Le 7 janvier 1957, le gouvernement français confie au général Jacques Massu les pleins pouvoirs de police sur le Grand Alger (800 000 habitants dont une moitié de musulmans). Le général et ses 6 000 parachutistes ont mission de mettre fin au terrorisme dans l'agglomération.
Deux ans plus tôt, le 20 août 1955, les indépendantistes algériens ont déclenché une insurrection sanglante à Philippeville, et entraîné une brutale répression du gouvernement français.
Le 30 septembre 1956, les spectaculaires attentats du Milk Bar et de la Cafétéria font l'effet d'un coup de tonnerre.
La guerre ne se confine plus dans les zones frontalières et les montagnes. Elle frappe désormais le coeur d'Alger !
Revigoré par l'impact médiatique de ces attentats, le FLN, qui dispose sur place d'environ 5 000 militants, n'hésite plus à s'en prendre à la population de la ville. Il fait appel à des femmes de type européen pour convoyer les armes, transmettre les messages et même poser les bombes.
Pour rassurer une opinion tétanisée par ces attentats qui tuent et mutilent au hasard, le préfet d'Alger et le gouvernement du socialiste Guy Mollet s'en remettent en désespoir de cause au général Massu.
Dès le 7 janvier 1957, les parachutistes traquent les terroristes dans toute l'agglomération et pratiquent la torture pour faire parler les personnes suspectes d'avoir caché des bombes.
La presse ne tarit pas de témoignages qui dénoncent la banalisation de procédés indignes : tortures (torture à l'électricité ou « gégène », pendaison par les membres, baignoire...), exécutions sommaires de suspects, jugements expéditifs par les tribunaux militaires, centres de détention clandestins etc.
Une commission d'enquête rend un rapport accablant le 21 juillet 1957. Le quotidien Le Monde le publie, ce qui lui vaut d'être saisi.
Les responsables politiques et la majorité des citoyens, tant à droite qu'à gauche, sont donc très bien informés de ce qui se passe en Algérie. Mais ils préfèrent se taire devant les excès des militaires. Il est vrai que de nombreuses bombes sont découvertes à temps grâce aux informations recueillies sous la torture.
Le FLN tente d'organiser une grève générale à partir du 28 janvier 1957, ouverture de la 11e session des Nations Unies à New York, mais les parachutistes ouvrent de force les rideaux de fer des commerçants et brisent la grève.
Après l'attentat de la Corniche, qui tue plusieurs jeunes gens le 9 juin 1957, le colonel Yves Godard prend le relais du colonel Marcel Bigeard. Il privilégie désormais l'infiltration des réseaux plutôt que la torture. C'est ainsi que le 24 septembre 1957, ses parachutistes mettent la main sur Yacef Saadi (28 ans), principal organisateur des attentats à Alger. Ses aveux permettent de démanteler les réseaux.
Neuf mois après avoir obtenu les pleins pouvoirs, le général Massu peut se flatter d'avoir gagné la « bataille d'Alger », mais au prix de 3 024 disparitions de suspects. Le FLN est exsangue et guère plus en état de poursuivre ses opérations terroristes. Il se déchire qui plus est dans des querelles internes, à coup de liquidations et d'assassinats. Il s'en prend aussi à son rival, le MNA.
Pour les successeurs de Guy Mollet à la tête du gouvernement, le moment paraît favorable à une négociation avec les modérés du camp ennemi. C'est alors que les Français d'Algérie et certains officiers vont faire appel au général de Gaulle dans l'espoir de prévenir le lâchage de l'Algérie.
En Algérie, les Français ont utilisé avec profit l'intoxication. Leur principal succès en ce domaine est la bleuite, d'après le surnom de l'uniforme donné aux agents du renseignement français.
En 1957, pendant la « bataille d'Alger », un capitaine français infiltre la willaya d'Amirouche (l'armée insurgée des environs d'Alger) avec des prisonniers qu'il a retournés sous la contrainte et libérés. En usant de faux messages, il aide ses protégés à accéder à des postes de responsabilité au sein de la willaya. Ils sont bientôt en situation de le renseigner et contribuent à l'arrestation de Yacef Saadi.
Comme son stratagème est sur le point d'être découvert, le capitaine sème le trouble chez l'ennemi en répandant de fausses accusations. Amirouche, affolé, torture ses propres hommes et ceux-ci, dans l'espoir vain d'être épargnés, livrent des noms au hasard. Cette sauvage purge va faire 2 000 suppliciés dans les rangs de la willaya.
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Voir les 15 commentaires sur cet article
Michael (08-01-2024 02:28:29)
Merci d'avoir choisi de republier l'article cette année-ci. Ce choix répond efficacement aux objectifs d'Herodote.net qui est d'éclairer l'actualité par le rappel de l'Histoire. Le conflit à Gaza... Lire la suite
delos (30-08-2023 17:53:06)
Je voudrais bien que l'on replace la responsabilité là ou elle est. Quand un gouvernement demande à l'armée de faire cesser le terrorisme à Alger. Ce sont les ministres qui ont les mains propres ... Lire la suite
Jean Paul MAÏS (09-01-2022 13:53:52)
Du "terrorisme" le début d'une guerre d'indépendance ? Si oui, les terroristes n'étaient pas ceux que l'on veut bien nous décrire !