Le 2 janvier 1942, Jean Moulin (42 ans) est parachuté en France en vue d'organiser la Résistance intérieure et de la placer sous les ordres du général de Gaulle qui réside à Londres.
Le relais de Londres
Issu d'une famille radicale-socialiste de Béziers, Jean Moulin côtoie avant la Seconde Guerre mondiale des politiciens de la gauche non communiste comme Pierre Cot, ministre du Front populaire. Il est préfet d'Eure-et-Loir au moment de l'invasion allemande, en juin 1940.
Le 17 juin 1940, à la préfecture de Chartres, des officiers allemands lui demandent de signer un texte condamnant de prétendus méfaits des troupes africaines de la France. Jean Moulin refuse. Il est arrêté et dans la nuit, désespéré, tente de se suicider.
Sauvé de justesse, il retourne à la préfecture. En attendant d'être démis de ses fonctions, il reprend son travail de façon consciencieuse et par exemple envoie à l'occupant, qui lui en a fait la demande, la liste des juifs de son département ! Il n'y voit pas de mal car, en octobre 1940, même chez les nazis, on est encore loin d'imaginer une extermination de masse des Juifs...
Le 2 novembre 1940, enfin, Jean Moulin est chassé de la fonction publique. Dès lors, il multiplie les contacts clandestins avec les embryons de mouvements de résistance. Un an plus tard, en octobre 1941, il part pour Londres avec l'intention de demander une aide aux Anglais et aux Français libres qui entourent le général de Gaulle en vue de développer la résistance intérieure.
Jean Moulin est reçu avec faveur par le général de Gaulle qui apprécie sa connaissance de la Résistance intérieure et ses compétences d'administrateur.
Le chef de la France libre, qui peine à se faire reconnaître par les résistants de l'intérieur, encore peu nombreux, peu actifs et divisés, demande à Jean Moulin de se faire son ambassadeur ou son porte-parole auprès d'eux. L'ex-préfet accepte. C'est ainsi qu'il est parachuté sur le sol français (avec les pseudonymes de Rex ou Max) le 2 janvier 1942.
Tout en tissant sa toile secrète, Jean Moulin va mener au grand jour, dans le sud du pays, la vie paisible d'un ancien préfet à la retraite !
Sur le sol français, pendant ce temps, la Résistance intérieure se développe à l'initiative de personnalités comme Henri Frenay et Berty Albrecht. L'officier catholique et l'infirmière protestante ont fondé à Lyon, en «zone libre» le mouvement Combat. Il comprend plusieurs dizaines de milliers de sympathisants et environ 200 permanents. Limité dans ses objectifs et ses moyens, le mouvement organise principalement des filières d'évasion vers la Suisse ou l'Espagne.
En «zone occupée», à Paris, une Résistance se met timidement en place, également, avec des hommes comme Pierre Brossolette, brillant intellectuel socialiste, rallié sans équivoque à De Gaulle.
À la mi-1941, après l'invasion de l'URSS par la Wehrmacht, les communistes français entrent à leur tour dans la résistance, créent leurs propres réseaux et multiplient les attentats.
Les Allemands réagissent avec brutalité en exécutant des dizaines d'otages. Comme prévu, les Français se radicalisent, d'un côté comme de l'autre. Les dénonciations anonymes à la police française ou, pire, à la police allemande, la Gestapo, se multiplient.
Le général de Gaulle dénonce le caractère militairement inefficace des attentats et, pour éviter que les communistes ne s'imposent dans la Résistance intérieure, il demande à Jean Moulin de coordonner les réseaux et de les replacer sous son autorité. C'est ainsi que l'ex sous-préfet, peu après son parachutage sur le sol français, rencontre Henri Frenay. Il le convainc de se rallier au général de Gaulle et de le rencontrer à Londres.
Arrestation et martyre de Jean Moulin
À la suite des défaites allemandes de El Alamein et Stalingrad , les Français reprennent espoir et les mouvements de résistance connaissent une affluence relative.
Henri Frenay a besoin de beaucoup d'argent pour financer les armes que réclament les maquis de résistants. Il ne peut se contenter des fournitures de Londres et s'adresse aux Américains, via la Suisse. Jean Moulin, l'apprenant, se fâche tout de bon. Il reproche à son compagnon de s'immiscer dans les rivalités entre le général de Gaulle, soutenu par Churchill, et le général Giraud, avec qui préfèreraient coopérer les Américains.
Pierre Brossolette, partisan d'une rénovation des institutions politiques françaises après la guerre, craint de son côté que Jean Moulin ne prépare la restauration de la IIIe République. Ardent gaulliste, il aspire par ailleurs à prendre la direction de la Résistance.
Le 27 mai 1943, malgré l'opposition d'Henri Frenay et Pierre Brossolette, Jean Moulin met en place un Conseil national de la Résistance (CNR) inféodé au général de Gaulle. La décision est prise lors d'une réunion au 48, rue du Four, à Paris.
Le 16 juin 1943, Henri Frenay part à Londres pour s'expliquer auprès de De Gaulle sur l'«affaire suisse». Les services gaullistes l'empêchent de reprendre sa place à la tête de Combat. Il ne retrouvera le sol français qu'à la Libération et, après des responsabilités ministérielles, se retirera à Porto-Vecchio où il mourra le 6 août 1988.
Quelques jours après le départ d'Henri Frenay à Londres survient l'un des épisodes les plus dramatiques de la Résistance. À Calluire, une petite ville proche de Lyon, doit se tenir une réunion importante du Conseil National de la Résistance.
Pierre de Bénouville, collaborateur d'Henri Frenay au sein de Combat , décide d'y envoyer René Hardy, une «grande gueule» dont il attend qu'il défende l'autonomie de Combat au sein du CNR. Ce faisant, Pierre de Bénouville commet une grave imprudence.
René Hardy, en effet, a été arrêté quelques jours plus tôt par Klaus Barbie, le chef de la Gestapo de Lyon. Il a été presque aussitôt relâché et l'on peut penser que la Gestapo l'a placé sous surveillance.
C'est ainsi que le 21 juin 1943, la Gestapo investit la villa du docteur Dugoujon, où se sont réunis les résistants. Seul René Hardy arrive à s'enfuir. Les Allemands ne tardent pas à identifier Jean Moulin comme le chef de la résistance intérieure. Ils le transfèrent à Paris puis à Berlin où il n'arrivera jamais. Le 8 juillet 1943, il meurt des suites des tortures et des mauvais traitements en gare de Metz.
Après l'arrestation de Jean Moulin, Georges Bidault (44 ans), professeur d'histoire, est élu à la présidence du CNR avec une confortable majorité de douze voix sur seize.
Le mouvement de résistance triomphe enfin avec la Libération de Paris, en août 1944...
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Gérard Morin (30-05-2013 11:26:08)
Hardy a été arrêté par la Gestapo et peut-être "retourné". Alors que Aubrac, arrêté, lui, deux fois, n'a pas subi le même sort. C'est d'une logique absolue.
jacques D. (28-05-2013 11:54:47)
un homme qui a eu un parcours rectiligne,depuis les cabinets ministériels et la préfectorale républicaine, jusqu'au combat final, mais c'était aussi un homme qui aimait la vie,comme on le montre... Lire la suite