Cette histoire ridicule des feuilles blanches jetées par des "femmes de ménage zélées", où l'avait vous trouvée??

Jeanne B (15-02-2016 19:34:46)

C'est de la fraude plus qu'une supercherie cette histoire de pages blanches ! Le Traité devrait être invalidé et déclaré caduc, tous les autres traité suivants seraient également invalidés. La... Lire la suite

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