Le 13 avril 1943, la radio allemande annonce la découverte d'un charnier dans la forêt de Katyn, près de Smolensk, entre Pologne et Biélorussie. Il s'agirait des restes de 4 143 officiers polonais exécutés par les Soviétiques lorsque ceux-ci s'étaient emparés en 1939-1940 de la partie orientale du pays, conformément au pacte germano-soviétique.
Pendant plusieurs décennies, les communistes rejettent le crime sur les nazis.
En 2007, le grand cinéaste polonais Andrzej Wajda (82 ans) tire un film témoignage remarquable de ce drame dont son propre père a été l'une des victimes.
Une révélation gênante
Dès l'été 1941, après leur entrée en guerre contre l'URSS, les Allemands découvrent dans la forêt de Katyn les dépouilles de quelques centaines de jeunes officiers polonais en uniforme, assassinés d'une balle dans la nuque et jetés dans des fosses communes. Les découvertes se multiplient dans les premiers jours d'avril 1943.
Le régime hitlérien, qui vient de subir à Stalingrad une cuisante défaite, décide de porter cette découverte sur la place publique avec l'espoir de dissocier les Soviétiques de leurs alliés anglo-saxons.
L'URSS nie immédiatement l'imputation du crime mais le gouvernement polonais en exil à Londres, dirigé par le général Wladislaw Sikorski, demande dès le lendemain une enquête de la Croix-Rouge internationale. Staline, fâché, rompt les relations diplomatiques avec lui le 23 avril.
Churchill, qui a besoin de Staline pour combattre Hitler, s'émeut de cette écharde au sein de l'alliance... Très opportunément, l'intransigeant Sikorski périt dans un accident d'avion à Gibraltar le 4 juillet 1943.
Pour plus de sûreté et afin d'affaiblir le gouvernement polonais en exil à Londres, Staline crée le 31 décembre 1943 un Comité de Libération Nationale composé de communistes polonais (il sera plus tard appelé « Comité de Lublin »). Ce comité accepte sans sourciller la version soviétique selon laquelle les massacres de Katyn seraient le fait des nazis.
Un crime réfléchi
En attendant, dès mai 1943, une commission de la Croix-Rouge mène une enquête sur place avec l'aide diligente des Allemands. Elle aboutit à la conclusion irréfutable que les massacres ont été commis en avril et mai 1940, au moment où les Soviétiques occupaient la région. Mais par souci de ne pas alimenter la propagande nazie, la Croix-Rouge garde le secret sur le rapport.
Il apparaîtra plus tard que, dès mars 1940, les hommes du NKVD (la police politique soviétique) avaient reçu du Politburo (le gouvernement soviétique) et de son chef Staline l'ordre d'exécuter comme « contre-révolutionnaires » ceux de leurs prisonniers polonais qui appartenaient à l'élite intellectuelle du pays.
C'était une mesure motivée d'abord par la volonté de revanche sur la défaite subie par l'Armée Rouge en 1920, ensuite et surtout par la volonté de préparer la mainmise soviétique sur la Pologne en éliminant d'emblée les fortes têtes susceptibles de s'y opposer !
C'est ainsi que sont exécutés à Katyn plusieurs milliers d'officiers extraits du camp de Kozielsk. Des massacres similaires ont lieu dans d'autres forêts du pays... On évalue au total à 22.000 le nombre d'officiers et de jeunes gens issus des élites intellectuelles et politiques du pays sommairement exécutés dans l'ensemble de la zone occupée par les Soviétiques.
Katyn et la guerre froide
Après la guerre, lors du procès de Nuremberg, les procureurs soviétiques tentent de faire inscrire le massacre de Katyn parmi les crimes de guerre imputables aux accusés nazis. Le tribunal se refuse heureusement à cette mascarade qui eut jeté le doute sur l'ensemble du dossier d'accusation.
Pendant plusieurs décennies, les Soviétiques et le gouvernement communiste de Varsovie vont tenter contre vents et marées d'effacer le souvenir de Katyn, allant jusqu'à ériger en symbole de la barbarie nazie un village homonyme, Khatyn, rasé par les Allemands.
Il faut attendre la fin de la guerre froide et l'année 1990 pour que Mikhaïl Gorbatchev reconnaisse enfin la responsabilité des Soviétiques. Katyn s'inscrit donc dans une longue liste d'agressions du grand frère russe à l'encontre de la Pologne. Ce lourd passé explique l'attachement de la Pologne post-communiste aux États-Unis et à l'OTAN, seules puissances capables de la protéger des menaces venues de l'est.
Notons pour conclure que Staline a, d'une certaine manière, hélas, atteint son but : par le massacre délibéré des Polonais instruits, de concert avec Hitler, il a transformé le visage de la Pologne.
Celle-ci était avant la Seconde Guerre mondiale une société relativement moderne, tirée par des élites urbaines attachées à la laïcité, qu'elles fussent juives ou catholiques. Leur massacre délibéré et leur remplacement par des nouveaux venus issus du monde rural ont fait de la Pologne, en l'espace de deux générations, une société anachronique au cœur de l'Europe, attachée à la petite propriété paysanne et à une pratique religieuse traditionnelle, sinon passéiste.
Il a fallu attendre l'avènement de Karol Wojtyla (Jean-Paul II), la chute de l'URSS et l'adhésion de Varsovie à l'Union européenne pour que change cet état de fait.
Vos réactions à cet article
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Gérard Morin (11-04-2013 11:52:53)
"Quand le crime paie" C'est vrai quoi, de quoi se mêlent-ils ces paysans, arriérés si j'ai bien tout compris? Depuis quand la masse doit-elle empêcher les élites de "nomenklaturer... Lire la suite
sylvaino (09-04-2013 07:50:54)
Lire "la Paix des dupes" de Philip Kerr qui intègre dans un roman particulièrement érudit les dossiers du massacre de Katyn et du camp de Beketovka aux conférences du Caire et de Téhér... Lire la suite
dday (31-03-2009 21:03:13)
Ce massacre est bien connu des gens qui, comme moi, ont été élevés, bien après la guerre, dans la volonté de connaître la vérité sur ces systèmes concentrationnaires communistes et nazis. Co... Lire la suite