Le 1er février 1954, lors d'un hiver désastreux qui a occasionné de grandes souffrances parmi les sans-abri de France, l'abbé Pierre lance un appel pathétique sur les ondes et dans les journaux : « Mes amis, au secours ! Une femme vient de mourir gelée, cette nuit, à 3 heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l'avait expulsée... » Les Français se mobilisent.
C'est le début d'un immense mouvement charitable, l'« insurrection de la bonté ». Il va conduire le gouvernement à intensifier ses efforts pour la construction de nouveaux logements.
De son vrai nom Henri Grouès, l'abbé Pierre (1912-2007) entre dans la Résistance et devient député à la Libération. En 1949, il crée près de Paris la communauté des Compagnons d'Emmaüs.
Les déshérités qu'elle accueille ne se contentent pas de la charité publique mais se prennent en charge, construisant de leurs mains des maisons, se faisant chiffonniers et retrouvant leur dignité à travers la solidarité et le travail.
À trois siècles de distance, l'abbé Pierre apparaît alors comme l'héritier spirituel de saint Vincent de Paul, une lumière dans un monde ténébreux et en manque de repères.
Cette image lénifiante va s'effondrer au grand désarroi de l'opinion publique à l'été 2024, soit dix-sept après sa mort, avec la révélation de son comportement de prédateur sexuel. Jusqu'à un âge avancé, le « saint » homme avait usé de sa notoriété pour imposer des faveurs sexuelles aux femmes qui venaient à l'approcher. Une partie de son entourage et sans doute de sa hiérarchie avait occulté ces déviances pour ne pas « désespérer » les âmes pieuses et sans doute aussi les généreux donateurs de ses fondations.
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