Le 26 juillet 1956, le président égyptien Gamal Abel-Nasser, qui a le soutien des Soviétiques, annonce à la foule sa décision de nationaliser le canal de Suez et les biens de la compagnie du canal, une société franco-britannique.
Cette nationalisation est décidée par Nasser pour financer le barrage d'Assouan après que les Américains lui ont coupé les crédits pour le punir d'avoir acheté des armes aux Soviétiques ! L'annonce publique prend de court les Égyptiens comme l'ensemble des chancelleries. Le raïs avait bien préparé son affaire. Il avait ainsi convenu en secret que les ingénieurs, techniciens et militaires égyptiens s'empareraient illico du canal à l'instant précis où viendrait dans son discours le nom de Lesseps !
Le raïs accompagne sa déclaration d'un retentissant éclat de rire, retransmis en direct par toutes les radios du monde arabe...
Gamal Abd el-Nasser (38 ans), arrivé à la tête de l'Égypte quatre ans plus tôt, rêvait de moderniser son pays. Il voulait commencer par construire un barrage à Assouan, en amont du Nil, pour régulariser le débit du fleuve, doubler ou tripler les surfaces irriguées du pays et fournir de l'énergie hydroélectrique.
La société allemande Hochtief avait établi le devis de ce projet pharaonique dont on parle depuis déjà deux siècles : 1,2 milliard de dollars. Le « raïs » égyptien (chef) demanda aux Américains de l'aider à le financer.
Washington, qui tenait à conserver de bonnes relations avec l'Égypte, signa un accord de principe en février 1956.
Mais voilà que Nasser, qui affichait un anticommunisme farouche et se voulait neutre dans la guerre froide qui oppose l'URSS aux États-Unis, formula quelques critiques contre les alliances tissées par les Américains au Moyen-Orient (le pacte de Bagdad). Qui plus est, dans son souci de préparer une revanche contre Israël, il reçut des armes du bloc soviétique, notamment de Tchécoslovaquie.
Il n'en fallut pas plus pour inquiéter le Sénat américain et, le 19 juillet 1956, le secrétaire d'État John Foster Dulles retira l'offre de prêt américain à l'Égypte et invita la Banque mondiale à en faire autant ! Le 22 juillet, les Soviétiques eux-mêmes précisaient qu'ils ne veulaient pas financer le barrage.
C'était une humiliation amère pour les Égyptiens et leur jeune président de la République.
De dépit (peut-être sur une suggestion des Américains eux-mêmes !), Nasser décida de se procurer l'argent en nationalisant le canal de Suez tout en indemnisant les actionnaires de la Compagnie de Suez, essentiellement français et britanniques. De fait, ils seront très correctement indemnisés et pourront réinvestir leurs gains dans d'autres activités, jusqu'à faire de leur compagnie l'un des fleurons de la Bourse de Paris.
Naissance d'une idole arabe et tiers-mondiste
Venant peu après la nationalisation des pétroles iraniens par le Premier ministre Mossadegh, la nationalisation du canal de Suez soulève l'enthousiasme des foules arabes, y compris dans l'Algérie encore française.
Mais les gouvernements de Londres et Paris décident néanmoins de riposter pour des motifs essentiellement politiques. Le gouvernement français veut briser le soutien apporté par Nasser aux indépendantistes algériens. Le gouvernement britannique veut quant à lui en finir avec la menace que fait peser ce coup de force égyptien sur ses intérêts dans la région.
Dans cette optique, ils vont trouver un allié de poids dans la région. Il s'agit d'Israël qui craint également la montée en puissance de son voisin égyptien extrêmement menaçant. Persuadé de leur bon droit, Guy Mollet et Sir Anthony Eden, respectivement chefs de gouvernements de la France et de l'Angleterre, proclament qu'ils ne céderont donc pas à l'intimidation.
Les deux pays mènent une opération conjointe avec Israël et rassemblent plus de 60 000 hommes, trois cents avions de combats et six porte-avions afin de mettre au pas le leader égyptien.
Après des premières opérations militaires victorieuses, les trois pays sont contraints de se replier sous la pression de l'URSS et des États-Unis. Il s'agit là d'une humiliation cinglante pour les deux anciennes grandes puissances, soumises aux injonctions des deux nouveaux géants, américain et soviétique, soucieux de protéger leurs propres intérêts et d'éviter une conflagration militaire généralisée.
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