Le 9 décembre 1955, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe adopte un drapeau destiné à représenter les instances européennes et la fédération en devenir. Ce drapeau est ainsi devenu, au moins jusqu'en 2009, l'un des trois symboles de l'Union européenne, avec une devise et un hymne.
Quant au Conseil de l'Europe, qui n'a aucun lien formel avec l'Union européenne, il se dote en 1999 d'un logo distinctif avec un C ou un E tourbillonnant sur fond d'emblème européen...
L'emblème adopté en 1955 est ainsi décrit : « Sur le fond bleu du ciel, les étoiles forment un cercle en signe d'union. Elles sont au nombre invariable de douze, symbole de la perfection et de la plénitude, qui évoque aussi bien les apôtres que les fils de Jacob, les travaux d'Hercule, les mois de l'année ».
Des symboles rassembleurs
Le Conseil de l'Europe, qui siège à Strasbourg, au Palais de l'Europe, est une assemblée née en 1949 en vue de promouvoir sur le continent les droits de l'homme. En son sein sont représentés la plupart des pays européens (46 membres en 2022) mais il n'a qu'une autorité morale et aucun pouvoir politique.
Dès sa création, le Conseil a souhaité donner à l'Europe des symboles auquels les peuples puissent s'identifier.
Le directeur de l'information Paul Michel Gabriel Lévy étudia quelques dizaines de propositions, et le concept d'une ou plusieurs étoiles dorées sur fond bleu ne tarda pas à s'imposer. Après cinq ans de recherches et de tentatives avortées, le 25 octobre 1955, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe choisit à l'unanimité un emblème d'azur portant une couronne de douze étoiles d'or.
Son choix du drapeau européen, qui renvoie inconsciemment à des traditions spirituelles très fortes, allait obtenir très vite les faveurs des citoyens comme des institutions.
L'Autrichien Arsène Heitz, modeste fonctionnaire, artiste à ses heures et fervent catholique, à l'origine de la maquette du drapeau et de plusieurs propositions, revendiqua par la suite la paternité du symbole et déclara s'être inspiré de la médaille miraculeuse de la rue du Bac (Paris).
Celle-ci représente la Vierge avec la corona stellarum duodecim ou couronne de 12 étoiles qu'évoque l'Apocalypse de Saint Jean : « Un signe grandiose est apparu dans le ciel, une femme revêtue du soleil, la lune sous ses pieds, et sur sa tête une couronne de 12 étoiles » (Apocalypse 12,1). Le fond bleu rappellerait quant à lui la couleur traditionnelle du manteau de la Vierge.
Se non è vero è ben trovato. La référence mariale, en effet, n'était pas pour déplaire aux dirigeants chrétiens-démocrates à l'origine de la construction européenne (Conrad Adenauer, Robert Schuman, Alcide De Gasperi...).
• Par un singulier hasard, le texte portant adoption du drapeau européen fut signé le 8 décembre 1955, fête de l'Immaculée Conception. L'emblème fut inauguré solennellement le 13 décembre de la même année à Paris. En 1983, le Parlement européen adopta à son tour le drapeau créé par le Conseil de l'Europe et préconisa qu'il devienne également l'emblème de la Communauté Européenne.
• En 1971, le Conseil de l'Europe compléta son travail en proposant le Prélude à l'Ode à la Joie, de la 9ème Symphonie de Beethoven comme hymne européen.
Hasard ou prémonition ? Cette proposition avait déjà été émise un demi-siècle auparavant, en 1923 (!), par le comte Richard de Coudenhove-Kalergi (1894-1972) dans son livre Paneuropa.
Le chef d'orchestre Herbert von Karajan en prépara l'arrangement musical. En 1986, l'hymne fut adopté à son tour par la Communauté Européenne. Il devint l'autre emblème commun à l'ensemble des Européens et préside depuis lors à toutes les manifestations européennes, sous les couleurs bleu et or du drapeau marial.
• En 2004 enfin, le projet de traité constitutionnel européen, destiné à mettre à jour et clarifier tous les textes antérieurs, a proposé, outre le drapeau et l'hymne, une devise qui ne manque pas d'allure : « Unie dans la diversité ».
Divergences autour des symboles
Le traité constitutionnel européen a été approuvé par les parlementaires des différents États mais rejeté massivement par les peuples français et néerlandais après un débat démocratique intense, en raison de différentes dispositions qui portaient atteinte à la démocratie et à la souveraineté des peuples.
À la suite de cette déconvenue, les instances dirigeantes des États membres ont réécrit le traité constitutionnel en reprenant toutes les dispositions rejetées par les citoyens et l'ont fait approuver par les Parlements nationaux et eux seuls en 2009.
Ce traité de Lisbonne a remis à plat les traités antérieurs. Mais pour éluder la comparaison avec le texte constitutionnel antérieur, ils ont évacué les références à un drapeau, une devise et un hymne européens. Les symboles européens n'ont donc plus d'existence officielle ! Le drapeau reste toutefois l'emblème de la Commission et des autres organes de l'Union. Par ailleurs, 16 pays ainsi que la France ont rappelé leur attachement aux symboles européens dans l'acte final du traité de Lisbonne (protocole n°52).
La bannière bleue aux douze étoiles peut donc continuer de flotter aux frontons de nos mairies et le président de la République française ne néglige jamais de l'arborer, y compris dans ses visites en Afrique.
Notons que ces couleurs ne font pas l'unanimité en Europe, loin de là. Ainsi, le gouvernement polonais, qui préfère mille fois l'OTAN à l'UE, a dédaigné de les arborer lors de la venue à Varsovie du président américain Joe Biden le 21 février 2023.
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
rouergue (10-12-2023 09:20:32)
Approximations et inexactitudes, à commencer par aucun projet de traité constitutionnel européen n’existe en 2005, un traité constitutionnel européen si l’on veut a été signé à Rome le 29 octobre 2004 (facile à vérifier) et surtout la légende Arsène Heitz (1908-1989). Il est alors un agent du Conseil de l’Europe qui a seulement réalisé la maquette du drapeau. Il se vante à tort d’en être le créateur. Le drapeau européen est une œuvre collective réalisée sous la direction P. M. G. Lévy. (voir Carlo Curti Gialdino, I simboli dell’Unione europea Bandiera – Inno – Motto- Moneta- Giornata, Rome, Istituto Poligrafico e Zecca dello Stato, Per conoscere l’Unione europea, n°2, p. 22). En réalité les étoiles initialement figurent le nombre de parties représentées au sein de l’Assemblée consultative (15) Voir le Rapport de la Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, Doc. 443, 22 octobre 1955, choix d’un emblème du Conseil de l’Europe, par R. Bichet. Seulement 14 d’entre elles étaient des Etats, le gouvernement d’Allemagne de l’Ouest ne voulait pas que la quinzième étoile représente la Sarre et préjuge de son statut en l’assimilant à un Etat et la détachant donc définitivement de la RFA. Le choix de 12 renvoie à une harmonie à la connotation religieuse (12 fils de Jacob), pas seulement 12 travaux d’hercule, 12 mois de l’année etc.
Il est regrettable qu’un site tel qu’Hérodote entretienne de telles erreurs.
Didier (22-05-2019 19:22:02)
Le raccourci "jean Monnet l'Européen" est un peu abusif sauf si l'on est partisan de cette Europe dépendante intrinsèquement de notre "allié" atlantiste qu'il a défendu en connivence avec ce même allié. Un peu d'histoire sur le sujet serait nécessaire, à l'adresse de nos jeunes , qui, si l'on s'en tenait là, seraient ainsi abusés.
marc-aurel (09-12-2016 11:39:43)
Merci à sincyr d'avoir publié 2 fois sa diatribe: comme je suis bon public, ça m'a fait rire 2 fois plus! Je pense qu'en matière de "détournement de racines", il risque de ne pas être déçu dans les années à venir!
Plus sérieusement, ce drapeau est plutôt beau et réussi mais je ne pense pas qu'il transporte de symbole fort et direct donc efficace et qu'il a donc peiné à s'imposer dans l'esprit des "citoyens européens".
pmlg (07-12-2015 09:36:01)
Bonjour,
Herodote.net est un site qui promeut l'histoire et non une quelconque "idéologie historique". Sans doute l'emblème a-t-il été conçu par un artiste (je tiens à lui donner ce titre car quelles que soient les interprétations que l'on voudra en tirer il est réellement très beau dans sa simplicité) qui était guidé par des convictions. Mais ce qu'on lui a demandé était de symboliser l'Europe. Si des convictions personnelles m'inclinent à partager celles de l'auteur je ne vois aucune contradiction. Si (cf. certains commentaires) on y voit une forme de "récupération" il ne faut pas réduire toute l'histoire à un symbole. Et il ne faut pas non plus exclure du symbole une histoire réelle. L'Europe n'est pas qu'un symbole ni une idéologie.
Quant à gepege il serait bien inspiré d'éviter les raccourcis. Je ne nie pas que les relations qu'H. von Karajan a pu entretenir ont été ambiguës mais de là à en faire un affidé inconditionnel du III° Reich (... pourquoi n'avoir pas écrit les deux lettres maudites !) il y a toute la marge de la véritable histoire. Elle s'inscrit dans le droit fil de son maître W. Furtwängler dont on a dit tout et le contraire de tout sur le même sujet. J'ai même entendu un journaliste d'une chaîne nationale présenter une symphonie dirigée par ce chef d'orchestre sans hésiter à en faire une oeuvre inécoutable par des oreilles "normales" ... oubliant que la symphonie avait un compositeur totalement étranger au III° Reich et qu'il a dû se retourner dans sa tombe. Je ne sache pas que les notes musiques n'ont pas de couleur politique... par elles mêmes, même si certains régimes ont banni des compositeurs de leur répertoire. Peut-être serait-il judicieux qu'Hérodote fasse le point sur la question
jmrostand (07-12-2015 08:36:13)
Cet article est-il vraiment précis ? Il prévoit 46 membres pour le Conseil de l'Europe, or depuis au moins 2008 on est à 47 (depuis l'adhésion du Monténégro). Un des drames de l'Europe est la méconnaissance des questions européennes par nombre de pros d'histoire français. J'en ai vu une à Perpignan, en jury Sciences-Po, au lycée Maillol de la ville, qui confond Conseil de l'Europe et Union Européenne, et qui de plus parle encore à ses élèves d'Europe des communautés...
gepege (06-12-2015 07:53:50)
Quel retournement ! Herbert von Karajan, talentueux chef d'orchestre,mais nazi encarté militait peu de temps avant encore au sein du IIIème Reich pour une Europe spéciale (GrossEuropa), lui aussi si ma mémoire n'est pas défaillente !! Br.....
sincyr (13-12-2010 11:40:46)
Il est chocant d'avoir placé le symbole de l'Europe, sous les références chrétiennes. Que je sache les racines de l'Europe commencent dans le néolythique, pour s'épanouir avec les Gréco-romains, les celtes et les germains. L'étouffement de la religion païenne par une religion d'origine juive, a introduit en Europe une vue-du-monde non européenne. Il s'agit donc, une fois de plus, d'un détournement de nos racines.
sincyr (07-12-2010 14:25:07)
Il est chocant d'avoir placé le symbole de l'Europe, sous les références chrétiennes. Que je sache les racines de l'Europe commencent dans le néolythique, pour s'épanouir avec les Gréco-romains, les celtes et les germains. L'étouffement de la religion païenne par une religion d'origine juive, a introduit en Europe une vue-du-monde non européenne. Il s'agit donc, une fois de plus, d'un détournement de nos racines.
GRC (09-12-2009 09:46:10)
Amusant de lire cet article quand la plupart des "élites" en France essaient denous expliquer qu'il ne faut surtout pas se référer aux racines chrétiennes de l'Europe.
Même dans le projet de constitution, il avait fallu supprimer toute référence au passé. Or le seul symbole à peu près connu unanimement est le drapeau qui fait donc référence à la culture grecque et aux racines judéo-chrétiennes.....
Celà étant, je souscris pleinement aux remarques de JPL.
jpl (07-12-2009 11:49:30)
Si je comprends bien, il a fallu de 1955 à 1983 pour adopter un drapeau et de 1971 à 1986 pour adopter un hymne !
Et ce travail de titan a été réduit à néant par l'omission du Traité de Lisbonne, mais 16 sur 27 pays ont décidé de garder les symboles.
Et l'Europe veut jouer un rôle politique dans le "concert des Nations" ?
Heuresement que nous avons Herman Van Rompuy et Catherine Ashton ! On va voir ce qu'on va voir !