4 janvier 1948

La Birmanie accède à l'indépendance

La Birmanie, aux marges orientales des Indes britanniques, devient indépendante quelques mois après celles-ci, le 4 janvier 1948. Par la même occasion, elle quitte le Commonwealth britannique.

Béatrice Roman-Amat
Le pays de prédilection du bouddhisme

Entre l'Inde et le Bangladesh d'un côté, la Chine, le Laos et la Thaïlande de l'autre, la Birmanie est enserrée dans un écrin de montagnes bien arrosées et traversées de puissantes artères fluviales, l'Irrawaddy étant le fleuve principal. Elle a été rebaptisée Myanmar en 1989 et sa capitale Rangoun est devenue Yangon.
Bagan, la cité des mille temples (Birmanie)Le pays compte près de 60 millions d'habitants (2015) sur 676 000 km2, parmi lesquels une centaine d'ethnies minoritaires qui vivent dans les territoires périphériques (Karin StateChan StateKaren State...), sans compter quelques communautés musulmanes à la frontière avec le Bangladesh et dans l'extrême sud.
Longtemps morcelée en petits royaumes rivaux et soumise aux influences étrangères, la Birmanie a accueilli avec chaleur le bouddhisme, religion d'État depuis 1961.
Le bouddhisme du Petit Véhicule s'est en particulier épanoui après l'An Mil autour de Pagan (ou Bagan), la « Ville des mille temples » avec ses célèbres stupas (chignons) symboliques de l'ordre cosmique.

Mandalay, ancienne capitale de la Birmanie, sur l'Irrawaddy

La tutelle britannique

Les Britanniques, après avoir soumis au XVIIIe siècle les Indes voisines, ne tardent pas à poser leur regard sur la Birmanie.

Ils s'en emparent au terme des trois guerres anglo-birmanes (1826, 1852 et 1886). Ils conquièrent d'abord le Nord-Est birman, frontalier des Indes britanniques, afin de protéger le Bengale d'incursions birmanes. Vient le tour du delta de l'Irrawaddy et du sud du pays, enfin l'arrière-pays où se sont repliés les représentants de la dernière monarchie locale. En 1886, la Birmanie est intégrée aux Indes britanniques.

Les Britanniques utilisent la stratégie consistant à diviser pour mieux régner, en favorisant l'autonomie des minorités ethniques. Ils enrôlent presque exclusivement des membres de ces minorités (Karens, Kachins...) dans leur armée. Par ailleurs, ils investissent massivement dans le développement des transports et transforment d'immenses zones du delta de l'Irrawaddy en rizières, faisant de la Birmanie le premier exportateur de riz au monde.

Le drame des Rohingyas

De nombreux Indiens ont immigré en Birmanie pour participer au boom économique induit par la colonisation britannique à la fin du XIXe siècle.
Parmi ces immigrants figuraient des Bengalis musulmans de la région de Chittagong. Ils sont devenus majoritaires dans la région de Maungdaw, au nord de l'ancien royaume bouddhiste d'Arakan, aujourd'hui appelé État Rakhine.
Au début du XXIe siècle, leurs descendants, appelés Rohingyas d'après leur langue usuelle, ont tenté d'obtenir un statut d'autonomie et d'affirmer avec plus de force leur foi islamique. Il s'en est suivi des persécutions de la part des bouddhistes rakhines et de l'armée birmane. À partir de 2015, sur une population d'environ 1,3 million de Rohingyas, plusieurs centaines de milliers ont dû fuir vers le Bangladesh voisin pour échapper aux massacres et aux viols.

Au début du XXe siècle naît un mouvement nationaliste birman. Il s'organise autour d'une élite de jeunes gens, dont certains ont étudié à Londres. La crise économique des années 1930 entraîne en outre une importante révolte paysanne qui est violemment réprimée par les Britanniques.

En 1937, la Birmanie est séparée des Indes et devient une colonie à part entière, avec un niveau relativement élevé d'autonomie interne. Parallèlement, le mouvement nationaliste clandestin s'amplifie, sous la houlette de Thakin Aung San (Thakin, qui signifie « maître », est l'équivalent du sahib indien, un terme auparavant réservé aux seuls Européens que les nationalistes se sont appropriés).

La Birmanie constitue un champ de bataille majeur de la Seconde Guerre mondiale (là se situe l'épisode du pont de la rivière Kwai, magnifié par le roman de Pierre Boulle). En 1941, les Japonais, épaulés par l'Armée de Libération birmane conduite par Aung San, repoussent les Britanniques auxquels seules les minorités restaient fidèles. Cependant, la dureté de l'occupation par l'armée japonaise, qui ne tolère qu'un gouvernement birman fantoche, retourne rapidement l'opinion birmane.

Aung San prend contact avec les Alliés en 1944 et ses troupes vont contribuer à la défaite des Japonais. Leur reddition est signée le 28 août 1945 à Rangoun, capitale de la colonie (aujourd'hui Yangon).

Une indépendance douloureuse

Après une période de négociations serrées, marquées par des grèves qui paralysent tout le pays, les Britanniques admettent le principe de l'indépendance de la Birmanie. Aung San est assassiné le 19 juillet 1947 avant que celle-ci ne devienne effective. C'est son compagnon de lutte U Nu qui devient le Premier ministre du nouvel État. 

Les premières années s'avèrent particulièrement difficiles : les exportations de riz tombent au plus bas ; des minorités, notamment les Karens chrétiens du centre-ouest, tentent de faire sécession. Dans les montagnes frontalières de la Chine, la culture illicite du pavot s'épanouit dans le Triangle d'Or.

U Nu parvient toutefois à installer une démocratie parlementaire. Son pays est présent en 1955 à la conférence de Bandoeng (Indonésie) qui réunit les pays « non-alignés ». L'un de ses compatriotes, le professeur U Thant, devient le troisième secrétaire général de l'ONU en 1961 (et le premier non-Européen à ce poste). 

Mais les épreuves affectent la jeune démocratie. Dans la crainte de rébellions ethniques et d'une fédéralisation du pays, le général Ne Win procède à un coup d'État le 2 mars 1962. La Birmanie devient une dictature militaire. Ne Win et ses successeurs l'engagent à marche forcée dans des réformes socialistes, au prix d'une violente répression contre les démocrates et les minorités. 

En 1988, un soulèvement fait plusieurs milliers de victimes à Rangoun et conduit l'année suivante à l'organisation de premières élections libres. Celles-ci conduisent à la victoire du parti d'Aung San Suu Kyi, la fille de l'ancien leader assassiné. Mais la junte récuse le scrutin et jette Aung San Suu Kyi en prison.

Le pays prend le nom officiel d'Union de Myanmar, plus consensuel que celui de Birmanie, qui fait référence à une seule ethnie sur une centaine, tout en restant unitaire et centralisé. Les militaires renforcent leur domination et ferment à peu près complètement le pays en s'appuyant sur la Chine populaire, leur alliée stratégique et sans craindre de défier l'opinion occidentale.

La Birmanie s'enfonce dans le dénuement et le mutisme, à l'écart de la modernisation accélérée qui parcourt ses voisins du Sud-Est asiatique. Les appels poignants d'Aung San Suu Kyi, assignée à résidence après avoir reçu le Prix Nobel de la Paix en 1991, ne semblent rien y changer, pas plus que les protestations des bonzes bouddhistes...

Le jour se lève

L’élection du général Thein Sein (66 ans) à la présidence de la République le 4 février 2011 amorce une timide démocratisation : libéralisation économique, allègement de la censure, négociations avec les minorités, visite de la Secrétaire d’État américaine Hillary Clinton et élargissement du Prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi. Celle-ci revient sans attendre dans la compétition en politicienne avisée. Pragmatique et volontaire, digne fille de son père, elle avertit : « Je ne suis pas Margaret Thatcher mais je ne suis pas non plus Mère Teresa ».

Aung-San-Suu-Kyi à Strasbourg en 2013 pour la remise du prix Sakharov (photo : Claude TRUONG-NGOC)Aux élections du 2 avril 2012, Aung San Suu Kyi est élue députée dans des conditions à peu près régulières. D'aucuns se prennent à rêver que la Birmanie (ou Myanmar) rejoigne la communauté des nations démocratiques.

Dans la perspective d'une transition paisible, la « Dame de Rangoun » commence à négocier en sous-main avec le régime militaire. C'est ainsi que son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), remporte haut la main les élections législatives, le 9 novembre 2015. Mais elle doit accepter que 25% des sièges de députés soient d'office attribués à la junte militaire.

Elle-même devient ministre des Affaires étrangères et porte-parole de la présidence (ou Conseillère d'État), une fonction équivalente à celle de chef de gouvernement.

Avec le même sens des réalités que le président Thein Sein, elle ne proteste pas quand celui-ci réprime dans le sang un soulèvement de la minorité Kachin, au nord du pays, ou traque les musulmans du sud et les pousse à fuir le pays sur des embarcations de fortune. Le 10 décembre 2019, elle ne craint pas non plus de se présenter en personne devant la Cour internationale de justice, à La Haye, pour contrecarrer les accusations de génocide portées contre son gouvernement, à propos du sort réservé aux Rohingyas.

Son pragmatisme vaut à Aung San Suu Kyi une popularité renforcée. Aux élections du 8 novembre 2020, son parti remporte 82% des sièges ouverts au vote. C'en est trop pour le chef de l'armée, le général Min Aung Hlaing, qui, le 1er février 2021, commet un nouveau coup d'État et renvoie Aung San Suu Kyi en résidence surveillée. À suivre.

Publié ou mis à jour le : 2022-01-25 22:42:46
Michel Fibiani (03-04-2012 20:57:04)

Bien que succinct car sous forme de résumé, votre article retrace bien l'histoire récente du Myanmar. Pour y avoir séjourné très récemment pendant quatre semaines, si " la Birmanie retrouv... Lire la suite

Michel Pesneau (03-04-2012 11:02:56)

Je trouve que vous évoquez un peu trop sommairement les élections (de 1962 ?) gagnées par le parti d'Aung San Suu Kyi et le sort réservée à sa présidente, non seulement assignation à résidenc... Lire la suite

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