L'Inde indépendante naît officiellement dans la nuit du 14 au 15 août 1947, à minuit. Sa naissance est annoncée à Delhi par le chef du gouvernement, Jawaharlal Nehru. Quelques heures plus tôt, à Karachi, le rival de ce dernier, Ali Jinnah, a proclamé la création du Pakistan.
Cette double naissance est l'aboutissement de longues et douloureuses tractations entre le colonisateur britannique et les Indiens mais plus encore entre les Indiens eux-mêmes (les Anglais s'étaient pour la plupart résignés à quitter les Indes dès 1930)...
Les explosions de haine entre majorité hindoue et minorité musulmane ont conduit à la division du sous-continent indien que les Anglais avaient réussi à unifier pour la première fois de son Histoire.
L'indépendance de tous les dangers
Le Congrès national indien, qui regroupe les élites hindoues, réclame dès le début du XXe siècle l'autonomie, voire l'indépendance. La Ligue musulmane, toute aussi désireuse de voir partir les Anglais, exige la création d'un État proprement musulman, le Pakistan.
Son chef, Mohamed Ali Jinnah, récuse tout idée de confédération entre cet État et la future Union indienne. Il entretient ses coreligionnaires dans la conviction qu'ils ne pourront jamais vivre en paix s'ils sont en minorité face aux hindous. Après la conférence de Simla, conclue sur un échec le 14 juillet 1946, il les appelle à une journée d'action directe, le 16 août 1946. Il s'ensuit plusieurs milliers de morts rien qu'à Calcutta. C'est la première explosion de haine entre les deux communautés.
Les Britanniques n'en confient pas moins la direction du British Raj à un gouvernement intérimaire dirigé par le pandit Jawaharlal Nehru, compagnon de route de Gandhi. Ils convoquent par ailleurs une assemblée constituante en décembre 1946 mais celle-ci est boycottée par la Ligue musulmane. Les affrontements sanglants entre les deux communautés commencent à se multiplier.
En février 1947, Londres dépêche à Delhi le prestigieux Louis Mountbatten (46 ans), cousin de la future reine Elizabeth II, en qualité de vice-roi des Indes (ou gouverneur général) afin de dénouer le conflit.
Le combat des chefs
Mountbatten cultive d'excellentes relations avec Nehru mais il désespère de préserver l'unité du British Raj et, en désespoir de cause, choisit d'accélérer le processus d'indépendance, quoiqu'il en coûte.
Sir Cyril Radcliffe, un juriste anglais de qualité, se voit confier la tâche de délimiter la future frontière entre Pakistan et Inde.
Finalement, la passation des pouvoirs a lieu comme prévu le 15 août 1947, à Delhi, au fort Rouge, l'ancien palais des empereurs moghols. La fête est réussie, malgré l'absence de Gandhi, plongé dans un nouveau jeûne en guise de protestation contre la partition, qu'il qualifie à juste titre de « vivisection ».
Cependant que Nehru devient Premier ministre de l'Union indienne, Lord Mountbatten troque son titre de vice-roi contre celui de gouverneur général (chef d'État sans véritable pouvoir) ; il le conservera à titre transitoire jusqu'au 21 juin 1948.
La veille, à Karachi, Lord Mountbatten a proclamé la création du Pakistan. Beaucoup moins accommodant que Nehru, Ali Jinnah s'est d'emblée attribué le titre de gouverneur général avec tous les pouvoirs...
Visions d'enfer
Immédiatement, dans l'affolement, la plupart des hindous et sikhs du nouveau Pakistan plient bagage et rejoignent vaille que vaille l'Union indienne ; ils sont imités en sens inverse par de nombreux musulmans. De 1947 à 1950, dix à quinze millions de personnes se croisent ainsi par-dessus les frontières des deux nouveaux États, occasionnant au passage d'innombrables incidents meurtriers.
Dans les villages où cohabitent les communautés (hindous, musulmans, sikhs) ont lieu des scènes d'épouvante, pires qu'en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, aux dires de témoins britanniques : massacres à l'arme blanche, viols, mutilations... On compte 400 000 à un million de morts rien que dans l'été 1947. (...)
L'indépendance des Indes, de loin la principale région sous tutelle européenne, va donner le signal de la décolonisation. Après les Indes néerlandaises (Indonésie), Ceylan (Sri Lanka) et la Birmanie, en 1948, les Européens vont se résigner à lâcher leurs autres possessions, essentiellement en Indochine et en Afrique.
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Anonyme (23-08-2017 12:30:52)
Bonjour, Très-bel hommage au dévouement de £ord Mounbatten, un rare CONCILIATEUR (avec Nelson Mandela) à ne pas avoir payé de sa vie sa bonne volonté, comme Henri IV, Gandhi, Jaurès, Anouar El... Lire la suite
Philippe TCHAIDJIAN (15-08-2017 14:00:11)
Article instructif, sans conteste. Les deux dernières phrases - et tout particulièrement la dernière - du commentaire final n'étaient peut être pas indispensables dans le contexte de la thématiq... Lire la suite