En novembre 1944, Franklin Delano Roosevelt aborde sa quatrième élection présidentielle. Il a déjà affronté la crise économique issue du krach de 1919 et dirige maintenant son pays dans la guerre contre le Japon et l'Allemagne.
Le président est épuisé par la maladie et les responsabilités. Aussi l'élément important de l'élection est-il le choix du nouveau vice-président, vu qu'il devra être appelé à gouverner à brève échéance.
Ni les leaders du parti démocrate ni le président lui-même ne souhaitent une trop forte personnalité ! C'est sur Harry S. Truman que leur choix se porte. Né le 8 mai 1884 dans le Missouri, il n'a pas fait d'études supérieures.
Fermier, employé, combattant sur le front français en 1917, il ouvre en 1919 un petit magasin de confection pour hommes à Kansas City.
Il fait faillite deux ans plus tard et en 1922, à 38 ans, se lance en politique. Il se montre un sénateur démocrate consciencieux et honnête.
L'inéluctable survient : épuisé et malade, Franklin Delano Roosevelt meurt d'une hémorragie cérébrale le 12 avril 1945, à 63 ans, quelques semaines avant le suicide de Hitler et la capitulation de l’Allemagne.
Président de hasard
Il revient à son successeur, Harry S. Truman, de conclure la guerre et bâtir la paix au pied levé, ayant eu à peine l'occasion d'en débattre avec le président dans les semaines qui ont précédé sa mort. « J'ai cru que la lune, les étoiles et toutes les planètes m'étaient tombées dessus », confiera-t-il aux journalistes.
Après la capitulation de l'Allemagne, il signe la charte des Nations Unies, fondée à San Francisco le 26 juin 1945. Le plus dur reste à venir. À la conférence de Potsdam, le 17 juillet 1945, il rencontre Staline en vue de négocier le sort de l'Europe. Autrement plus lucide que Roosevelt, il rejoint Churchill dans sa méfiance à l'égard du dictateur et s'inquiète de lui livrer la moitié du continent.
Ces impressions vont fortement peser dans la décision la plus importante de sa présidence : le largage d'une bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945. Les Américains avaient d'abord conditionné la reddition du Japon à l'abdication de l'empereur mais les Japonais étaient disposés à tout sauf à cela. Le président Truman a craint que les négociations ne traînent en longueur et ne laissent à l'URSS le temps de prendre aussi des gages sur le Japon. Il s'est laissé convaincre d'employer l'arme atomique, une innovation effroyable qui a ouvert la possibilité pour l'humanité de s'autodétruire...
En Europe, Truman enterre le plan ébauché par Henry Morgenthau, Secrétaire au Trésor de Roosevelt. Ce plan Morgenthau visait à diviser l'Allemagne en deux États, l'un au nord, l'autre au sud, et à la réduire à une économie seulement agricole ! Au lieu de cela, on va assister à une partition de l'Allemagne entre les Alliés dont la France.
Le président s'inquiète de la poussée soviétique en Europe centrale. Il est alarmé par une lettre de Churchill : « Un rideau de fer est tombé sur le front russe ». Il l'invite à en parler publiquement à Fulton (Missouri) et l'ex-Premier ministre britannique ne se fait pas faute de dénoncer la menace d'une nouvelle guerre.
Ses propos laissent l'opinion sceptique mais pas le président qui, le 12 mars 1947, donne un contenu concret au discours churchillien en formulant devant le Congrès américain la doctrine d'endiguement (en anglais : containment) qui porte son nom : « Je crois que les États-Unis doivent soutenir les peuples libres qui résistent à des tentatives d'asservissement... ». Il s'agit d'aider en priorité la Grèce et la Turquie, menacés par l'expansionnisme soviétique.
Au nom de cette « doctrine Truman », les États-Unis lancent dès l'été suivant un plan d'aide massif à l'Europe démocratique, le plan Marshall, du nom du Secrétaire d'État du cabinet Truman, le général George C. Marshall. Ils vont aussi apporter leur appui financier et militaire à des régimes dictatoriaux, à l'Espagne de Franco et au Portugal de Salazar, comme à la Corée de Syngman Rhee et au Vietnam de Ngô Dinh Diêm.
Dans le domaine intérieur, Truman tente de mener une politique sociale dans l'esprit du New Deal de Roosevelt. Mais il en est empêché par les républicains et les démocrates du sud qui votent une loi antigrève Taft-Hartley en 1947.
Sa réélection en novembre 1948 s'avère périlleuse du fait de la scission des démocrates du sud qui lui reprochent d'avoir supprimé la ségrégation raciale dans l'armée et présentent leur propre candidat. Face au républicain Thomas Dewey, il est d'abord donné perdant si bien que le Chicago Daily Tribune titre prématurément la nuit du vote : « Dewey Defeats Truman » (« Dewey a battu Truman »).
Le 20 janvier 1949, dans le « Point Quatre » de son discours d'investiture, il lance l'idée d'une aide financière et technique aux pays pauvres, pour la première fois qualifiés de « sous-développés ».
Au plus fort de la guerre froide
En Europe, l'aggravation des tensions a conduit le président à organiser dès le 24 juin 1948 un gigantesque pont aérien pour desserrer le blocus des zones d'occupation occidentale de Berlin par les Soviétiques.
Le 4 avril 1949 est signé le traité de l'Atlantique Nord. Il débouche sur une alliance militaire entre les États-Unis, le Canada et les États pro-américains d'Europe. C'est l'OTAN. En septembre 1949, le blocus de Berlin prend fin avec la constitution des zones d'occupation occidentales en République Fédérale Allemande. La division de l'Europe en deux blocs antagonistes va perdurer jusqu'à la chute de l'URSS, en 1991.
Le monde tremble d'autant que les deux rivaux, les États-Unis et l'URSS, disposent tous deux de l'arme nucléaire. La guerre froide se transporte en Asie.
À Pékin, le 1er octobre 1949, Mao Zedong proclame la naissance de la République Populaire de Chine. Son rival malheureux Tchang Kaï-chek se réfugie sur l'île de Taiwan avec deux millions d'hommes, sous la protection de la flotte américaine. Dès l'année suivante, les Nord-Coréens communistes envahissent la Corée du sud pro-occidentale. Intervention immédiate d'un corps expéditionnaire américain sous les ordres du général Douglas MacArthur. La guerre de Corée va se révéler le conflit le plus meurtrier depuis la fin du nazisme, avec même la menace par le général McArthur d'attaquer la Chine et d'employer l'arme nucléaire avant qu'il soit rappelé par Truman en avril 1951.
Dans cette atmosphère d'extrême tension, le sénateur américain Joseph MacCarthy ajoute à la confusion en dénonçant de mythiques complicités communistes dans l'administration et le monde de la culture.
Président de hasard, au pouvoir sans y avoir été préparé, Harry S. Truman aura relevé d'immenses défis et gagné l'après-guerre. Il quitte la présidence en pleine guerre froide, en janvier 1953, remplacé par le républicain Dwight Eisenhower.
Bien que n'ayant jamais réussi à gagner le coeur des Américains, il laisse les États-Unis plus puissants et plus dominateurs qu'ils ne l'ont jamais été et ne le seront sans doute jamais plus.
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